Nous avons structuré nos entretiens par un ensemble de questions qui ont joué d’une part, le révélateur des points de vues et positions des tuteurs ingénieurs par rapport à la formation en alternance et la continuité des activités de formation entre les deux séquences. D’autre part, nos questions ont visé à amener les tuteurs ingénieurs à caractériser l’activité de conception confiée à l’apprenti en entreprise.
En effet, nous avons commencé tous les entretiens par l’interrogation sur l’expérience des tuteurs ingénieurs que ce soit professionnelle ou dans le domaine de l’encadrement des apprentis dans le cadre de la formation des ingénieurs par apprentissage. Nous nous sommes ensuite attelés à maintenir le dialogue avec nos interlocuteurs par des questions de relance qui étaient centrées sur les aspects de continuité ou de discontinuité des activités de formation entre la séquence académique et la séquence industrielle de la formation en alternance. Les aspects que nous avons retenus sont5 :
- le statut de la formation en entreprise : quels sont les objectifs qui président au recrutement d’un apprenti en formation en alternance ? Quels sont les acteurs concernés par la formation en entreprise ? Comment identifier la situation de formation de la situation de production en entreprise ? Quelles sont les moyens mis en œuvre pour fonder « la fonction formation » dans l’entreprise ?
- le rôle du tuteur : en quoi consiste le travail du tuteur ? Que fait le tuteur pour que la situation de travail soit formatrice ? Comment organise-t-il ses interventions d’aide ou d’évaluation : en fonction des difficultés de l’apprenti, relativement à un calendrier, relativement à l’importance pour la production de la phase en cours du projet qu’il prend en charge, suite à la demande de l’apprenti.. ?
- l’activités de formation de l’apprenti : quelle progression dans la « responsabilisation » de l’apprenti sur les trois années de formation ? S’agit-il d’une immersion progressive : tâches simples, segments d’activité, activité entière .. ou alors en fonction des « traditions » de l’entreprise (travail d’équipe, polyvalence..) ? Qu’est-ce qui fait que le projet proposé à l’apprenti soit formateur ? Quelles sont les spécificités qui le rendent ainsi ? Pouvez vous citer quelques situations que vous considérez de formation ? Serait-il possible de parler de parcours industriel comme on parle de parcours pédagogique ? - les savoirs en entreprise : Quelles sont les fonctions d’un ingénieur concepteur (dans
votre entreprise) ? Qui définit les savoirs et les savoirs faire à transmettre (existence d’un référentiel métier) ? En nous limitant aux tâches de conception, pourriez-vous nous citer des exemples de : démarches de conception, méthodes de calcul, logiciels les plus utilisées dans votre entreprise? Quelles ressources utilisez-vous en tant qu’ingénieur de conception industrielle pour exécuter les tâches les plus courantes ?
- les savoirs de l’apprenti : quels sont les types de savoirs que l’apprenti amène avec lui de la séquence académique ? A votre avis, ces savoirs constituent-ils des aides ou des obstacles aux apprentis dans la réalisation des tâches qu’ils ont à faire ? Qu’est-ce qui fait que le projet proposé à l’apprenti est formateur ? quelles sont les spécificités qui le rendent ainsi ?
- les modalités de mobilisation des savoirs par les apprentis en entreprise : quelle évaluation des acquis de l’apprenti ? Comment caractérisez-vous l’activité de l’apprenti en situation de travail, en tant qu’ingénieur en conception industrielle, en termes de : autonomie, communication et acte technique.
- le rôle des nouvelles technologies dans une formation par alternance : quel rôle pour une assistance pédagogique en ligne dans la formation ?
Il faut noter ici que les questions ci-dessus n’ont pas été toutes posées, systématiquement, à nos interlocuteurs. Il s’agissait plutôt de les relancer chaque fois que les réponses ne touchent pas le thème visé par la question.
Nous avons conclu chaque entretien par une question qui concerne la caractérisation de l’activité de l’ingénieur en conception. En accord avec notre cadre théorique, nous avons retenu trois critères pour la caractérisation du registre de technicité selon lequel l’apprenti effectue son activité industrielle de conception : l’autonomie, la communication et la position de l’acte technique dans l’activité :
Figure n° 22 : caractérisation de l’activité de l’apprenti par le tuteur ingénieur
Pour mieux exprimer ce que nous voulons dire par les différentes propositions en ce qui concerne la position de l’acte technique dans l’activité, nous avons illustré chaque proposition en utilisant comme exemple une activité d’affûtage d’un outil de coupe :
Comment caractériseriez-vous l’activité de l’apprenti en situation de travail, en tant qu’ingénieur en conception industrielle, en termes de :
Autonomie : très importante importante assez importante faible Communication : très importante importante assez importante faible Acte technique :
n’est pas au centre de l’activité
fait partie de l’activité, non modifiable
au centre de l’activité, non modifiable
Figure n° 23 : exemples pour caractériser l’acte dans l’activité
Tous les entretiens se sont passés sur les sites de formation dans l’une des cinq entreprises et les rendez-vous ont été pris par contacts téléphoniques.
3.1.2- Exemple
Pour illustrer le déroulement des entretiens, voici un exemple d’échange avec un tuteur ingénieur :
Questions de relance Réponses des tuteurs
Comment faites-vous pour identifier, dans la situation professionnelle, les situations qui ont ce potentiel de formation, qui sont donc formatrices pour les apprentis ?
Ben je dirais les difficultés des personnes on les constate au fur et à mesure quoi, hein. J’ai un étudiant actuellement qui a des difficultés plutôt au niveau scientifique.
C’est à dire.. Un bon technicien, mais scientifiquement il a un peu de mal. Donc ça on l’a constaté assez vite, donc ça a fait qu’en première année et en deuxième année j’ai donné des choses plus pratiques, pour se mettre à l’aise et pour qu’il rentre dedans et cette année .. du raisonnement technique bon il faut qu’il travaille ça. Mais aussi parce que j’en ai besoin. Peut être j’aurais pu le donner à un autre
ingénieur. Donc j’adapte en fonction des besoins quoi. Donc il a vraiment un travail que j’aurais pu donner à n’importe qui hein.
Justement par rapport à la répartition des tâche au sein de l’équipe, quels sont les acteurs qui sont impliqués dans ce travail de tutorat ?
Ben en fait il y a trois ou quatre ingénieurs ici, dans mon équipe, et puis ben il est intégré dans l’équipe, c’est à dire un travail d’équipe complet. Chacun a sa mission mais en fait par l’intermédiaire des réunions de service ou même des discussions journalière donc il travaille avec eux hein. Chacun supporte l’autre, des idées, donc il travaille au même titre qu’un autre ingénieur ici. Sachant bien qu’il est en formation, on lui donne pas les mêmes, on a pas les mêmes exigences bien entendu. Il doit rendre compte d’un travail.
La différence c’est que vous vous êtes
le tuteurs les autre c’est .. Sont des collègues voilà, collègues de travail ..
Tableau n° 5’' : extrait d’un entretien avec un tuteur ingénieur
N’est pas au centre de l’activité : discuter, expliquer… les conditions d’affûtage d’un outil de coupe
(interprétation).
Fait partie de l’activité, non modifiable : participer à l’affûtage de l’outil de coupe en suivant
scrupuleusement la procédure (participation)
Au centre de l’activité, non modifiable : affûter un outil de coupe, être capable de suivre scrupuleusement la
procédure (maîtrise)
Au centre de l’activité, modifiable : affûter un outil de coupe, être capable de proposer une procédure