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Les trois grandes traditions d’étude des autopublications numériques

PREMIÈRE PARTIE : LES AUTOPUBLICATIONS NUMÉRIQUES COMME SOURCE DE RENOUVELLEMENT THÉORIQUE ET

CHAPITRE 1 - LES USAGES COMMERCIAUX ET SCIENTIFIQUES DES AUTOPUBLICATIONS NUMÉRIQUES DES AUTOPUBLICATIONS NUMÉRIQUES

3. Un nouveau champ de l’opinion ?

3.2. Les trois grandes traditions d’étude des autopublications numériques

Parmi l’abondante littérature consacrée à internet et aux autopublications numériques, on peut distinguer sommairement trois grandes approches212.

La première, principalement issue des travaux de chercheurs en science de l’information et de la communication et de sociologues, américains notamment, appréhende les autopublications comme des indices – ou des « traces »213 – de participation politique. Ces travaux, parus dès les années 1990, s’inscrivent dans la problématique des effets d’internet sur la participation politique. Les autopublications numériques apparaissent alors comme des éléments de preuve mobilisés dans des travaux empiriques souhaitant valider ou invalider l’hypothèse d’une démocratisation de la participation. Ces recherches, souvent empreintes d’un arrière-plan normatif, privilégient des approches microsociologiques et souvent qualitatives des autopublications numériques (3.2.1).

La seconde approche appréhende les autopublications numériques comme des contenus dont on questionne le potentiel de « viralité ». L’objet étudié est moins le contenu du message que les données chiffrées relatives à sa diffusion (nombre de retweet, nombre de like) et les caractéristiques des réseaux où il se diffuse. Ces travaux se situent à la croisée des théories du marketing viral, des théories sociologiques de l’influence interpersonnelle et de l’analyse mathématique et informatique des réseaux socionumériques. Les autopublications sont ici appréhendées à partir de méthodes quantitatives et font appel à des technologies d’étude spécifiquement numériques (crawling, cartographie, etc.) (3.2.2).

Enfin, la troisième approche conçoit les autopublications – et plus particulièrement les opinions numériques – comme des éléments textuels qu’il s’agit de détecter, d’isoler et de

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Nous n’évoquerons pas ici les travaux appréhendant l’autopublication comme une pratique journalistique ou culturelle amateur. Nous nous concentrons sur les publications numériques « ordinaires », c’est-à-dire dissociées d’un projet éditorial.

213 Le terme de « traces » est souvent mobilisé dans les travaux relatifs à internet. Il désigne l’ensemble des manifestations visuelles sur internet.

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codifier (en fonction de leur tonalité, de leur thématique, etc.). Les recherches en opinion

mining et en sentiment analysis, longtemps cloisonnées aux frontières du TAL, sont

aujourd’hui mobilisées dans des travaux questionnant les liens entre les opinions exprimées sur les réseaux socionumériques et les opinions mesurées par les sondages d’opinion ou les consultations électorales (3).

3.2.1. Les autopublications numériques comme indices de participation politique

La question des effets d’internet sur la participation politique a été au centre des débats académiques des années 1990 et 2000. Comme à l’arrivée de chaque nouvelle technologie de communication, des auteurs ont ainsi questionné les potentialités offertes par l’outil pour « revitaliser la démocratie », « réduire la distance entre élus et citoyens » ou encore « redynamiser la participation politique »214. Cette approche techno-déterministe a alors clivé la littérature et opposé « cyber-optimistes »215 et « cyber-réalistes »216.

Les premiers mobilisent deux principaux arguments pour défendre la thèse selon laquelle internet revitaliserait la démocratie : d’une part, en tant que média, internet diffuserait une information rapide, peu chère et non soumise aux pouvoirs économiques et politiques. D’autre part, en tant que moyen de communication, internet « [brouillerait] les indices

sociaux présents dans toute communication et [participerait] ainsi à l’égalité des échanges en ligne. L’espace public en ligne est ainsi perçu comme une arène de débat et de discussion libérée des contraintes et des inconvénients qui perturbent les échanges en face-à-face»217. Les seconds, sceptiques quant à la capacité d’internet à produire de réels effets sur la participation politique, répondent au premier argument évoqué qu’il existe de réelles inégalités sociales d’accès à internet218 et que la consommation d’information y est

214 Laurence Monnoyer-Smith, « La participation en ligne, révélateur d’une évolution des pratiques

politiques ? », Participations, 2011/1 (n° 1), p. 156-185 et Roza Tsagarrousianou, « Electronic democracy in practice… One, two, three… countless variants », Hermès, 26-27, 2000, p. 233-246.

215

Yochai Benkler, La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l’heure du partage social, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2009.

216 Cass Sunstein, Republic.com, Princeton, Princeton University Press, 2001.

217 Laurence Monnoyer-Smith, « La participation en ligne, révélateur d’une évolution des pratiques politiques ? », art. cit. ; Pierre Levy, L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace, Paris, La Découverte, 2004 ; Amanda Mitra, « Marginal voices in cyberspace», New Media & Society, 3(1), 2000, p. 29-48.

218 Paul Di Maggio, Eszter Hargittai, W. Russel Neuman et John P. Robinson, « Social Implication of the Internet », Annual Review of Sociology, 27, 2001, p. 307-336.

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socialement déterminée219. Les « cybers réalistes » s’opposent également à l’argument d’une égalisation des échanges politiques en ligne en soulignant que « les arènes virtuelles sont tout

autant que les autres soumises à des formes d’imposition de pouvoir, accentuées par les inégalités d’accès et/ou de maîtrise de l’outil informatique »220.

Dès le milieu des années 1990, des recherches empiriques sont venues compléter et étayer les débats purement théoriques sur les potentialités de l’outil. Ces travaux empiriques ont alors mobilisé des données de différentes natures : statistiques d’usage, études comparées de différentes formes de participation politique offline mais aussi analyses qualitatives ou quantitatives d’autopublications numériques.

Ces travaux appréhendent en effet les autopublications comme des indices ou des « traces » de participation politique en ligne. La définition, plus ou moins extensive, donnée par ces recherches à la participation politique détermine la nature des terrains observés (espaces d’autopublication institutionnels, espaces non-institutionnels mais spécifiquement politiques, espaces non spécifiquement politiques) et les catégories d’autopublication considérées comme relevant ou non du domaine de la participation (autopublication, pétition en ligne, retweet, « like », etc.). Deux éléments entrent en compte dans la définition de la participation en ligne : la place plus ou moins grande accordée à la dimension expressive et symbolique des comportements politiques221 et le degré de spécificité de la participation en ligne par rapport à la participation hors-ligne222.

Le premier élément oppose l’approche « classique » de la participation politique proposée par Almond et Verba – définissant la participation comme l’ensemble des activités menées en vue d’influencer directement ou indirectement l’action gouvernementale – à des définitions plus extensives, revalorisant « la dimension expressive et symbolique des

comportements »223, telles que les discussions politiques ordinaires par exemple. Des travaux adoptant une définition restrictive de la participation auront alors davantage tendance à choisir des terrains numériques spécifiquement politiques – comme des forums mis en place par des

219 Viviane Le Hay, Thierry Vedel et Flora Chanvril, « Usages des médias et politique : une écologie des pratiques informationnelles », Réseaux, n° 170, octobre-novembre 2011, p. 45-74 ; Fabien Granjon et Aurélien Le Foulgoc, « Les usages sociaux de l’actualité », Réseaux, 2010/2, n°160-161, p. 225-253.

220 Laurence Monnoyer-Smith, « La participation en ligne, révélateur d’une évolution des pratiques

politiques ? », art. cit. 221

Nona Mayer, Sociologie des comportements politiques, Paris, Armand Colin, 2010.

222 Gersende Blanchard, Simon Gadras et Stéphanie Wojcik, « Analyser la participation politique en ligne : des traces numériques aux pratiques sociales » in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du Web, Paris, Arman Colin, 2012.

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sites de média généralistes ou par des partis politiques224 – voire institutionnels, comme les arènes de délibération en ligne mises en place par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) ou d’autres institutions publiques225. A contrario, des travaux privilégiant une définition plus extensive de la participation en ligne pourront étudier des espaces où les discussions politiques ne se déroulent que de manière ponctuelle, comme des forums thématiques non politiques, des blogs non spécifiquement politiques ou des réseaux socionumériques226. Le caractère plus ou moins extensif de la définition adoptée par ces travaux détermine également les catégories d’autopublication considérées comme relevant ou non de la participation politique. Ainsi, pour Schlozman et alii, les discussions politiques échangées entre amis sur Facebook ne peuvent être considérées comme des formes de participation, dans la mesure où il n’existerait pas d’efforts politiques organisés en vue d’influencer les autorités publiques227. De la même manière, Morozov qualifie de « slacktivism » l’activité de publication de messages politiques sur les réseaux socionumériques, signifiant par-là que cette activité n’aurait aucune conséquence politique réelle et ne servirait en réalité qu’à accroître le sentiment d’utilité des participants228. En revanche, pour Dominique Cardon, « émettre un vote sur article ou une vidéo, appuyer sur le

bouton « I like » de Facebook […] rédiger un lien sur Twitter constituent des formes de participation, même minimes »229. Pour l’auteur, cette participation qualifiée de « presse-bouton » permettrait de réduire les inégalités sociales de participation politique sur internet en élargissant la notion de participation à des formes d’expression beaucoup moins exigeantes socialement et culturellement.

Le second élément entrant en ligne de compte dans la définition de la participation en ligne tient à la spécificité de la participation en ligne par rapport à la participation « classique », hors-ligne. Ce second élément oppose des approches appréhendant les pratiques numériques de participation comme de simples transpositions ou des extensions de celles

224 Nicolas Desquinabo, « Interactions et argumentations dans les webforums partisans », Communication au colloque Les usages partisans de l’Internet organisé par l’équipe IRÉNÉE – Université de Nancy 2, Nancy, 21-22 juin 2007.

225 Nicolas Benvegnu et Mathieu Brugidou, « Prendre la parole sur Internet. Des dispositifs sociotechniques aux grammaires de la discussion », Réseaux, 2008/4 (n° 150), p. 51-82

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Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik, « Parler politique en ligne. Une revue des travaux français et anglo-saxons », art. cit. ; Scott Wright, « From “third place” to “third space”: everyday political in non-political online spaces », javnost- the public, Vol. 19, n°3, 2012, p. 5-50.

227 Kay L. Schlozman, Sydney Verba et Henry E. Brady, « Weapon of the Strong ? Participatory Inequality and

the Internet », Perpectives on Politics, 8(2), 2010, p. 487-459.

228 Evgeny Morozov, « The brave new word of slacktivism », cité par Gersende Blanchard, Simon Gadras et Stéphanie Wojcik, « Analyser la participation politique en ligne : des traces numériques aux pratiques sociales » in Christine Barats (dir.), Manuel d’analyse du Web, op. cit.

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observées hors-ligne230 à des approches considérant que les notions ou concepts issus du champ de la participation classiques ne permettent pas d’appréhender finement la participation en ligne et ses transformations231.

La comparaison des interactions politiques en ligne et hors ligne et les spécificités de ce que serait un « espace public numérique » sont ainsi les deux questions qui ont animé le débat académique des années 1990 et 2000. Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik, dans leur revue de la littérature des travaux étudiant les discussions politiques en ligne distinguent deux périodes : une première marquée par la prégnance du cadre théorique – et souvent normatif – de la délibération, inspirée des travaux d’Habermas, précédant une seconde période caractérisée par l’abandon progressif du cadre délibératif et d’une ouverture à d’autres approches232.

Les premières recherches sur les discussions politiques en ligne, parues dans les années 1990, s’inscrivaient ainsi dans le cadre théorique habermassien de la délibération. Ces travaux comparaient les caractéristiques des discussions politiques observées sur internet avec celles d’un espace public idéal « pour arriver à la conclusion jugée décevante que les NTIC et

internet en particulier ne permettaient pas la réalisation de l’idéal délibératif »233. Ces recherches, pour parvenir à ce résultat, prennent pour objet des messages échangés le plus souvent sur des forums thématiques consacrés à des sujets politiques ou sociétaux. Il s’agit alors d’évaluer les discussions observées à l’aune de différents critères d’évaluation, ces critères pouvant être de nature quantitative234 ou qualitative235. Michaël Dumoulin, afin d’évaluer la nature délibérative de discussions observées sur trois forums québécois236 et ainsi vérifier, en suivant la définition de Fishkin, s’il existe « une réflexion et une constante remise

230 Christine Barats, Manuel d’analyse du Web, op. cit. 231

Andrew Chadwick, « Recent Shifts in the Relationship Between the Internet and Democratic Engagement in Britain and the United States: Granularity, Informational Exuberance, and Political Learning », in Michael Jensen, Laia Jobra (dir.), Digital Media and Political Engagement Worldwide: A Comparative Study, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

232

Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik, « Parler politique en ligne. Une revue des travaux français et anglo-saxons », art. cit.

233 Ibidem.

234 Michaël Dumoulin, « Les forums électroniques : délibératifs et démocratiques ? », in Denis Monière (dir.),

Internet et la Démocratie, Québec, Monière et Wollank éditeurs, 2002, p. 141-157 ; William H. Dutton « Network rules of order: regulating speech in public electronic fora », Media, Culture & Society, vol. 18, n° 2,

1996, p. 269-290 ; Steven M. Schneider, « Creating a Democratic Public Sphere Through Political Discussion: A Case Study of Abortion Conversation on the Internet », Social Science Computer Review, vol. 14, n° 4, 1996, p. 373-393.

235 Tamara Witschge, « Online Deliberation: Possibilities of the Internet for Deliberative Democracy », Peter M. Shane (dir.), Democracy Online. The Prospects for Political Renewal through the Internet, New York, Routledge, 2004, p. 109-122.

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en question d’opinions personnelles confrontées à d’autres arguments », a recensé de façon

exhaustive 33 009 messages publiés sur ces forums, puis a codé manuellement un échantillon de 201 messages par forum, à partir d’une grille d’évaluation comprenant six critères qualifiant le registre du discours et la fonction des messages dans la discussion (« introduit », « réponse », « sollicite », « affiliation », « impertinence », « négativisme »). À partir de ces données chiffrées, l’auteur conclut que « les discussions, même lorsqu’elles sont inscrites en

réponse à d’autres messages, ne font que réitérer ou reformuler leurs opinions. Le contenu représente donc des monologues interactifs du type “ argument - contre argument ” où les participants recherchent avant tout à s’exprimer, souvent de façon injurieuse et arrogante, en rejetant fréquemment, presque systématiquement, les points de vue des autres ». Si l’auteur

mobilise bien ici la notion d’ « opinion », il ne s’agit pas de s’interroger sur les modes de production des opinions, ni même sur la relation entre leur contenu et la position sociale de leurs auteurs. Les opinions sont ici questionnées selon la problématique de leur ajustement ou au contraire de leur invariance en situation de débats contradictoires. Conformément à la théorie délibérative, les opinions sont donc davantage appréhendées comme les produits d’un processus conversationnel que comme des attributs individuels. En constatant que sur internet, les échanges des internautes ressemblent davantage à des « monologues interactifs », cet auteur conclut avec regret que les forums électroniques ne seraient donc pas des lieux délibératifs. D’autres auteurs sont arrivés au même constat en tenant compte d’autres critères d’évaluation. Steven Schneider identifie ainsi quatre critères – égalité, diversité, réciprocité, qualité des échanges – tandis que Jennifer Stromer-Galley en retient huit : expression d’opinions raisonnées, référence à des sources extérieures, absence d’attaques ad hominem, possibilité d’avoir des opinions ou des perspectives opposées, égalité de participation, réflexivité et narrativité237. La méthodologie est alors la même : à partir d’un échantillon de messages et d’une grille d’évaluation, le chercheur code manuellement les autopublications puis en tire des éléments statistiques qui valident ou invalident empiriquement le caractère délibératif de la discussion. Tamara Witschge a quant à elle remis en cause ces mesures quantifiées de la délibération qui réduiraient selon elle la portée heuristique du matériau étudié et plaide au contraire pour des analyses qualitatives des discussions politiques, afin de mieux appréhender la complexité des débats238. Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik ont ensuite démontré comment dès la fin des années 1990 le modèle délibératif a été remis en

237 Jenifer Stromer-Galley, « Decoding deliberation online », Paper presented at the Second Conference on Online Deliberation, Palo Alto, California, mai 2005.

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cause, notamment par des auteures féministes soulignant l’inégale capacité des groupes à peser sur la délibération239 et reprochant au modèle délibératif de délégitimer les formes d’expression ouvertement conflictuelles.

La seconde « ère » des travaux sur la discussion politique en ligne est ainsi marquée par l’abandon progressif du cadre théorique délibératif, une diversification des approches et une plus grande place accordée aux spécificités de l’interaction en ligne240. Le cadre théorique développé par Goffman est ainsi souvent mobilisé dans les travaux étudiant les interactions sociales en ligne. Ces travaux se sont davantage interrogés sur les spécificités des interactions en ligne et leurs effets – l’anonymat, la mise à distance physique des participants, le manque d’indices sociaux sur les participants, la modération a priori ou a posteriori – pour en arriver à des conclusions souvent contradictoires. Ainsi, pour William Dutton ou Sara Kiesler, l’anonymat et l’absence de marqueurs sociaux dans les discussions en ligne permettraient d’exprimer ses opinions plus librement et favoriseraient ainsi une participation plus large que dans les interactions menées en face-à-face. Pour d’autres auteurs, ces éléments provoqueraient une plus grande charge conflictuelle, l’anonymat encourageant des comportements exutoires ou fantasmatiques241. A contrario, ces mêmes spécificités de l’échange en ligne – anonymat, mise à distance, etc. – pourraient avoir pour conséquence de décourager l’expression de points de vue minoritaires ou dissidents et rendre plus homogène la discussion en ligne242. Bien qu’ils arrivent à des conclusions contradictoires, ces nouveaux travaux sur la discussion politique ont pour points communs de plaider d’une part pour une prise en considération d’autres registres légitimes d’intervention dans l’espace public comme le témoignage, la narration, ou le récit personnel et de privilégier d’autre part une définition plus extensive de la politique243.

Cette première tradition d’étude des autopublications numériques conçoit donc les messages publiés sur internet comme des indices de participation politique, ou, de façon plus restrictive, comme des opinions échangées dans le cadre de discussions politiques obéissant à certaines règles qu’il s’agit d’objectiver. Ces travaux appréhendent donc les autopublications et les opinions numériques à partir d’un cadre théorique délibératif ou interactionniste. Dans

239 Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik, « Parler politique en ligne. Une revue des travaux français et anglo-saxons », art. cit.

240

Ibidem.

241 Sherry Turkle, Life on the Screen. Identity in the Age of Internet, New York, Simon & Shuster, 1995.

242 Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik, « Parler politique en ligne. Une revue des travaux français et anglo-saxons », art. cit.

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ces recherches, les opinions étudiées sur internet ne sont pas comparées à des opinions recueillies par d’autres technologies d’étude. Les méthodologies employées ne sont pas standardisées et les terrains étudiés relativement localisés. On ne s’interroge ni sur le mode de production des opinions, ni sur leur mode de diffusion.

Les mécanismes de diffusion des autopublications ont cependant été étudiés par d’autres courants de recherche.

3.2.2 Autopublications, « viralité », réseaux sociaux et influence

Une seconde tradition d’étude des autopublications numériques – issue d’horizons disciplinaires, théoriques et méthodologiques totalement différents des travaux sur la participation politique en ligne – appréhende les messages publiés sur internet à partir d’une toute autre perspective de recherche. Il ne s’agit pas de savoir ce qu’internet « fait » à un phénomène social – la participation politique – mais d’objectiver ce qu’internet peut nous apprendre des mécanismes de diffusion et de circulation des messages et des opinions au sein de réseaux sociaux, numériques et non-numériques. Cette seconde tradition d’étude, que Kévin Mellet qualifie de « marketing viral », réunit trois approches disciplinaires : la sociologie des relations interpersonnelles, le « word-of-mouth » marketing et l’analyse mathématique et statistique des réseaux sociaux244.

3.2.2.1. Les origines du « marketing viral »

La sociologie des relations interpersonnelles, initiée par les travaux de Paul Lazarsfeld et du BASR dans les années 1940 aux États-Unis a très largement « influencé » le «

word-of-mouth » marketing – qui n’est rien d’autre, selon Katz, que l’application du two step flow model au marketing245 – et, plus récemment, le marketing viral. La quatrième de couverture de la traduction française de Personal Influence note d’ailleurs que « le buzz sur Internet ou

244 Nous mobiliserons à de nombreuses reprises dans ce paragraphe l’article de Kévin Mellet présentant un état de l’art assez complet de cette tradition d’étude : Kévin Mellet, « Aux sources du marketing viral », Réseaux, 2009/5-6 (n° 157-158), p. 267-292.

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bien encore le marketing viral ont remis au goût du jour »246 les conclusions de l’ouvrage de

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