• Aucun résultat trouvé

Nous avons vu dans le chapitre I que la progression de l’urbanisation est un phénomène d’ampleur mondiale, intervenant avec différentes temporalités selon les pays. En France, les

modifications qui ont affecté la ville, depuis la moitié du XIXe siècle, tendant à l’extension de

l’urbanisation sur ses franges et à la polarisation des emplois et des richesses dans les centres urbains, s’accompagnent d’une recomposition socio-spatiale. Aujourd’hui, Paris se revendique comme une métropole de rang international, encouragée par les pouvoirs publics. Il s’agira ici de décrire ces grandes transformations auxquelles a été soumis l’espace francilien mais surtout l’espace de Ceinture verte. Le double phénomène de périurbanisation et de métropolisation qui a touché l’agglomération parisienne est une clé de compréhension des paysages de l’espace étudié.

I.1. La périurbanisation, une forme nouvelle d’urbanisation

A partir de la fin des années 1960, une nouvelle forme d’extension urbaine apparaît en Île-de-France, phénomène que le reste du territoire national connaîtra, quelques années plus tard, dans les années 1970. A cette période est remis en cause le modèle d’urbanisation de l’après-guerre, celui de l’habitat collectif construit en banlieue. Les ménages quittent les villes-centres où les prix fonciers et immobiliers sont, pour beaucoup d’entre eux, inabordables, pour s’installer en périphérie et devenir propriétaires de leur logement. On parle alors de desserrement urbain, processus qui amène les ménages à quitter les villes-centres pour s’installer en périphérie, là où les prix fonciers sont moins élevés. Cette forme d’urbanisation n’a été possible que grâce à l’augmentation massive de l’utilisation de l’automobile par les ménages français et grâce au développement des grandes infrastructures routières.

Entre 1968 et 1999, l’Île-de-France gagne 1,2 million de logements, faisant passer la croissance du parc de résidences principales à plus d’un tiers, progressant deux fois plus vite

que la population régionale (BERGER, 2006). Cet étalement urbain, qui se produit surtout en

grande couronne, s’accompagne d’une croissance démographique, de la performance des réseaux de transport et des aspirations des ménages à venir s’installer « à la campagne ». Ces transformations ont largement bouleversé les paysages, notamment aux limites de la ville. La progression de la ville se fait par extension, grignotant toujours plus sur l’espace rural, là où est placée la Ceinture verte, mais aussi bien au-delà. Ce phénomène, largement traité et discuté, a

pu être qualifié de « métapolisation » (ASCHER, 1995), de « suburbanisation » (BOITEUX

-ORAIN ET HURIOT, 2002), d’abord appliquée aux États-Unis, de « rurbanisation », terme

proposé par Gérald BAUER et Jean-Michel ROUX (1976), ou encore d’« exurbanisation ».

Décrivant l’installation des ménages dans les périphéries de la ville, cette notion fait référence

à un accroissement de la ville en termes de surface (BRUNET, 2006). La rurbanisation, qui se

distingue de la périurbanisation, indique une modification des modes de vie dans les campagnes entourant les grandes villes : elles sont gagnées par des pratiques et des activités urbaines.

Nous retiendrons le terme de périurbanisation, d’une part car il a été adopté par une majorité de chercheurs en France et par l’INSEE, et il commence d’ailleurs à imprégner le discours des aménageurs. Et d’autre part parce qu’il décrit une transformation majeure des

transports en commun étant faible, la voiture se révèle en effet indispensable aux habitants du périurbain, pour accéder au lieu de travail ainsi qu’aux services et aux commerces. Aussi, un des traits majeurs de l’espace périurbain est-il la forte mobilité de ses habitants. La périurbanisation est également le reflet d’une demande sociale de la part de nombreux ménages français. Dans un premier temps favorisé par les pouvoirs publics, au travers de l’incitation des ménages à l’épargne privée et grâce au crédit immobilier, ce mode d’urbanisation est ensuite dénoncé du fait de l’effet ségrégatif qui lui est inhérent d’une part et de son impact sur le plan environnemental d’autre part. Le périurbain, en tant que forme d’urbanisation est consommateur d’espaces agricoles et naturels. Cette situation entraîne également des comportements induisant des impacts importants sur le plan environnemental, notamment par le biais de la prépondérance modale de l’automobile et l’ampleur des navettes domicile-travail et l’ampleur des distances parcourues par les ménages.

I.2. Paris à l’heure de la métropolisation

Le fait métropolitain est aujourd’hui une clé de compréhension des transformations des paysages des périphéries de l’agglomération. Ce nouveau temps de l’urbanisation, engagé

dans les dernières décennies du XXe siècle, est un concept qui a été utilisé dans un premier

temps par les géographes et les économistes. Ce phénomène commence à attirer l’attention des

chercheurs à partir des années 1990, particulièrement aux États-Unis (GHORRA-GOBIN, 2015).

Traduction urbaine de la mondialisation, la métropolisation transforme de façon quantitative et surtout qualitative l’ensemble des territoires urbains, aussi bien dans les pays du Nord que ceux du Sud. Elle n’entraîne pas seulement un étalement de la ville, mais aussi une reconfiguration spatiale de l’agglomération où fonctions économiques, décisionnelles, culturelles et intellectuelles se concentrent dans le cœur urbain. De cette manière, la métropolisation provoque également la fragmentation et l’hétérogénéité au sein de la ville elle-même. Les lieux sont discontinus, fonctionnant de manière juxtaposée dans une logique d’archipel,

indépendamment les uns des autres (BRET, 2005).

Le changement majeur à l’échelle de la ville est la transformation de la structure urbaine du modèle centre-périphérie classique par l’émergence de pôles secondaires dans lesquels se concentrent les fonctions métropolitaines. La ville prend alors une forme polycentrique, éclatée

et organisée en réseaux (SIEVERTS, 2004). En Île-de-France, les pôles secondaires

correspondent surtout aux villes nouvelles, à partir desquelles l’urbanisation se diffuse en

auréoles autour de ces pôles (BERGER, 2006). Cette structure multipolaire de la métropole

parisienne a été révélée par plusieurs études au cours des années 2000 (HALBERT, 2004 ; GILLI,

Il est utile de noter également que de nombreux acteurs publics, de même que certains auteurs,

entendent la métropolisation avant tout comme un enjeu politique (LE GOIX et BERROIR, 2016).

Il s’agit de favoriser la consolidation des territoires métropolitains sur le plan politique,

notamment pour s’affirmer dans un contexte de compétition internationale (LEFEVRE, 2013).

La métropole, inscrite de manière de plus en plus poussée dans des réseaux urbains, étend son aire d’influence sur ses périphéries. Même si les dynamiques du périurbain ne montrent plus des taux de croissance aussi élevés qu’ils ont pu l’être dans ces espaces, le phénomène prend

de nouvelles formes et se diffuse toujours plus loin dans les campagnes.La métropole est donc

un espace multipolaire, réticulaire, aux limites floues qui étend son influence bien au-delà des limites de l’agglomération parisienne.

En 2009, le projet du Grand Paris a relancé le processus de métropolisation de l’agglomération parisienne. L’État, par son biais, avait ainsi pour ambition de renforcer le rôle et le rayonnement de la région parisienne dans le jeu de la mondialisation, et ce, en rupture complète avec le mouvement de décentralisation et de déconcentration à l’œuvre depuis les années 1980. A l’origine du projet, amorcé en 2007, la volonté de l’État français, sous l’impulsion du président de la République Nicolas Sarkozy, est de faire de l’agglomération parisienne une métropole de rang international, en renforçant son rayonnement. Le rapport DALLIER (2008) sur le Grand Paris, précise d’ailleurs la nécessité d’accompagner, voire de consolider le processus de métropolisation de Paris. Pour renforcer ce rôle dans la compétition des villes mondiales, l’État cherche à encourager le caractère multipolaire de la capitale. Le projet du Grand Paris réaffirme de cette façon le modèle de la ville polycentrique afin de compter dans le jeu de la mondialisation.

Ainsi, la structuration de l’agglomération parisienne s’est donc complexifiée avec d’abord la croissance et l’extension spatiale des villes, et ensuite le processus métropolitain, renforçant les discontinuités. Des pôles secondaires se sont constitués, encouragés par la planification régionale, notamment au niveau des villes nouvelles et des pôles aéroportuaires, sans remettre totalement en cause le classique modèle radioconcentrique parisien.