• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes

1. Les substantifs subjectifs

1.8. Les substantifs dévalorisants

L’examen de notre corpus montre la présence de certains substantifs dévalorisants qui portent une coloration négative, voire des traits injurieux.

Les substantifs dévalorisants apparaissent dans les divers types de textes, qu’ils soient littéraires ou journalistiques. Au sujet des insultes axiologiques D. Lagorgette précise :

- « L’insulte n’est en fait qu’un symptôme bien souvent, et nous serions tentée de dire un appel à l’écoute ; elle serait même le dernier bastion de la politesse : si chaque société a en effet à sa disposition tout un arsenal langagier dépréciatif, c’est que cette banque linguistique renvoie à un besoin. »1

Ainsi, cet auteur démontre que lancer une insulte peut être synonyme d’un appel à l’écoute. En outre, selon elle, « accéder aux insultes d’une langue permet de délimiter son système de valeurs»,2 car l’insulte sert à stigmatiser ce que la population rejette comme socialement ou moralement non acceptable.

À son tour, E. Larguèche3 précise que tout terme péjoratif est disposé à fonctionner comme injure. Sur ce point, F. Flahaut affirme :

- « Dans le cas ou j’insulte quelqu’un, je lui applique un terme qui doit le qualifier ou le designer, lui, mais me permettre de me croire hors de cause, en ayant pour effet de persuader mon interlocuteur, autant que possible, que c’est sa propre nature qui est stigmatisée par l’insulte, et non pas par sa position par rapport a moi (sans quoi la

1 LAGORGETTE, D., (2004), "Insulte et conflit : de la provocation à la résolution - Et retour ?" In les Cahiers de l’école, N 5, Université du Savoie, Madrid, p. 39

2Ibid., p. 30

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes vivacité de l’insulte serait émoussée, d’avoir été posée comme relative) […]. Il y a donc dans l’insulte, en dépit de son caractère explicite, un élément qui est camouflé et qu’on pourrait tenter de formuler ainsi :c’est moi qui le dis.»1

En effet, la connotation stylistique peut dans des cas particuliers venir renforcer les effets pragmatiques de la connotation axiologique. C’est ce que constate C. Bally:

- « Supposons un homme du monde dont le langage est

habituellement correct et châtié ; vous lui demandez son jugement sur un financier véreux, s’il répond : « c’est une fripouille », vous aurez l’impression d’un corps étranger qui s’est logé dans un système expressif tout différent : vous sentez que le sujet aurait habituellement employé un autre mot (coquin, misérable, etc.) s’il en a choisi un plus vulgaire, c’est pour mieux marquer son mépris. »2

Il arrive au chroniqueur Hakim Laàlam de recourir à des expressions proches de l’insulte afin d’exprimer son malaise et son dégoût, comme dans l’exemple qui suit :

- « Le partage coquin de la rente ici symbolisé par la victuaille

mafieusement dispatchée et autour de laquelle la seule règle valable et

autorisée est celle de la mastication silencieuse. » (30/1/2012, Pousse Avec Eux)

L’énonciateur, dans l’énoncé ci-dessus, recourt à des termes péjoratifs afin de mieux marquer son mépris. La connotation stylistique du terme « coquin » sert à renforcer les effets pragmatiques de la connotation axiologique car à travers ce

1FLAHAUT F., (1978), La parole intermédiaire, Paris, Seuil, pp.41-42

2BALLY C., (1969), « Les notions grammaticales d’absolu et de relatif », in Essais sur le langage, Paris, Minuit, pp. 189-204

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes terme l’énonciateur tend à dégrader l’objet qu’il dénote.

Dans l’énoncé suivant, le journaliste recourt à un procédé stylistique (la comparaison). Il compare les islamistes au goût nauséabond qu’on peut sentir si on mange des cheveux. Le chroniqueur exprime un sens connoté péjoratif afin de critiquer une réalité algérienne très décevante, il stigmatise dans ce cas, les islamistes malhonnêtes, voleurs des deniers du régime, et qui, pour se dissimiler, se cachent derrière le voile de l’islam.

« Tous ces barbus de commande (...) qui (…) se nourrissent de ses deniers, osent aujourd’hui parler de révolution, la leur, assise ou accroupie pour être plus précis. Avez-vous déjà mangé des cheveux ? C’est le goût exact de ces gens-là. » (10/1/2012, Raïna

Raïkoum)

Considérons le cas suivant :

« De quoi s’étrangler devant tant d’outrecuidance et d’insolence : cet homme prend les 36 millions qui ne l’écoutent pas pour des thons. » (10/1/2012, Raïna Raïkoum)

L’énonciateur recourt au substantif thon qui se teinte ici implicitement d’une nouvelle couleur axiologique péjorative. Prendre les gens pour des thons est une insulte déguisée car le lecteur comprend de suite « prendre les gens pour des c…!! »

Également dans l’énoncé suivant, Hakim Laàlam recourt au substantif fesse, qui dans ce contexte acquiert un nouveau sens, par extension sémantique signifie un siège dans le pouvoir. Il fait appel à l’expression française « il est assis entre deux chaises ».

1. « Il est quand même culotté, le nouveau turkmène, B.B.S, El Bey Boudjerra Soltani ! Ça ne le gêne pas d’avoir une fesse dans le

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes gouvernement et une autre dans le maquis islamiste.» (10/1/2012, Pousse Avec Eux)

Le journaliste a commencé son énoncé par : "Il est culotté" qui est une expression française très courante signifiant : « il a vraiment de l'audace ». Il parle de culotte puis il continue par les fesses et cela donne au contexte un effet comique.

D’après D. Lagorgette,1 dire une insulte ne réalise pas forcément l’acte d’insulter, l’insulte peut revêtir une dimension ludique, telle :

- « Dans le sang. C’est encore plus valable pour les «sales Arabes de

rien du tout» que l’on peut tuer par un veto Zengua Zengua. »

(6/2/2012, Raïna Raïkoum)

Le journaliste dans cet exemple fait appel à l’expression de Kadafi, « zengua

zengua », qui veut dire : je vous tue, je vous massacre là où vous êtes, quartier

par quartier. Dans ce contexte, le journaliste traite les Arabes de "sales" (comme faisaient les Pieds-noirs racistes), "que l’on peut tuer comme on le fait des mouches", à la manière de Khadafi, par un veto de zengua zengua. « Sales Arabes de rien du tout », est une insulte, un propos outrageant, qui traîne un peuple dans la boue.

Dans l’exemple qui suit, le billettiste qualifie le pouvoir et tous ceux qui le dirigent par un substantif dévalorisant la schizophrénie.

- « C’est toute la schizophrénie au pouvoir, qui traque les démocrates d’un côté tout en leur demandant d’aller aux urnes de l’autre, pour forcément contrer les islamistes puisque ces derniers ont une infaillible discipline de vote. Alors, faut-il voter ou non ? Oui, mais sous le contrôle d’un psychiatre et avec un bon avocat. » (28/1/2012, Point Zéro)

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes Le recours à ce substantif révèle une dimension ludique, presque une insulte, car ce mot renvoie à la psychiatrie, ce qui signifierait que les gens qui sont au pouvoir seraient en réalité des fous qui gouvernent.

De même, les termes de sadomasochisme et perversion, que nous avons repérés dans l’exemple suivant, sont des maladies que l'on soigne soit en psychiatrie soit par la psychothérapie. Afin d’afficher son opposition aux dirigeants, à l’État algérien, aux conditions sociopolitiques caractérisant l’Algérie, le chroniqueur a recours à ce type de substantif.

- « Pour réguler la société et ses dérapages, les humains ont inventé la sanction…Établie enfin que le coupable ne puisse recommencer et réparer les préjudices subis, la sanction n’a que cette fonction, bien que le sadomasochisme, la vengeance et l’arbitraire interviennent souvent dans les pays en déficit démocratique dirigés par de méchants

pervers adeptes de la bastonnade…Mais comment ? » (24/1/2012,

Point Zéro)

Dans l’exemple suivant, le billettiste qualifie les dirigeants algériens par l’incompétence et la méchanceté. Pour lui, ils représentent la déception et le chaos.

- « Appeler les Turcs à la rescousse, comme l’avaient fait les Algérois en appelant Kheiredine Arroudj, l’incompétence et la méchanceté de nos dirigeants ne donnant plus aucun espoir. » (24/1/2012, point zéro) En somme, à travers le recours à ce type de terme péjoratif, l’énonciateur tend à dégrader, à redescendre le sujet critiqué. Ce qui dénote une visée pragmatique de l’énonciateur servant à créer une atmosphère d’empathie. Les substantifs péjoratifs repérés sont utilisés par le biais de l’humour, ils ne sont pas violents mais plutôt humoristiques.

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes Ces termes plus ou moins insultants et donc subjectifs révèlent la position des journalistes vis-à-vis de la réalité sociopolitique critiquée et visent à montrer ce qui les dérange.

Les locuteurs-journalistes ont usé de beaucoup de substantifs intrinsèquement porteurs de sèmes négatifs. En même temps certains substantifs d’usage «neutre» se teintent grâce au contexte où ils sont utilisés d’une couleur subjective qui les pose dans le camp du mal.

Les tableaux suivants présentent les occurrences d’usage des substantifs subjectifs dans les chroniques, les billets, les commentaires et les éditoriaux des journaux étudiés.

Tableau n° 8 : La typologie des substantifs subjectifs dans Le Quotidien d’Oran

Le Quotidien d’Oran

Types de substantifs Raïna Raïkoum Éditorial Total %

Suffixé 165 33 198 15,60 Péjoratif 25 0 25 1,97 Délocutif 25 13 38 3 Évaluatif 212 2 214 16,86 Nom propre 12 10 22 1,73 Contextuel 160 101 261 20,57 Ironique 420 2 422 33,25 Dévalorisant 89 0 89 7,01 Total 1108 161 1269 100% Pourcentage 87,31% 12,69% 100%

Chapitre 3 : Les v

Graphique n° 18 : La typologie d

Graphique n° 19 : Pourcentage des substantifs

0 100 200 300 400 500 0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00% 70,00% 80,00% 90,00%

Les substantifs subjectifs

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives

ypologie des substantifs subjectifs dans Le Quotidien d’Oran

ourcentage des substantifs subjectifs dans Le Quotidien d’Oran

Les substantifs subjectifs

87,31%

12,69%

Rayna Raikoum Éditorial

: les subjectivèmes Quotidien d’Oran

Quotidien d’Oran Rayna Raykoum Éditorial

Chapitre 3 : Les v

Tableau n° 9 : La typologie de

Types de substantifs subjectifs

Suffixé Péjoratif Délocutif Évaluatif Tiré de nom propre

Contextuel Ironique Dévalorisant Total Pourcentage Graphique n° 20: La t 0 20 40 60 80 100 120 140

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives

ypologie des substantifs subjectifs dans El Watan Types de substantifs subjectifs Point Zéro Commentaire

55 12 0 0 21 14 85 1 e 4 3 89 65 122 10 2 0 378 105 78,26% 21,74%

: La typologie des substantifs subjectifs dans

: les subjectivèmes

subjectifs dans El Watan

Commentaire Total % 67 13,87 0 0 35 7,24 86 17,80 7 1,45 154 31,89 132 27,33 2 0,42 483 100

s substantifs subjectifs dans El Watan

Point Zéro Commentaire

Chapitre 3 : Les v

Graphique n° 21 : Pourcentage

Vu que le journal le Soir d’Algérie

pas de chronique, nous avons regroupé les résultats de ces deux journaux dans un seul tableau.

Tableau n° 10 : La typologie

Soir d’Algérie

Types de substantifs subjectifs

Suffixé Péjoratif Délocutif Évaluatif Tiré de nom propre

Contextuel Ironique Dévalorisant Total Pourcentage 0,00% 20,00% 40,00% 60,00% 80,00%

Les substantifs subjectifs

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives

Pourcentage des substantifs subjectifs dans

Soir d’Algérie ne publie pas d’éditorial et

nous avons regroupé les résultats de ces deux journaux dans un

ypologie des substantifs subjectifs dans la chronique du journal

Soir d’Algérie et dans l’éditorial du journal Liberté

Le Soir d’Algérie Liberté Types de substantifs subjectifs Pousse Avec Eux L’Édito

98 3 101 63 0 65 6 222 50 272 9 6 189 48 237 333 6 339 166 0 166 1145 119 1264 90,59% 9,41% 100%

Les substantifs subjectifs

78,26%

21,74%

Point Zéro Commentaire

: les subjectivèmes

dans El Watan

ne publie pas d’éditorial et que Liberté n’a nous avons regroupé les résultats de ces deux journaux dans un

la chronique du journal Le T % 101 7,99 63 4,98 71 5,62 272 21,52 15 1,19 237 18,75 339 26,82 166 13,13 1264 100 100%

Chapitre 3 : Les v

Graphique n° 22 : La t

Graphique n° 23 : Pourcentage

Commentaire

L’étude quantitative de ce procédé montre que le taux d’occurrence de l’usage des différents types de substantifs subjectifs repérés dans notre corpus

d’un journal à un autre. 0 50 100 150 200 250 0,00% 20,00% 40,00% 60,00% 80,00% 100,00%

Les substantifs subjectifs

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives

La typologie des substantifs subjectifs dans

Le Soir d’Algérie

Pourcentage des substantifs dans Le Soir d’Algérie

L’étude quantitative de ce procédé montre que le taux d’occurrence de l’usage des différents types de substantifs subjectifs repérés dans notre corpus

Pousse Avec Eux Édito

Les substantifs subjectifs

90,59%

9,41%

Pousse Avec Eux Édito

: les subjectivèmes

des substantifs subjectifs dans Liberté et

Le Soir d’Algérie et Liberté

L’étude quantitative de ce procédé montre que le taux d’occurrence de l’usage des différents types de substantifs subjectifs repérés dans notre corpus diffère

Pousse Avec Eux Édito

Chapitre 3 : Les visées axiologiques descriptives : les subjectivèmes La fréquence d’usage des substantifs délocutifs, péjoratifs, contextuels, évaluatifs, dévalorisants est plus élevée dans les chroniques et les billets que dans les éditoriaux et les commentaires. Alors que celle des autres types de substantifs suffixés, tirés de noms propres, ironiques est plutôt faible dans notre corpus.