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LES REGLES GENERALES

Dans le document INTRODUCTION AU DROIT PRIVE (Page 88-92)

PREMIERE PARTIE : LA PRODUCTION DU DROIT

I.- LES REGLES GENERALES

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

12, place du Panthéon 75231 Paris Cedex 05 – Tél. : +33 (0)1 44 07 80 00 – www.univ-paris1.fr 87 § 2.- LES NORMES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES 48.- Nous ne sommes pas seuls au monde et, de tous les temps, les Etats s’entendent entre eux, pour faire la paix, permettre le développement du commerce, encadrer les flux migratoires, etc. Ces accords produisent du droit qui est susceptible de s’appliquer, non pas seulement aux Etats qui les concluent, mais également aux personnes privées. L’intégration de la norme internationale dans le droit interne est une mécanique assez complexe qui fait ainsi l’objet de règles spécifiques. Certaines sont générales et s’appliquent à l’ensemble des traités internationaux. D’autres sont propres aux normes européennes, précision étant faite que parmi ces dernières, il y a lieu de bien distinguer (confusion = grosse faute) celles qui émanent : - Du Conseil de l’Europe ; - De l’Union européenne.

I.- LES REGLES GENERALES

49.- L’article 55 de la Constitution pose le principe de la supériorité des traités internationaux sur la loi en ces termes :

« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » 50.- Les conditions de la supériorité

Dans les rapports internationaux, les Etats sont représentés par leur « chef ». C’est donc, pour la France et conformément à l’article 52 de la Constitution, « le Président de la République (qui) négocie et ratifie les traités ». L’internationalité du traité permet de l’imposer comme règle, alors qu’elle n’a pas reçu l’approbation du Parlement. Ainsi, le traité international passe-t-il au-dessus de la loi, alors qu’en quelque sorte, il passe au travers du processus normal de fabrication de celle-ci. Cette curiosité est justifiée dans l’ordre international. A l’échelle mondiale, la France n’a qu’une seule voix. Il n’en reste pas moins que les traités internationaux donnent des règles qui comme celles issues de la loi sont susceptibles de s’appliquer aux individus. Lorsque les traités portent sur des matières sensibles, également lorsqu’ils modifient des dispositions législatives existantes, l’article 53 de la Constitution prévoit donc deux limites au pouvoir présidentiel :

- « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés. »

- « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées. »

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88 Après publication au Journal Officiel, le traité entre en vigueur, sous réserve, dit-on, de réciprocité, c’est-à-dire « de son application par l'autre partie. » Pour autant, l’appréciation de la réciprocité est plutôt d’ordre politique, en ce sens qu’elle relève en partie de considérations d’opportunité. La cour de cassation juge ainsi qu’il ne lui revient pas d’apprécier cette condition, qu’elle présume acquise (En ce sens, v. Cass. Civ. 1ère 6 mars 1984, P. n° 82-14.008, Bull. civ. I n° 85 : « en l'absence d'initiative prise par le gouvernement pour dénoncer une convention ou suspendre son application, il n'appartient pas aux juges d'apprécier le respect de la condition de réciprocité prévue dans les rapports entre Etats par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 »).

51.- La mise en œuvre de la supériorité Elle pose trois questions : - Quelle est la place du traité dans la hiérarchie des normes ? - Quelle est l’autorité compétente pour résoudre une éventuelle contrariété entre la loi et un traité international ? - Qui peut se prévaloir de cette contrariété ? Sur la première question. Dans la hiérarchie des normes, le traité est au-dessus de la loi. Il s’ensuit qu’il faut organiser sa cohabitation avec la norme constitutionnelle, elle aussi au même étage, en quelque sorte. En principe, la norme suprême nationale l’emporte. C’est le principe de souveraineté. L’article 54 de la Constitution n’énonce pas clairement ce principe de supériorité mais le présuppose en ces termes : « si le Conseil constitutionnel (…) a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ». Dans le respect de ce texte, une loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 a ainsi été nécessaire pour ratifier le traité instituant la Cour pénale internationale, eu égard aux pouvoirs étendus du procureur près cette cour. Cette loi a ainsi introduit un article 53-2 dans notre Constitution dont les termes sont aussi simples que ce qui suit « la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 ». Il se pourrait cependant qu’un traité international soit ratifié sans que la précaution soit prise d’une modification préalable de la Constitution. Dans ce cas, les deux plus hautes juridictions, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont d’ores et déjà jugé « que la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s'appliqu(e) pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur constitutionnelle » (Cass. Ass. Plén. 2 juin 2000, Pourvoi n° 99-60.274, Bull. Ass. Plén. n° 4 ; C.E. 30 octobre 1998, n°200286, Publié au recueil Lebon).

Sur la deuxième question. On eût pu imaginer que le Conseil constitutionnel, dont c’est en quelque sorte l’office de juger la loi, se saisisse de la question et endosse le contrôle de conformité des lois nationales aux traités internationaux. Par une décision n° 74-54 du 15 janvier 1975, le Conseil n’a pas souhaité étendre son office. Ainsi a-t-il décidé que :

« 1. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité

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supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie." ;

3. Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l'article 61 de celle-ci ;

4. Considérant, en effet, que les décisions prises en application de l'article 61 de la Constitution revêtent un caractère absolu et définitif, ainsi qu'il résulte de l'article 62 qui fait obstacle à la promulgation et à la mise en application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle ; qu'au contraire, la supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l'article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d'une part, à ce qu'elle est limitée au champ d'application du traité et, d'autre part, à ce qu'elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s'apprécier le respect de cette condition ;

5. Considérant qu'une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution ;

6. Considérant qu'ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l'article 55 de la Constitution ne saurait s'exercer dans le cadre de l'examen prévu à l'article 61, en raison de la différence de nature de ces deux contrôles ; 7. Considérant que, dans ces conditions, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ». L’argument décisif est en quelque sorte que les traités passent quand la Constitution reste et que le Conseil ne s’imagine pas disqualifier une loi en raison d’une non-conformité qui serait contingente. Théoriquement, l’argument se tient. En pratique, il est plus discutable, au moins pour les traités qui proclament des principes de même nature, voire de même contenu, que ceux qu’énonce le préambule de la Constitution (Déclaration de 1789 et Préambule de 1946). Il l’est d’autant plus qu’en conséquence de cette abstention du Conseil, le contrôle de conformité de la loi aux traités internationaux est laissé aux juridictions de l’ordre judiciaire (arrêt dit Jacques Vabre rendu par une chambre mixte de la Cour de cassation le 24 mai 1975, Bull. ch. Mixte n° 4) ou de l’ordre administratif (arrêt dit Nicolo du CE 20 octobre 1989, D. 1990, 135). Il est naturellement opportun qu’il y ait un contrôle de conformité. Pour autant, compte tenu des marges d’appréciation qu’autorise un tel contrôle, surtout lorsqu’il s’agit d’apprécier la conformité d’une règle à un principe, il n’est pas sûr qu’il soit de bonne administration de la justice,

- Qu’une juridiction, quelle que soit son niveau dans la hiérarchie judiciaire, puisse écarter une règle nationale motif pris de sa contrariété à un traité international ; - Qu’il n’y ait pas à cet égard une unité d’appréciation, ce que permettrait une

intervention du Conseil constitutionnel (peut-être faudrait-il alors revoir sa composition).

Sur la troisième question. Elle est présentée comme étant celle de l’ « effet direct » (on parle parfois d’ « invocabilité ») ou non des traités internationaux. Le traité international est un accord entre Etats ; d’où la question : engage-t-il les Etats seulement ou bien les individus sont-ils habilités, spécialement en justice, à se prévaloir des textes négociés par leurs exécutifs ? Deux exemples avec deux réponses différentes :

• Premier exemple (Cass. civ. 1ère 14 juin 2005, Pourvoi n° 04-16.942, B. I n° 245). Voici la situation de fait telle que la synthétise la Cour de cassation :

« Mme Sophie X..., de nationalité française, et M. David Y..., de nationalité américaine, se sont mariés aux Etats-Unis le 10 mai 2000, une fille, Charlotte, étant née de cette union le 14 août 2000 aux Etats-Unis ; que la famille vivait aux Etats-Unis lorsqu'en mars 2003,

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Mme X... est venue en France avec l'enfant pour des vacances, puis a informé son époux, le 31 mars 2003, de son intention de ne pas regagner les Etats-Unis ; que M. Y... a saisi l'autorité centrale américaine d'une demande tendant à l'application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, afin que soit ordonné le retour immédiat de l'enfant aux Etats-Unis, lieu de sa résidence habituelle ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan a fait assigner Mme X... cette fin »

En appel, la cour d’Aix en Provence ordonne « le retour immédiat de l'enfant aux Etats-Unis ». La mère de l’enfant se pourvoit en cassation et fait notamment valoir que selon « l'article 3, 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant », « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, cette prise en considération imposant, en l'espèce, de tenir compte de la rupture de l'enfant avec son nouveau milieu d'intégration » qu’implique un tel retour aux Etats-Unis. En clair, la mère invoque un traité international (la Convention de New-York) en espérant que son application puisse en l’espèce justifier la « politique du fait accompli ». La Cour de cassation admet que « l'article 3, 1, de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant, (constitue une) disposition (…) d'application directe devant la juridiction française » et qu’il y a lieu d’apprécier les circonstances d’un retour « en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant » (avant, elle jugeait l’inverse, v. Cass. civ. 1ère 15 juillet 1993, Pourvoi n° 91-18.735, Bull. civ. I n° 259). Simplement, la Cour de cassation prend en quelque sorte la demanderesse au mot et elle lui oppose en ces termes que l’intérêt supérieur de l’enfant s’apprécie abstraction faite de l’intérêt personnel de la mère et que, sauf risque pour l’enfant, il n’est pas au pouvoir de cette dernière de priver sa fille de son père :

« la cour d'appel a souverainement relevé (…) qu'aucune attestation ne mettait en évidence une attitude dangereuse du père à l'égard de sa fille, que la preuve était établie qu'il n'était ni alcoolique, ni drogué, que l'état psychologique de l'enfant était satisfaisant, et que son père lui offrait, aux Etats-Unis, des conditions de vie favorables, avec l'assistance d'une personne diplômée d'une école d'infirmière ; qu'il résulte de ces énonciations que l'intérêt supérieur de l'enfant a été pris en considération par la cour d'appel, qui en a déduit (…) qu'il convenait d'ordonner le retour immédiat de l'enfant ».

• Deuxième exemple : Les « barèmes Macron ». Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoient un plafonnement des indemnités dues à un salarié licencié, même si le licenciement est, selon l’expression consacrée, prononcé « sans cause réelle et sérieuse ». Ces dispositions ne font pas l’unanimité et le débat public qu’elles ont suscité s’est prolongé devant les tribunaux. Il a été soutenu que le nouvel article 1235-3 du code du travail est contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne (un traité international) ainsi rédigé :

« Article 24 – Droit à la protection en cas de licenciement

En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties (comprendre les « Etats parties », signataires de la Charte) s’engagent à reconnaître : a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ; b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

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A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».

Réponse de la Cour de cassation : « eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée (…) les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers » (Cass. Avis 17 juillet 2019, Avis n° 15012)

Comment savoir si les règles issues d’un traité international sont d’application ou d’effet direct devant les juridictions françaises ? La réponse est discutée et on peut imaginer qu’eu égard à la sensibilité des questions posées, la Cour de cassation ne s’enferme pas dans un système d’interprétation trop rigide des traités internationaux. La directive d’interprétation à retenir est la suivante : le traité doit contenir des dispositions claires et précises dont l’application n’est pas conditionnée à une intervention de l’Etat. Par exemple, l’article 3 de la Convention de New-York est ainsi rédigé : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. »

On comprend que le point 1 soit d’application directe dès lors qu’il ne fait aucune référence aux « Etats parties » au traité et fixe clairement un critère (certes assez flou, mais il est difficile de faire mieux en la matière) primordial d’appréciation aux fins de prendre des décisions concernant les enfants. En revanche, le point 2 énonce uniquement un engagement, en forme d’objectif à atteindre, des Etats ayant ratifié le traité. Pour l’article 24 de la Charte sociale européenne, la décision de la Cour de cassation est plus discutable encore que le texte vise bien un engagement des « Parties », c’est-à-dire des Etats, et qu’au demeurant, il consacre le principe d’une indemnité en cas de licenciement sans motif valable, sans précision sur l’importance de cette dernière, ce qui a priori, n’interdit pas au législateur national de fixer des barèmes.

II.- LES REGLES SPECIALES (L’EUROPE)

52.- Des normes et des institutions.

Le droit européen procède de traités internationaux. Simplement, parce ces traités ont été négociés par des Etats représentant des nations formant une communauté historique et culturelle, ils sont dotés d’une vigueur renforcée, à un double titre :

- Les conditions d’application des traités internationaux et de leur supériorité sont présumées réunies ; ainsi et sauf à apporter quelques nuances, leur application directe est acquise ;

- Leur efficacité est renforcée parce qu’ils ont donné naissance à des institutions qui en permettent l’application effective.

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