CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
V. LES TANINS DE PÉPINS: TRANSPORT ET LOCALISATION
V.1. Les voies de transport des composés phénoliques
Tout au long de son développement, la baie de raisin accumule des tanins condensés au sein de la
pellicule et des pépins. La synthèse des flavanols, sous-unités des tanins condensés, se déroule au sein
du cytoplasme de la cellule. Le fait que les tanins condensés de la baie se retrouvent principalement au
sein de la vacuole, des plastes ou bien des parois cellulaires implique nécessairement la mise en place
d’un, ou plusieurs mécanismes de transport (Braidot et al., 2008; Brillouet et al., 2013).
En 1974, Stafford fut l’un des premiers à soumettre l’hypothèse selon laquelle les enzymes de la
voie de biosynthèse des phénylpropanoïdes étaient organisées en complexe multi-enzymatique
(Stafford, 1974). Plus tard, l’identification et la co-localisation des enzymes CHI, CHS, DFR et F3H
assemblées en complexe enzymatique au niveau du réticulum endoplasmique (RE) chez Arabidopsis
thaliana a permis de valider le modèle proposé par Stafford (Lepiniec et al., 2006). Les flavanols
seraient alors synthétisés au niveau de la face cytoplasmique du RE, à partir d’un complexe
enzymatique, avant leur accumulation cellulaire.
62
À ce jour, trois mécanismes de transports des flavanols, pouvant être synergiques ont été
proposés : un transport via les glutathion-S-transferases, un transport impliquant des transporteurs
membranaires, ainsi qu’un transport vésiculaire (Figure 17).
Figure 17 : Représentation schématique des différentes voies de transport cellulaire des flavonoïdes
Schéma d’après Petrussa et al., 2013
AVI : Inclusion vacuolaire contenant des anthocyanes; BTL: Bilitranslocase; GST : Glutathion-S-Transferase ; PAs: Proanthocyanidines;
PVC: Compartiment pré-vacuolaires contenant des anthocyanes
En tant qu’agent réducteur, le glutathion peut se complexer avec des molécules toxiques pour la
plante, telles que les espèces oxygénées réactives, permettant alors leur neutralisation (Li, 2009). La
complexation du glutathion avec d’autres molécules est assurée par des enzymes appelées
glutathion-S-transférases (GST). Ces dernières catalysent la complexation du glutathion avec les anthocyanines
ou les flavanols, permettant d’éviter tout phénomène d’oxydation. Puis, le transport de ces dérivés vers
les vacuoles se fait grâce à un transport primaire via des transporteurs spécifiques appelés pompes à
glutathion (Mueller et al., 2000; Zhao, 2015). Récemment Perez-Diaz et al., ont mis en évidence la
participation de plusieurs GSTs dans le transport des flavonoïdes chez Vitis vinifera. Ainsi, il
semblerait que VviGST4 agisse en tant que transporteur d’anthocyanines et de PAs tandis que VviGST4
jouerait un rôle important dans l’accumulation des PAs dans les pépins de raisin (Pérez-Díaz et al.,
2016).
En ce qui concerne les transporteurs, trois types de transporteurs impliqués dans le transport des
flavonoïdes ont été identifiés : les transporteurs de type ABC (ATP-Binding Cassette), les
transporteurs MATE (Multidrug And Toxic Extrusion) ainsi que les transporteurs de type BLT
(Mammalian Bilitranslocase Transporters). L’énergie fournie par l’hydrolyse d’une molécule d’ATP
permet aux protéines de type ABC de transporter des substrats à travers la membrane. À ce titre, les
63
transporteurs de types ABC appartiennent à la famille des transporteurs primaires. Chez les plantes, on
dénombre 8 sous-familles de protéines ABC (de A à H). Chez Vitis vinifera, Franciso et al., ont
démontré l’implication d’un transporteur ABC de type ABC-C couplé à une GST dans la transport des
anthocyanidines-3-O-glucosides (Francisco et al., 2013). Ainsi, les anthocyanines, seraient dans un
premier temps, couplées à une molécule de glutathion via l’action d’une GST, puis seraient prises en
charge par un transporteur de type ABC-C, qui assurerait leur transport à travers la membrane
vacuolaire (Francisco et al., 2013). Contrairement aux transporteurs de type ABC, les transporteurs
MATE sont qualifiés de transporteurs secondaires. À ce titre, ce type de transport se faisant sans
consommation d’énergie, les transporteurs MATE couplent le transport de substrats aux gradients
électrochimiques. Chez Medicago truncatula l’implication des transporteurs de type MATE1 dans le
transport de molécules d’épicatéchine-3-O-glucoside a été démontré (Zhao et al., 2009). Le même type
de transport a également été observé dans les pépins d’Arabidopsis thaliana via le tranporteur TT12
(Marinova et al., 2007). Chez Vitis vinifera, l’expression des transporteurs MATE1 et MATE2-GFP,
corrélant avec l’accumulation de PAs dans le pépin de raisin, suggère également leur implication dans
le transport des flavanols (Zhao et al., 2009; Zhao et Dixon, 2010; Zhao, 2015).
Enfin, la dernière catégorie de transporteurs impliquée dans le transport des flavonoïdes concerne
une protéine membranaire homologue des mammifères : la bilitranslocase (BLT) (Braidot et al.,
2008). Comme les transporteurs MATE, cette protéine appartient à la famille des transporteurs
secondaire. En 2008, Braidot et al., ont démontré la corrélation positive entre l’expression de la
translocase et l’accumulation vacuolaire des flavonoïdes chez la vigne (Bertolini et al., 2009; Braidot
et al., 2008; Braidot et al., 2008; Petrussa et al., 2013). Ces protéines, localisées au niveau des parois
cellulaires et des vacuoles, ont été détectées dans les pellicules de raisins issus de cépages rouges et de
cépages blancs. À ce jour, leur présence au niveau des pépins de raisin reste à démontrer.
Le dernier mécanisme de transport de flavonoïdes est un transport de type vésiculaire : du site de
biosynthèse des flavonoïdes à leur lieu de stockage final. Au sein d’une cellule, il existe
essentiellement deux types de transports vésiculaires en fonction de la destination finale des vésicules :
un transport où les vésicules sont adressées directement vers la paroi cellulaire et un autre où elles sont
adressées vers la vacuole (Lin et al., 2003). L’accumulation d’anthocyanines au niveau de la vacuole
de la cellule est à l’origine de la création d’inclusions vacuolaires nommées AVI. Ces AVIs, qui ont
été observées chez de nombreuses espèces végétales, sont dépourvues de membranes et quelques fois
associées à des protéines, ou des lipides. Des études réalisées sur des cultures cellulaires de vigne ont
permis de mettre en évidence la présence de vacuoles d’anthocyanes cytoplasmiques appelées
anthocyanoplastes (Zhang et al., 2006). Ces anthocyanoplastes, synthétisés au niveau du RE,
fusionneraient avec des structures pré-vacuolaires avant d’être adressés à la vacuole, où ils
fusionneraient de nouveau avec les AVIs (Petrussa et al., 2013). Ce même type de structure, contenant
des PAs, a été observé dans les cellules de l’enveloppe externe du pépin d’Arabidopsis thaliana
64
(Kitamura et al., 2004). Par ailleurs, toujours chez Arabidopsis thaliana, Poustak et al., ont démontré
la capacité des cellules à utiliser le réseau trans-golgien pour le transport vacuolaire d’anthocyanines
du RE vers la vacuole (Poustka et al., 2007). A noter que l’adressage, la fusion et le recyclage de telles
vésicules nécessitent obligatoirement la présence de protéines ou de séquences d’adressage de type
SNARE, GTPase ainsi que des récepteurs vacuolaires (Petrussa et al., 2013).
V.2. Localisation des tanins de pépins
À ce jour, très peu d’études portent sur la localisation tissulaire et cellulaire des tanins dans le
pépin de raisin, ainsi que sur l’évolution de cette localisation durant le développement de la baie.
V.2.a. Localisation tissulaire des tanins
Néanmoins, les rares études publiées sur ce sujet s’accordent à dire qu’au cours de développement
de la baie, les tanins se retrouvent majoritairement dans le testa (Cholet, 2001; Kigel et al., 1995;
Pacottet, 2012; Park, 1995; Thorngate et al., 1994). Sur des raisins issus du cépage Cabernet Franc,
l’équipe de Chevalier a quant à elle évalué l’évolution de la localisation des composés phénoliques de
pépins tout au long de la maturité de la baie : du 11ème jour après la floraison jusqu’au 123ème. Les
résultats de cette étude montrent que le seul tissu ne contenant pas de tanins est l’albumen.
Néanmoins, dans la littérature, il a déjà été reporté des cas d’autofluorescence des cellules de
l’albumen, pouvant être potentiellement relié à la présence de composés phénoliques au sein de ce
tissu (Cholet, 2001). L’évolution de la teneur en tanins semble donc différer en fonction du tissu.
Ainsi, pas ou peu d’évolution de teneur est observée dans le testa et le tégument interne, suggérant
que 11 jours après la floraison, le testa et le tégument interne renferment déjà la quasi-totalité des
tanins qu’ils présentent à maturité. En revanche, la présence de tanins dans l’épiderme semble
progresser pour atteindre un pic à la véraison (Cadot et al., 2006).
V.2.b. Localisation cellulaire des tanins
Dans les cellules des baies, les tanins sont retrouvés dans les parois et dans les vacuoles (Amrani
Joutei et Glories, 1994; Lacampagne, 2010; Park, 1995). Dans une cellule, il est possible de trouver
plusieurs types de vacuoles contenant ou non des tanins (Park, 1995). Selon cet auteur, une très grande
diversité de vacuoles taniques peut exister dans les différents tissus de la baie. Ainsi, en fonction de la
forme et du nombre de vacuoles par cellule, il est possible de différencier quatre types de cellules à
vacuoles taniques ou non taniques (Figure 18). Puis, en fonction de l’aspect des tanins, huit types de
vacuoles taniques peuvent être trouvés (Figure 20), créant ainsi une très grande diversité de « cellules
à tanins » (Figure 20).
65
Figure 18 : Les différents types de cellules à vacuoles taniques ou non taniques selon Park (1995)
66
Figure 20 : Les principaux types de cellules à tanins selon Park (1995)
Dans le document
De la synthèse des flavanols aux tanins du vin : quelle place pour les pépins de raisin ?
(Page 62-67)