CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. LE PÉPIN DE RAISIN : DÉVELOPPEMENT ET MATURITÉ
I.1. Développement de la baie de raisin
La baie de raisin est un fruit charnu à pépins et son développement est dépendant de la présence ou
non de pépins viables. En effet, une absence de fécondation entraînera systématiquement de la coulure,
et une mauvaise fécondation entrainera du millerandage. Ainsi, pour qu’une baie se développe
normalement, au minimum un ovule doit avoir été fécondé (Carbonneau et al., 2015). Dans le cas d’un
développement normal, la croissance de la baie suit une courbe en double sigmoïde (Coombe et al.,
2000). On dénombre ainsi deux phases de croissance active séparées par un plateau: la phase de
croissance herbacée, le plateau herbacé et la phase de maturation (Staudt et al., 1986) (Figure 1).
Figure 1 : Courbe de développement de la baie de raisin
Schéma adapté de Coombe et MacCarthy, 2000 et Kennedy, 2002
La phase de croissance herbacée, qui dure entre 45 et 65 jours selon le cépage et les conditions
environnementales, débute à la nouaison suivant immédiatement la fécondation. Durant cette période,
la baie et les embryons présents dans les pépins de raisin se forment. Avec un pic atteint au huitième
jour après la floraison, les premières semaines de cette phase sont le lieu de nombreuses divisions
cellulaires, à l’origine de l’augmentation du volume de la baie. Lors de cette phase, la forte activité
photosynthétique favorise la synthèse et l’accumulation de nombreux composés tels que les acides
organiques (tartrique et malique), les acides hydroxycinnamiques, les acides aminés, et les tanins. Afin
d’assurer le bon fonctionnement cellulaire, l’eau, les éléments minéraux ainsi que le saccharose,
transportés respectivement par le xylème et la sève phloémienne, sont métabolisés par la baie. La fin
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de cette période de croissance végétative est caractérisée par un ralentissement de la croissance et un
arrêt de l’évolution du nombre de cellules (Carbonneau et al., 2015).
À l’issue de cette première phase de croissance, la baie est ferme et de couleur verte en raison de
la forte présence de chlorophylle, pigment prédominant de la baie à cette période de son
développement.
Le plateau herbacé est une phase de ralentissement de la croissance séparant la croissance
herbacée du murissement du fruit. Cette étape, dont la durée dépend des conditions environnementales
et du cépage, prépare l’induction de la véraison (Ojeda, 1999; Ollat et al., 2002).
La phase de maturation, qui dure entre 35 et 65 jours, débute par la véraison et se termine à la
récolte des baies. La véraison se caractérise par un changement de couleur des baies, qui passent du
vert au rouge dans le cas de cépages rouges et de vert au jaune dans le cas de cépages blancs. Ce
phénomène, qui s’échelonne entre huit et quinze jours au niveau d’une même grappe, est marqué
essentiellement par quatre phénomènes physiologiques importants (Carbonneau et al., 2015; Ollat et
al., 2002) :
la diminution de l’acidité totale de la baie ;
l’accumulation en eau et en sucres, issus de la photosynthèse et de la transformation
de l’acide malique en sucres réducteurs, apportés par la sève phloémienne vers les
cellules de la pulpe ;
le début de la synthèse des anthocyanes, pigments responsables de la couleur rouge de
la baie ;
le ramollissement du fruit et l’affinement de la pellicule.
Après la véraison, le xylème perd sa fonctionnalité, et l’essentiel des transports durant la
maturation des raisins est assuré par le phloème. Durant cette phase, l’accumulation des sucres et de
l’eau conduit à une augmentation du volume cellulaire, autorisé par le relâchement des parois
cellulaires au niveau de la pulpe et de la pellicule (Deytieux-Belleau et al., 2008). Ainsi la taille, le
diamètre et le volume de la baie vont considérablement augmenter. Durant cette période, le fruit sera
plus sensible aux pourritures, et ce paramètre pourra être intégré dans le choix de la date de vendanges
(Ribéreau-Gayon et al., 2017; Williamson et al., 2007). La phase de maturation sera également
caractérisée par l’accumulation d’autres molécules essentielles à la qualité du vin telles que les arômes
et précurseurs d’arômes.
I.2. Morphologie et anatomie de la baie de raisin et de ses pépins
La coupe longitudinale d’un raisin frais à maturité permet de déterminer la structure générale du
fruit (Figure 2). Anatomiquement, la baie de raisin est composée d’un péricarpe, qui constitue la
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partie charnue de la baie, et de graines appelées pépins. Au centre du fruit, on retrouve les deux loges
de l’ovaire devenues deux cavités logeant les pépins. Ces deux loges sont séparées par un tissu central
appelé columelle. Le péricarpe est constitué de trois tissus distincts qui sont, de l’intérieur vers
l’extérieur : l’épicarpe ou pellicule, le mésocarpe ou pulpe et l’endocarpe qui est la paroi très mince
des loges contenant les pépins.
Figure 2 : Représentation schématique de la structure générale d’une baie de raisin,
Schéma d’après Coombe, 1987
Oenologiquement, la baie de raisin à maturité est divisée en trois parties distinctes :
La pellicule, représentant environ 10 à 15 % du poids de la baie, qui peut être divisée en deux
parties qui sont l’épiderme (tissu le plus externe) et l’hypoderme (tissu le plus interne).
L’épiderme est recouvert d’une cuticule composée d’exsudats issus de sa paroi et forme une
couche cireuse à l’extérieur des cellules.
La pulpe, pouvant représenter jusqu’à 80 % du poids de la baie et qui est composée de 25 à 30
couches cellulaires.
Les pépins, ne représentant qu’environ 6 % du poids de la baie et qui contiennent et protègent
l’embryon.
Morphologiquement, la forme générale du pépin peut être comparée à celle d’un « cœur », avec à
sa base un « bec » appelé bec micropylaire (Figure 3). Il comporte deux faces : une face ventrale et
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une face dorsale. Sur sa face ventrale se trouve une ligne médiane longitudinale facilement
distinguable, correspondant au raphé. De part et d’autre du raphé, les flancs du pépin se creusent en
deux fossettes symétriques. Sur sa face dorsale, on aperçoit un bref prolongement du raphé qui aboutit
à un mamelon, appelé chalaze. La forme de la chalaze, qui se situe généralement au tiers supérieur du
pépin chez Vitis vinifera, ainsi que la longueur du raphé, sont des caractères distinctifs des cépages
(Carbonneau et al., 2015 ; Fournioux et al., 2011 ; Pacottet, 2012).
Figure 3 : Représentation schématique d’un pépin de raisin, A face ventrale, B phase dorsale
Schéma adapté de Ristic et Iland, 2005
Structuralement, le pépin est divisé en trois parties qui sont les téguments, l’albumen et l’embryon
(Figure 4). Les téguments forment l’enveloppe externe du pépin et jouent essentiellement un rôle de
protection. Ces téguments sont au nombre de deux : le tégument externe et le tégument interne.
Figure 4 : Représentation schématique d’une coupe de pépin de raisin à maturité, A coupe longitudinale, B coupe transversale
Schéma adapté de Pacottet, 2012
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Le tégument externe est composé à son tour de (de l’extérieur vers l’intérieur) :
un épiderme cuticulé ;
une première enveloppe, appelée testa, composée de larges cellules parenchymateuses à
paroi mince et pecto-cellulosique ;
une seconde enveloppe, plus interne, nommée tegmen, ou épiderme interne, composée de
deux couches cellulaires, où les cellules, étroitement accolées les unes aux autres,
présentent des parois très épaisses et très fortement lignifiées (Fournioux et al., 2011;
Pacottet, 2012).
Le tégument interne présente trois assises cellulaires pecto-cellulosiques nommées de l’extérieur vers
l’intérieur : épiderme externe, assise moyenne et épiderme interne. Le tégument interne, parfois
nommé membrane protéique, renferme l’albumen, qui lui-même contient l’embryon.
L’albumen est composé de cellules polygonales uniformes riches en globules graisseux, en grains
d’aleurone et en cristaux d’oxalate de calcium (Pratt, 1971).
I.3. Développement du pépin de raisin
Loin d’être un simple organe réceptacle accumulant des réserves nutritives fournies par la plante,
les pépins ont la capacité de pouvoir synthétiser de nombreuses molécules complexes ainsi que de
réguler leur propre développement. Ce dernier, qui est grandement dépendant de la régulation
hormonale, peut être divisé en trois phases distinctes : l’embryogenèse, le remplissage et la
dessiccation (Figure 5) (Adams et al., 1980; Egli, 2017).
Figure 5 : Courbe de développement du pépin de raisin
Schéma adapté de Bewley et al., 2013 et Ristic et al., 2005
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La pollinisation et la fertilisation marquent le début de la première phase de développement du
pépin, qui se terminera lorsque toutes les structures du pépin seront formées. La fusion du pollen avec
un ovule entraîne la formation d’un zygote diploïde, qui se différenciera en un embryon vital pour la
génération suivante de la plante. La première division cellulaire du zygote intervient de 14 à 28 jours
après la floraison (Ebadi et al., 1996). L’embryogenèse est accompagnée par la mise en place de
l’albumen, tissu de réserve nécessaire au futur développement de l’embryon, ainsi que par la mise en
place des téguments externes et internes. À la fin de cette phase de croissance, le nombre de cellules
final du pépin est atteint (Bewley et al., 2013; Egli, 2017). À ce stade, le pépin est de couleur verte et il
semblerait que cette phase de développement soit concomitante avec la première phase de croissance
de la baie (Coombe et al., 2000).
La deuxième phase de développement du pépin, qui débute environ 60 jours après la floraison
correspond à une phase d’accumulation de réserves carbonées et azotées sous forme de protéines,
amidon et lipides (Ristic et al., 2005). Le sucrose, résultant de l’activité photosynthétique de la plante,
constitue la principale source carbonée du pépin. Les acides aminés quant à eux représentent la
principale source azotée du pépin (Bewley et al., 2013; Egli, 2017). Ces deux composés sont
transportés de la plante au pépin par le phloème. Durant cette phase, l’accumulation de réserves
entraînera une augmentation du volume cellulaire, qui entraînera elle-même une augmentation du
volume du pépin. Les réserves nutritives du pépin s’accumulant au niveau des vacuoles cellulaires,
elles chassent l’eau jusqu’à présent retenue dans les pépins. Ainsi, au cours de cette phase, une
diminution de la teneur en eau est observée ainsi qu’une augmentation du poids sec du pépin. À la fin
de cette phase, le pépin passe de la couleur verte à une couleur jaunâtre.
La troisième et dernière phase de développement, correspondant à la maturité physiologique du
pépin, débute lorsque le poids sec du pépin a atteint son maximum. À ce stade, la plante cesse
d’approvisionner le pépin en nutriments et en eau. Une chute drastique d’environ 90 % de la teneur en
eau du pépin est observée, limitant grandement toute son activité physiologique. Le poids des pépins
frais chute, et ils passent de la couleur jaunâtre à la couleur marron. Ristic et al., estiment que cette
phase débute environ 90 jours après la floraison, soit au milieu de la phase de maturation de la baie de
raisin, dénotant alors un décalage entre maturité physiologique du pépin et celle de la baie (Ristic et
al., 2005). Si la baie n’était pas récoltée, ce délai permettrait au pépin de continuer à graduellement
perdre de l’eau, lui permettant d’acquérir sa tolérance à la dessiccation avant sa « libération » du fruit
(Bewley et al., 2013; Egli, 2017; Finch-Savage, 2003).
Dans le document
De la synthèse des flavanols aux tanins du vin : quelle place pour les pépins de raisin ?
(Page 40-45)