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Les contraintes résiduelles dans les films de MoCr, estimées par les méthodes de la courbure et des sin²ψ, sont représentées sur la fig. 5.38.a), pour des films élaborés au potentiel flottant et en l’absence de puissance RF dans la spire.

Concernant les résultats obtenus pour chaque échantillon par la méthode des sin²ψ, la plupart sont issus de mesures effectuées sur deux pics différents parmi les trois utilisés dans cette étude, en privilégiant les deux pics les plus intenses. La fig. 5.39. propose un exemple de détermination des contraintes résiduelles par cette méthode, utilisant les pics (220) et (321). On peut remarquer que la dispersion des valeurs expérimentales autour des droites de régression linéaire correspondant à l’interpolation des mesures effectuées sur ces pics est relativement faible. En outre, ces droites sont quasiment confondues, et les valeurs de contraintes déduites de ces mesures sont donc sensiblement égales puisqu’elles sont directement déduites de la pente de ces droites. Etant donné que la plupart des échantillons caractérisés présentaient ces similitudes en fonction des pics utilisés, la pente que nous avons considérée pour le calcul des contraintes résiduelles est issue de l’ensemble des mesures expérimentales obtenues sur les deux pics utilisés pour chaque échantillon. Cette pente correspond à celle de la droite en trait plein sur la fig. 5.39..

Les résultats obtenus par la méthode de la courbure montrent une augmentation des contraintes de tension de 0,1 à 1,7 GPa lorsque la pression baisse de 6,7 Pa à 1,3 Pa, suivie d’une diminution à partir de 1,3 Pa, jusqu’à une contrainte de –0,3 GPa à 0,67 Pa. Les résultats issus de la technique des sin²ψ présentent également un changement de l’état de contrainte, en tension à 1,3 Pa (σ = 2,1 GPa) et en compression à 0,67 Pa (σ = -0,4 GPa).

Alors que les valeurs de contraintes compressives déduites des deux techniques sont proches, la valeur de contrainte de tension obtenue à 1,3 Pa par diffractométrie est significativement plus élevée que celle obtenue par la méthode de la courbure. Cette différence entre les résultats obtenus par les deux techniques peut être attribuée à plusieurs phénomènes. Tout d’abord, comme le soulignent Malhotra et al. [Mal 1997] dans le cadre d’une

étude réalisée sur des films de Mo déposés par pulvérisation magnétron, les valeurs obtenues par la méthode des sin²ψ à partir d’un ensemble de plans cristallographiques d’un échantillon texturé, peuvent ne pas être représentatives de la contrainte moyenne du film. Dans notre cas, un certain nombre d’échantillons présentent une texture (110) ou (111) qui pourrait permettre d’expliquer d’éventuelles dissimilitudes entre les résultats issus des deux techniques, cependant l’échantillon en question est très peu texturé. Cette différence pourrait également provenir d’une mauvaise estimation du module d’Young, étant donné que nous avons utilisé celui du Mo pur. Une surestimation de ce module, telle que celle suggérée par les résultats de nano-indentation, conduirait alors à des valeurs de contraintes plus faibles et permettrait d’expliquer les différences observées. Cependant, comme nous l’avons souligné lors de l’analyse des valeurs de module d’Young obtenues par diffractométrie, il est possible que le module d’Young du MoCr soit plus élevé que celui du Mo massif, et dans ce cas la différence entre les valeurs obtenues par les deux méthodes serait d’autant plus importante. Une étude sur des films de Mo pur [Vin 1991] suggère des pertes locales de couplage intercolonnaire, dues à des porosités dans les espaces intercolonnaires, comme cause de la différence observée, et plus généralement la présence de vides aléatoirement distribués, qui relaxeraient localement la contrainte et génèreraient une réduction de la contrainte moyenne du film. Cette dernière explication semble la plus réaliste pour expliquer les différences observées entre les deux techniques de caractérisation, pour les contraintes de tension. En effet, la méthode des sin²ψ donne la valeur de la contrainte uniquement dans les domaines diffractants, tandis que celle de la courbure analyse la contrainte moyenne sur le volume total du film, à savoir sur les domaines diffractants et non-diffractants, et le modèle de Vink et al. propose une explication prenant source dans des domaines non analysés par la méthode des sin²ψ.

Fig. 5.38. a) Contraintes résiduelles, estimées par les méthodes de la courbure (◊) et des sin²ψ (□), en fonction de la pression d’argon, pour des films déposés au potentiel flottant, en l’absence de puissance RF dans la spire. b) Images MET et estimations des distances intercolonnaires, pour des films élaborés au potentiel flottant, en l’absence de puissance RF dans la spire, à P = 0,67 Pa (gauche), P = 1,3 Pa (centre) et P = 6,7 Pa (droite).

Fig. 5.39. Variations de ln(d) (d étant la distance inter-réticulaire) en fonction du sin²ψ, pour les plans (220) et (321), et droites de régressions linéaires correspondant à ces variations, pour chaque pic et pour l’ensemble des deux pics, pour un film élaboré au potentiel flottant, en l’absence de puissance RF dans la spire, à P = 1,3 Pa. 1,118 1,12 1,122 1,124 1,126 1,128 1,13 1,132 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 sin²psi ln(d) (220) (321) Linéaire ((220)) Linéaire ((321)) Linéaire (2 pics) -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 0 1 2 3 4 5 6 7 Pression (Pa) Contrainte (GPa) 50 nm Distances intercolonnaires : 1 à 6 nm 50 nm Distances intercolonnaires : 0.4 à 1.5 nm 50 nm Distances intercolonnaires : 0.3 à 0.8 nm a) b) Energie de bombardement

Comme nous l’avons présenté au chapitre 1, le modèle de Hoffman [Hof 1976] attribue, dans les films métalliques, le comportement contraintes/pression observé aux variations des distances inter-colonnaires engendrées par l’énergie des particules incidentes bombardant la surface du film durant sa croissance. En effet, lorsque ce bombardement est faible (typiquement, ici, pour P = 6,7 Pa), la morphologie colonnaire est poreuse, et il n’y a pas d’interaction entre les colonnes. Lorsque la pression diminue, le libre parcours moyen des espèces du plasma augmente, l’énergie des espèces bombardant le substrat s’intensifie, et ces particules remplissent partiellement les vides intercolonnaires et les réduisent. Les distances moyennes résultantes entre colonnes induisent le développement de forces attractives interatomiques de part et d’autre des vides intercolonnaires, c’est-à-dire de contraintes de tension dans le film. Enfin, en-dessous d’une distance intercolonnaire critique, i.e. au-delà d’une certaine énergie apportée au film en croissance (ici pour P < 0,8 Pa), les forces répulsives générées entre les structures colonnaires conduisent à un état de contraintes macroscopiquement compressif dans le film.

Afin de confirmer la validité de ce modèle dans le cas présent, des caractérisations MET ont été réalisées, et les images correspondantes sont exposées sur la fig. 5.38.b). Des mesures effectuées sur une dizaine d’images pour chaque échantillon montrent que la gamme de distances intercolonnaires, variant entre 1 et 6 nm pour P = 6,7 Pa, se réduit à 0,4 à 1,5 nm pour P = 1,3 Pa, et diminue encore pour atteindre 0,3 à 0,8 nm pour P = 0,67 Pa. Cette description morphologique du film et sa corrélation avec la pression (ou l’énergie de bombardement du film en croissance) ainsi qu’avec les contraintes est en bon accord avec la théorie d’Hoffman.

Les trois techniques utilisées pour caractériser l’influence de la pression d’argon sur les contraintes résiduelles ont donc conduit à des résultats cohérents, et ont identifié l’énergie apportée au film en croissance par les atomes du plasma (au travers de la modification du libre parcours moyen, et par conséquent de la morphologie du film) comme étant le principal paramètre responsable des variations de contraintes observées.