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Section I – La décision finale du Cade

B) Les restrictions dans les intégrations verticales

130. L’intégration verticale figure parmi les modes de propriété et de contrôle qui a permis au CADE de conclure à l’existence de problèmes concurrentiels dans les opérations au Brésil. L’intégration permet à l’entité issue de l’opération de multiplier la puissance de marché. Ceci peut avoir pour effet d’exclure les concurrents, en éliminant ainsi la concurrence sur ces marchés, et en ayant au bout du compte une incidence négative sur la qualité des produits, sur le service, et sur les prix appliqués aux consommateurs. Le regroupement des activités a entraîné la création de positions dominantes déclarées incompatibles avec le droit brésilien.

131. D’une manière générale, on n’a pas un grand nombre d’affaires concernant des restrictions verticales. Mais il y a tout de même un exemple d’un recours juridictionnel que l’on voudrait souligner.

132. Dans l'affaire GNL/Gemini de 2007, la Petrobras, qui était de loin l’acteur le plus important sur le marché du gaz naturel (fournisseur), détenant plus de 90% dudit marché, a créé une joint venture avec l’entreprise White Martins. L’entité s’appelait GNL/Gemini.

99TPICE, 20 novembre 2002, Lagardère et Canal + / Commission, T-251/00. Note L. IDOT, Europe, 2003, n.

22. Voir aussi le commentaire sur le cas d’A. BOUVERESSE, Le pouvoir discrétionnaire dans l’ordre juridique

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Les autres entreprises distributeurs du gaz, concurrentes de GNL/Gemini, ont été contre l’opération, car celle-ci pouvait engendrer l’exclusion des concurrents du maché de distribution.

Le CADE, après l’instruction et l’examen de l’opération, a imposé à GNL/Gemini une restriction. En effet, du fait que l’opération découlait sur la formation d’une intégration verticale, le CADE a exigé, entre autres, une publicité de la formation des prix de la joint

venture pour assurer une certaine transparence auprès de la concurrence, afin d’éviter toute

discrimination entre concurrents dans le marché downstream.

Un recours a été formé contre cette restriction devant le juge afin que celui-ci opère un contrôle de proportionnalité entre la nécessité/possibilité de publier la formation des prix au regard du « secret d’affaire »100.

133. Le juge en France, comme au Brésil, est aussi saisi des problèmes concernant les restrictions dans les opérations verticales. Il doit vérifier si la justification des mesures correctives sont suffisantes à remédier aux effets verticaux nuisibles identifiés par l’Autorité de la concurrence. Le juge identifie si les restrictions sont de nature à assurer le maintien d’une concurrence suffisante sur les marchés concernés. En France, dans l’affaire avec les sociétés Vivendi et Groupe Canal Plus, l’Autorité souligne par ailleurs dans sa décision que « les effets anticoncurrentiels qui résultent de l’opération notifiée sont liés à l’intégration verticale de GCP ainsi qu’à la pratique extensive des exclusivités, qui sont deux sujets distincts mais liés, et au sujet desquels le test de marché et la consultation publique ont fait apparaître de nombreuses suggestions ».

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§ 2ÈME – L’AUTORISATION DES OPÉRATIONS SOUS RÉSERVE D’ENGAGEMENTS

134. Si l’autorité de concurrence identifie la nécessité des restrictions pour l’autorisation d’une opération, une alternative aux décisions unilatérales est la solution accordée. Qu’il s’agisse de changer des clauses contractuelles ou de régler des comportements commerciaux futurs des entreprises, les parties concernées peuvent s’engager et proposer « des remèdes » afin qu’un cadre stable du point de vue concurrentiel soit envisagé.

135. L’évolution des analyses de contrôle administratif des concentrations au Brésil indique que l’engagement est une solution qui profite in fine à tout le monde et qui s’assure qu’il est proportionné aux préocupations de concurrence mises en évidence dans l’instruction de l’opération.

136. Au Brésil, ces accords impliquent un changement de vision de l’analyse administrative. On laisse de côté le pouvoir discrétionnaire de l’Autorité de concurrence sur l’opération et on migre vers une négociation contractuelle. Les entreprises concernées, mais aussi le CADE, peuvent proposer des adaptations pour que l’opération soit autorisée.101 Cela est sans aucun doute le point central actuel du contrôle des concentrations au Brésil.

137. Il s’agit d’une pratique fréquente dans l’Union européenne et en France. Selon Monsieur Fréneaux « Qu’il s’agisse du droit français ou du droit communautaire, les

101« Lorsqu’on aborde le contrôle judiciaire de ces décisions d’engagement on doit examiner successivement

cinq aspects de la procédure de l’article 9 à savoir :i) - la nature juridique et l’effet des « décisions d’engagements » et en particulier le contrôle résiduel exercé à leur égard par le juge national ; ii) - les garanties procédurales et juridictionnelles prévues (ou à prévoir) afin de protéger les droits tant des parties que des tiers et des États membres ; iii) la marge d’appréciation dont la Commission dispose (ou non) pour avoir recours à cet instrument, et le contrôle que le juge exerce à ce sujet ; iv) la transparence de la politique de la Commission en la matière face à celle qui résulterait d’une pratique décisionnelle classique, soumise à contrôle judiciaire ; et enfin – v) le contrôle du respect des décisions d’engagements, et le rôle dévolu à ce propos par la Commission au juge national ». D. WAELBROECK, « Le développement en droit européen de la concurrence des solutions négociées (engagements, clémence, non-contestation des faits et transactions): que va-t-il rester aux juges », The Global Competition Law Centre Working Papers Series, GCLC Working Paper 01/08. Disponible sur : https://www.coleurope.eu/research-paper/le-developpement-en-droit-europeen-de-la-concurrence-des-

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décisions d’autorisation sous réserve d’engagements remplacent de plus en plus les décisions d’interdiction »102. Il suffit que l’opération présente un quelconque degré de restriction pour que les parties et les autorités recherchent des solutions structurelles ou comportementales inscrites dans des engagements pour remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération103. La possibilité d’une solution à l´amiable n’exclut pas néanmoins les recours juridictionnels. Les parties prenantes critiquent de voir s’imposer des remèdes disproportionnés ou imparfaitement reliés au problème de concurrence. Il faut étudier plus précisément les recours qui portent sur l’interprétation des obligations prévues dans l’accord (A), puis le degré d’exigence du CADE (B).

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