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L’impact des variations de polarisation du substrat sur les contraintes résiduelles est présenté sur la fig. 5.40. a), en l’absence de puissance RF appliquée à la spire, pour P = 0,67

Pa et P = 6,7 Pa. Les contraintes sont représentées en fonction de la polarisation relative du substrat, Vbias, c’est-à-dire de la différence de potentiel entre le substrat et la masse. Dans la

mesure où le potentiel plasma n’est déterminé que par la pression dans ce cas, et que pour les deux pressions considérées, sa valeur est positive, l’échelle considérée est représentative de l’accélération des ions du plasma dans la gaine (la différence de potentiel étant alors négative).

Pour P = 6,7 Pa, la technique de la courbure indique une augmentation quasi linéaire de la contrainte compressive, depuis une valeur très faible (0,08 GPa) pour Vbias = 0, jusqu’à –

3,4 GPa pour Vbias = -300 V.

Cette augmentation de la contrainte avec l’énergie de bombardement de la surface du film en croissance est en accord avec le modèle de Windischmann [Win 1987], décrit dans le chapitre 1, et basé sur les distorsions volumétriques engendrées par les déplacements d’atomes dus au phénomène d’ « atomic peening ». Ces distorsions sont responsables des contraintes compressives, d’autant plus importantes que l’énergie totale de bombardement de la couche l’est.

Pour P = 0,67 Pa, la technique profilométrique indique une intensification de la contrainte de Vbias = -17 V (σ = -0,3 GPa) à Vbias = -100 V (σ = -2,0 GPa), lorsque l’énergie

de bombardement ionique de la couche augmente au travers de la modification de la polarisation relative du substrat. Les mesures diffractométriques présentent une tendance similaire.

En revanche, alors que la technique de la courbure dénote une relaxation de la contrainte entre Vbias = -100 V et Vbias = -300 V (σ = -0,3 GPa), les observations par DRX

indiquent une stagnation de la contrainte : σ = -2,2 GPa pour Vbias = -100 V et σ = -2,1 GPa

pour Vbias = -300 V. A la différence des dissimilitudes observées entre les deux méthodes au §

5.2.2.2., une telle divergence ne peut pas être attribuée à des différences de principe de mesure ou à une mésestimation du module d’Young du film.

D’après la fig. 5.40.b), la morphologie des films à Vbias = -300 V est très dense, sans

aucune structure colonnaire. Cette observation microstructurale, en comparaison avec les précédentes, confirme le fait que cette condition de dépôt est réellement singulière.

Deux points importants doivent être pris en considération concernant l’évolution observée sur la fig. 5.40.b).

Fig. 5.40. a) Contraintes résiduelles, estimées par les méthodes de la courbure et des sin²ψ, en fonction de la polarisation relative du substrat, pour des films déposés en l’absence de puissance RF dans la spire, à P = 0,67 Pa et 6,7 Pa. b) Images MET et estimations des distances intercolonnaires, pour des films élaborés en l’absence de

puissance RF dans la spire, avec P = 0,67 Pa, et à Vbias = -300 V (gauche) et au

potentiel flottant (droite).

Fig. 5.41. Image MET d’un film déposé en l’absence de puissance RF dans la spire, -4 -3,5 -3 -2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 -350 -300 -250 -200 -150 -100 -50 0

Polarisation relative du substrat (V)

Contraintes (GPa) 5 mTorr courbure 5 mTorr sin²psi 50 mTorr courbure 50 nm 50 nm Distances intercolonnaires : 0.3 à 0.8 nm Absence de structure colonnaire Energie de bombardement a) b) 10 nm 0,67 Pa courbure 0,67 Pa sin²ψ 6,7 Pa courbure

D’abord, le comportement observé à P = 0,67 Pa est très différent de celui observé à P = 6,7 Pa, dans la mesure où l’augmentation de la contrainte compressive avec la polarisation du substrat, attendue selon le modèle de Windischmann, n’est pas observée pour Vbias = -300

V : une stagnation est analysée par la technique des sin²ψ, et une relaxation par la méthode de la courbure. La relaxation ou stagnation des contraintes, dans des conditions de bombardement très intenses (ici à faible pression et très forte polarisation du substrat), plutôt qu’une augmentation indéfinie, est un phénomène qui a déjà été observé, et qui a été décrit et modélisé par Davis [Dav 1993]. Ce modèle, présenté en détails dans le chapitre 1, est basé sur la compétition entre les contraintes compressives causées par « atomic peening », et la relaxation de ces contraintes due à des pics thermiques locaux. Les trois techniques utilisées pour caractériser ce point particulier semblent en accord avec cette théorie : la stagnation (sin²ψ) ou la relaxation (courbure) sont typiques des cas étudiés par le modèle de Davis, et la destruction des morphologies colonnaires, observée sur les images MET, apparaissent comme une conséquence directe du bombardement extrêmement énergétique du film en croissance dans ce cas. Par ailleurs, la repulvérisation sélective du Cr, ainsi que la réduction de la vitesse de dépôt, précédemment observées, viennent confirmer ces assomptions.

Ensuite, pour ce point particulier, la divergence entre les valeurs déterminées par les méthodes de la courbure (σ = -0,3 GPa) et des sin²ψ (σ = -2,1 GPa) dénotent un état de contrainte différent à l’intérieur des cristallites et dans le volume entier du film. Par conséquent, la forte contrainte compressive dans les cristallites doit être contrebalancée par une relaxation de cette contrainte entre les cristallites. L’image MET de la fig. 5.41. expose une cristallite dans le coin droit, en bas de l’image, et une zone située entre deux cristallites à l’opposé de l’image. Celle-ci, sensiblement amorphe, est constituée de courts segments de plans atomiques et d’un nombre très élevé de dislocations et de nano-porosités. Autour de ces vides de dimension atomique, des contraintes de tension peuvent être générées dans des zones amorphes de films métalliques, comme le soulignent les travaux de Floro et al. [Flo 2003], et mener à une réduction apparente de la contrainte macroscopique totale déterminée par les mesures de courbure, en comparaison avec celles déterminées par DRX. Cette interprétation est conforme au modèle de Davis, qui considère que les pics thermiques induisent des changements locaux dans le matériau, qui peuvent résulter en une recristallisation dans certaines parties du film, comme le montre par ailleurs l’augmentation de la taille des grains pour cette condition de dépôt, et en une création de vides dans d’autres parties.

Le principal paramètre impliqué dans la formation de contraintes par le biais de la modification de la polarisation du substrat a été déterminé, par trois techniques différentes, comme étant l’énergie cinétique apportée au film en croissance via la tension d’accélération des ions.

5.3.5. Influence de la puissance appliquée à la spire R.F.

La fig. 5.42.a) présente l’influence de la puissance RF appliquée à la spire sur les contraintes résiduelles, estimées par la méthode de la courbure et des sin²ψ, pour des films déposés au potentiel flottant et à P = 6,7 Pa.

Lorsque la puissance RF augmente, des contraintes de tension, mesurées par la méthode de la courbure, se développent dans le film à partir de 0,1 GPa à Pspire = 0, jusqu’à

0,9 GPa à Pspire = 200 W. Cette évolution est suivie d’un renversement rapide de tendance

vers les contraintes compressives, jusqu’à –1,7 GPa à Pspire = 300 W. Des différences entre les

deux méthodes de mesure, similaires à celles signalées au § 5.3.3., sont observées.

Les films présentés sur les images MET de la fig. 5.42.b) présentent des morphologies colonnaires. La mesure des vides intercolonnaires révèle que lorsque la puissance RF appliquée à la spire augmente, la distance entre colonnes, comprise entre 1 et 6 nm à Pspire = 0,

évolue entre 0,6 et 2,5 nm à Pspire = 200 W. Pour Pspire = 300 W, la plupart des vides

intercolonnaires sont invisibles sur les micrographies, ce qui est caractéristique d’un film très dense. Ces résultats sont également conformes au modèle de Hoffman.

On peut remarquer que le comportement observé est similaire à celui observé au § 5.3.3. lorsque l’on augmente l’énergie apportée au film en croissance. Cependant, dans ce cas, l’énergie totale apportée au film l’est par le biais d’une variation du flux d’ions, et la quantité d’ions accélérés dans la gaine entre plasma et substrat est le principal paramètre responsable des modifications morphologiques qui engendrent les variations de contrainte. Contrairement aux phénomènes impliqués dans le cas de variations de pression, l’énergie des particules neutres ne joue ici aucun rôle dans l’évolution de la contrainte, puisque la pression reste constante.

Fig. 5.42. a) Contraintes résiduelles, estimées par les méthodes de la courbure (◊) et des sin²ψ (□), en fonction de la puissance RF appliquée à la spire, pour des films déposés au potentiel flottant et à P = 6,7 Pa. b) Images MET et estimations des distances intercolonnaires, pour des films élaborés au potentiel flottant, avec P = 6,7

Pa, et à Pspire = 0 (gauche), Pspire = 200 W (centre) et Pspire = 300 W (droite).

Le même type de comportement en fonction de la puissance RF appliquée à la spire a été observé par Chiu et al. [Chi 1999 bis] sur des films d’Ag déposés également par pulvérisation magnétron ionisée au potentiel flottant. Une augmentation des contraintes de tension, suivie d’un renversement de tendance vers le domaine compressif est mentionné dans cette étude, même si la gamme de contraintes est beaucoup plus réduite (-0,5 à 0,2 GPa) étant donné que l’Ag est un élément à forte mobilité, contrairement au MoCr, qui est un alliage réfractaire.

En revanche, ces travaux sont réalisés sur un système monoatomique, donc non soumis à la repulvérisation sélective, contrairement au MoCr. Et comme nous l’avons montré précédemment, la composition des films évolue très peu dans les conditions de synthèse présentées sur la fig. 5.42.a), ce qui n’est pas le cas pour toutes les conditions de synthèse. En d’autres termes, contrairement à l’effet de la polarisation du substrat, la seule variation de la puissance RF appliquée à la spire permet d’obtenir une large gamme de valeurs de contraintes résiduelles, en tension et en compression, avec une stœchiométrie contrôlée. Ces

-3 -2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 0 50 100 150 200 250 300 Pspire (W) Contraintes (GPa) 50 nm 50 nm 50 nm Distances intercolonnaires : 1 à 6 nm Distances intercolonnaires : 0.6 à 2.5 nm Distances intercolonnaires : < 0.6 nm Energie de bombardement a) b)