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CHAPITRE III : Les protéines kinases et la maladie d’Alzheimer

I. Les protéines kinases

Définition et classification.

i. Définition

Une protéine kinase catalyse le transfert d’un 𝛾-phosphate, prélevé d’une molécule d’ATP (Adénosine TriPhosphate) ou plus rarement de GTP (Guanosine TriPhosphate), sur le site de phosphorylation d’une protéine réceptrice ou cible (Figure 31). Ce site de phosphorylation est un acide aminé contenant un groupement hydroxyl, habituellement Sérine (Ser), Thréonine (Thr) ou Tyrosine (Tyr) chez les cellules eucaryotes.

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Le cycle catalytique de la phosphorylation d’une protéine cible par une protéine kinase : En haut à gauche, l’ATP puis le substrat se lient au niveau du site actif de la kinase. Une fois cette liaison établie, le γ- phosphate de l’ATP (rouge) est transféré sur un résidu Ser, Thr ou Tyr de la protéine cible. Après la phosphorylation, la protéine réceptrice et l’ADP sont libérés du site actif de la kinase (Ubersax and Ferrell 2007).

ii. Classification

Les protéines kinases ont été́ identifiées par le projet « kinome humain » à partir des entrées présentes dans les bases de données génomiques et protéiques (Manning, Whyte et al. 2002). En analysant les similarités des séquences et des structures de leurs domaines catalytiques, elles ont été divisées en deux super-familles et nommées respectivement « ePKs » pour protéines kinases eucaryotes typiques et « aPKs » pour protéines kinases eucaryotes atypiques. Au nombre de 478, les ePKS représentent la grande majorité des kinases. Celles-ci présentent une forte homologie de séquence au niveau de leur domaine catalytique (Hanks, Quinn et al. 1988). Au contraire, les aPKs sont moins nombreuses en nombre (40) et ne présentent pas de similarité avec le domaine kinase des ePKs.

En fonction de leurs homologies de séquence, de leurs domaines catalytiques, de la structure de leurs régions N- et C-terminales, de leurs fonctions biologiques et de l’existence d’une classification précédemment établie chez les protéines kinases de levure, de C.elegans et de drosophile, les protéines kinases humaines ont d’abord été classées en 9 groupes, 134 familles et 201 sous-familles, comme présentées dans le Tableau 1.

Figure 31 : Réaction de phospho-transfert

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Tableau 1 : Classification des kinases

En plus de l’homologie du domaine catalytique utilisée dans le projet « human kinome », la nature de l’acide aminé récepteur du 𝛾-phosphate d'ATP constitue un second critère de classification. Trois grands groupes sont généralement évoqués :

- Les protéines sérine/thréonine kinases (PSTKs). Alors que ces protéines ciblent des résidus sérine ou thréonine, elles représentent 80 % du kinome humain et sont activées par d’autres kinases situées en amont dans la cascade de signalisation via la phosphorylation de résidus sérine, thréonine ou tyrosine localisés au niveau de leur boucle d’activation (Ubersax and Ferrell 2007). Les membres de la famille des MAPKs (ERK1/2), des CAMKs (CAMKII) ou des GSK3 ne sont que des exemples les plus connus.

- Les protéines tyrosine kinases (PTKs). La nature de leurs acides aminés cibles sont des tyrosines. Elles représentent 20 % des protéines kinases et sont présentes sous deux formes : récepteurs à activité tyrosine kinase (comme les facteurs neurotrophiques NGF ou BDNF) ou protéines tyrosines kinases solubles. Pouvant être cytosoliques ou nucléaires, ces dernières ont la capacité lorsqu’elles sont actives de recruter des protéines d’ancrage, des facteurs de transcription (comme par exemple STAT3) ou d’autres protéines kinases (Hubbard and Miller 2007, Pawson and Kofler 2009).

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Les protéines kinases à double spécificité (DSKs). Découverte dans les années 1990, ces protéines kinases ont la capacité de phosphoryler leurs cibles protéiques à la fois sur des résidus sérine/thréonine et les résidus tyrosine (double activité kinase :

99 sérine/thréonine et tyrosine) (Lindberg, Quinn et al. 1992). Il est à noter qu’il y a cependant de vrais DSKs et des DSKs activées par phosphorylation. Ces dernières regroupent la famille des DYRKs, dont DYRK1A pour « Dual- specificity Tyrosine (Y) phosphorylation Regulated Kinase 1A », qui une fois activées par autophosphorylation de leurs propres résidus Tyrosine situés dans leurs boucles d’activation, phosphorylent des résidus Ser/Thr (activité Ser/Thr kinase « simple ») (Becker, Weber et al. 1998). Une classification des protéines kinases humaines, de leurs fonctions biologiques et de leurs similarités chez d’autres espèces animales peut également être retrouvée sur

http://kinase.com/web/current/ où l’ensemble du kinome humain est présenté sous la forme d’un

arbre phylogénétique.

Structure et fonction du domaine catalytique

Le domaine catalytique d’une protéine kinase doit être capable de réaliser trois principales fonctions :

- La liaison et l’orientation du phosphate

- La liaison et l’orientation du substrat protéique

- Le transfert du phosphate terminal du donneur vers le groupement accepteur des résidus Ser, Thr ou Tyr du substrat protéique.

Si l’on excepte la super-famille des protéines kinases atypiques, très minoritaire, toutes les protéines kinases partagent une homologie de séquence et de structure au niveau de leur domaine kinase. Ainsi, les ePKs ont un domaine catalytique canonique d'environ 250 acides aminés, constitué d'un petit lobe N-terminal de feuillets β et d'un plus grand lobe C-terminal d'hélices α. Les deux domaines étant séparés par un fragment liant l’ensemble appelé boucle catalytique ou « linker » (Figure 32).

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Exemple de la kinase 2GQG. Le petit lobe placé en N- terminal est représenté en gris et est constitué de feuillets β. Un plus grand lobe est constitué d’hélices α, représentées en rose. La région reliant les deux lobes ou « linker » est illustrée en magenta sur le côté gauche. L’hélice αC est représentée en vert alors que la boucle riche en glycine en orange. Les motifs conservés DFG (ruban bleu foncé) et HRD (ruban cyan) sont également mis en évidence. Les résidus indiqués explicitement sont le résidu donneur de la région charnière (carbones orange), le résidu du portique (carbones jaunes), la lysine catalytique (carbones magenta) et l'acide Helix C (carbones cyan)(Brooijmans, Chang et al. 2010).

Le lobe N-terminal est composé de 5 feuillets-β et surtout d’une hélice-α (αC), qui, positionnée d’un côté du site catalytique d’une kinase à l’état « actif » peut se retrouver vers l’extérieur à la suite d’un mouvement latéral ou « swing motion » lorsque la kinase est « inactive ». En plus, une boucle appelée « Glycine-rich loop » ou « G-loop » assure flexibilité et dynamisme de l’ensemble. Elle couvre les β- et γ-phosphates de l’ATP. Le lobe N-terminal joue un rôle important à la fois dans la réaction de phospho-transfert et l’échange d’ATP durant le cycle catalytique.

Le lobe C-terminal est composé de plusieurs domaines (VI à XI) avec 6 hélices-α (αD à αI) en plus de 4 feuillets-β très courts (β6 à β9). Ce lobe est plus stable et plus rigide que le premier et forme un site d’ancrage ou « Docking site » pour les substrats protéiques. Ses hélices αD et αF d’une part et αG d’autre part, façonnent une fente permettant de se lier au substrat. A la suite de la fixation, le résidu précédant le site de phosphorylation Ser/Thr ou Tyr du substrat s’ancre au niveau d’une boucle P+1 ou « P+1 loop ». Située dans la partie C-terminale du segment d’activation de la kinase, elle prend la forme d’une poche.

Mais l’homologie de structure déjà évoquée ne se résume pas seulement à cela, on la retrouve sur plusieurs autres sites bien particulier du domaine catalytique :

- Le site de liaison au substrat. Toujours protégé par la boucle P+1, la position du site de phosphorylation du substrat est fermement ancrée dans les structures tridimensionnelles de la kinase. Des résidus de la kinase : P-2 et P-5 confortent cette liaison et restent conservés dans toutes les kinases (Zhu, Liu et al. 2005).

- Le site de liaison du donneur de phosphate. Il est contrôlé par l’hélice αF du lobe C-ter et sa structure hydrophobe est nommée épine catalytique ou « C-spine ». Présente

Figure 32 : Structure d’un domaine catalytique type de

101 dans toutes les kinases elle joue sur le positionnement et l’orientation de l’ATP et contrôle la catalyse.

- L’épine régulatrice ou « R-spine ». L’épine régulatrice doit son nom au fait qu’elle traverse les deux lobes (N et C) de la protéine kinase et sa partie centrale renferme des résidus du segment d’activation et de l’hélice αC importants pour la réaction de phospho-transfert.

La boucle catalytique ou linker, regroupant les épines catalytique « C-spine » et régulatrice « R-spine », connecte les deux lobes de la kinase et stabilise sa structure en protégeant les positions de l’ATP et du substrat. Ce modèle dit « modèle en épine » nous renseigne sur l’architecture interne et les changements de conformation que doit accomplir la kinase typique pour son bon fonctionnement. Ainsi, lors du cycle catalytique, les protéines kinases passent d’une conformation active (Fermé) ou inactive (Ouverte) (Figure 33).

L’alignement et l’analyse comparative des séquences primaires du domaine catalytique de plus de 60 kinases a permis de les sous diviser en 11 sous-domaines. Ces sous-domaines hautement conservés dans toutes les kinases de la famille des ePK contiennent des motifs caractéristiques et résidus conservés que nous avons déjà cités plus haut. Plus de détails sont indiqués dans le tableau ci-dessous (Tableau 2) (Hanks and Quinn 1991).

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Figure 33 : Conformations du domaine catalytique d’une kinase

Conformation Active (Fermée) et Inactive (Ouverte) du domaine catalytique d’une kinase. Exemple de la protéine sérine/thréonine kinase PKA (protéine kinase A) et de la protéine tyrosine kinase IRK (Insulin receptor kinase).

(Partie haute) Représentation de la structure cristallisée des protéines PKA (Zheng, Trafny et al. 1993) et IRK (Hubbard 1997). Les éléments structuraux clés du domaine catalytique y sont illustrés comme ceci : G-loop en rouge, l’hélice-αC en violet, le « P+1 loop » en orange et la boucle catalytique en vert. Le peptide PKI (inhibiteur de la PKA) et le substrat de l’IRK sont colorés en jaune. Les nucléotides clés et hautement conservés dans le site catalytique sont indiqués sous la forme Thr 197. L’IRK est représenté sous sa forme active ou phosphorylé : conformation fermée ainsi que sous sa forme inactive non phosphorylé : conformation ouverte. Dans ce dernier état, le segment d’activation de l’IRK adopte une conformation empêchant la liaison au substrat.

(Partie basse) Les trois structures citées dans la partie haute sont schématisées, illustrant clairement la plasticité de conformation d’une protéine kinase. En particulier, la boucle activatrice et l’hélice-αC y sont soulignées (Huse and Kuriyan 2002).

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Tableau 2 : Classification détaillée du domaine catalytique des ePKS

Structure et conservation du domaine kinase dans la super-famille des ePKs. Le tableau a était réalisé à partir des résultats d’alignement des séquences de 65 protéines kinases (Hanks and Hunter 1995). Le domaine kinase est divisé en 12 sous-domaines indiqués par des chiffres romains (I,II,III,IV,V,VIA,VIB,VII,VIII,IX,X,XI) qui montrent une forte homologie entre les différentes kinases de la famille des ePKs. Le tableau présente les structures secondaires, les séquences consensus identifiées dans certains sous-domaines, les acides aminés les plus conservés ainsi que les rôles qu’ils jouent dans la conformation 3D de la kinase et dans la réaction de phospho- transfert. La position exacte des acides aminés par rapport à la séquence primaire de la kinase est indiquée en prenant la protéine kinase A (PKA) comme référence. La structure 3D d’une protéine kinase est composée de deux lobes (lobe Nterminal dit N-lobe et lobe C-terminal dit C- lobe) séparés par un fragment lieur appelé « Linker » (Kornev and Taylor 2010).

Mécanismes de spécificité des protéines kinases

Compte tenu du nombre très conséquent de protéines à phosphoryler (30% des protéines cellulaires) et du pourcentage d’acides aminés « phosphorylables » (17%), une protéine kinase typique doit pouvoir reconnaître entre un et une de centaine résidus cibles dans un vaste « nuage » d’environ 700 000 sites de phosphorylation potentiels. La faible homologie de séquence constatée au niveau du domaine catalytique n’aide pas la kinase dans cette tâche. Pourtant, plusieurs mécanismes expliquant la spécificité subtile des protéines kinases ont été avancés. Nous évoquerons dans ce paragraphe plusieurs d’entre eux, tous issus d’une revue de 2007 (Ubersax and Ferrell 2007). Ils sont ici classés en fonction de leurs localisations au sein de la kinase.

Profondeur de la fente catalytique et spécificité entre Ser/Thr kinases et Tyr kinases.

Deux groupes de kinases sont séparés en fonction de la nature de l’acide aminé à phospho- transférer : Serine/Thréonine ou Tyrosine. Cette spécificité est expliquée par le fait que les protéines Tyr kinases possèdent une fente catalytique plus profonde que celle du second groupe. En effet, un résidu Tyrosine peut parcourir la distance entre le squelette du peptide et le γ- phosphate de l’ATP. Plus petit, les résidus Serine et Thréonine en sont alors incapables. Cependant, il est à noter que cette spécificité n’est pas absolue et il n’est pas rare que les Ser/Thr kinases phosphorylent les résidus Tyr. Le contraire étant moins vrai (Figure 34).

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Figure 34 : Disparité de profondeur de la fente catalytique entre une Tyr et une Ser/Thr kinase Fente catalytique d’une Tyr kinase et son interaction avec un résidu Tyrosine (a.) ou un résidu Sérine (b.). La profondeur d’une fente catalytique de Tyr kinase est plus importante que celle d’une Ser/Thr kinase. Par conséquence, un résidu Ser (b.) ou Thr sera positionné trop loin de l’ATP. Au contraire, la catalyse peut se faire avec un résidu Tyr, plus long (a.). L’ATP est représentée sous forme de bâtonnets rouges. Le peptide substrat est illustré majoritairement en noire avec une partie rouge symbolisant le groupement OH (Ubersax and Ferrell 2007).

Compatibilité en charge ionique des résidus distaux au site de phosphorylation.

Dans la plupart des cas, le site actif des kinases interagit avec 4 acides aminés du site de phosphorylation (P-site). Mais, en plus, des séquences situées en position distale du P-site peuvent également interagirent avec des portions de la kinase. Cette idée provient d’analyses structurales et cinétiques démontrant que la kinase et son substrat partagent des séquences peptidiques complémentaires sur la base de leurs liaisons hydrogène ou hydrophobe. Prenons l’exemple de la PKA qui possède deux résidus Glu créant ainsi des sites de liaison anionique au niveau des P-2 et P-3 du substrat. Alors que la poche hydrophobe de la kinase privilégie un résidu hydrophobe sur la position P+1, les séquences consensus (Figure 35) de PKA s’intègrent parfaitement dans l’environnement local du site actif. Ceci constitue un premier niveau de spécificité aux kinases à leurs substrats respectifs.

Figure 35 : Spécificité d’interactions médiée par les résidus distaux au site de phosphorylation Interactions locales établissant la spécificité de la PKA envers son substrat peptidique. Diagramme en ruban, représentation électrostatique de surface et schéma du site de liaison au

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substrat entre la PKA et un substrat de synthèse non-phosphorylable de PKI. Les résidus Arg (R) chargés positivement à P-3 et P-2 de la PKI interagissent avec les Glu127 et Glu230 chargé négativement de la PKA. P+1 s’insère dans la poche hydrophobe formé par la Leu198 et Leu205 de la kinase. En plus, des résidus de la PKI localisé sur le site actif (Active site) s’ajoutent pour contribuer à une liaison de haute affinité. La représentation électrostatique montre les surfaces chargées positivement en bleu, et négativement en rouge (Ubersax and Ferrell 2007).

Domaines ou motifs d’ancrage distaux. Un niveau supérieur de spécificité d’une kinase

s’explique par la présence de motifs d’ancrages souvent spatialement séparés du site d’interaction entre la kinase (site actif) et du substrat (site-P). Ceux-ci sont retrouvés dans de nombreuses kinases incluant c-Jun N-terminal kinases (JNKs), phosphorylase kinase (PHK), ERK, MERK, glycogen synthase kinase-3 (GSK3) ou encore CDK2 indiquant un mécanisme plutôt général. Les motifs d’ancrages sont présents chez les Tyr kinases et les Ser/Thr kinases mais positionnés différemment d’une famille à l’autre. Chez les Tyr kinases, ils sont généralement séparés du domaine kinase (Figure 36) alors que les Ser/Thr kinases possèdent des motifs d’ancrages dans le domaine catalytique. Dans ce groupe, ils sont cependant moins répandus. L’un des premiers motifs d’ancrage découvert a été le « D domain » sur les substrats des MAPK (Figure 36). Typiquement situés à plus de 50 – 100 résidus du site-P, ils présentent le motif : (R/K)1–2-(X)2–6-

Φ-X-Φ où les résidus basiques vont s’ancrer sur les aires chargées négativement (ou CD-site) sur la partie C-ter du domaine kinase. Les résidus hydrophobiques s’associent quant à eux aux groupements Φ-X-Φ au niveau des feuillets-β7 et 8 et des hélices-αD et E des MAPK. La différence dans la composition et l’espacement des résidus de ces motifs d’ancrages et la préférence du cœur catalytique pour tel ou tel acide aminé situé autour du site-P sont deux notions permettant d’augmenter la sélectivité globale de la kinase envers son substrat. Des études s’intéressant aux ERK, ont identifié un second motif d’ancrage : le « DEF domain » ou FXF motif pour F/Y-X-F/Y-P situé à 10 acides aminés du site-P et retrouvé dans d’autres domaines régulateurs des MAPK. L’un des effets annexes de ces motifs d’ancrages serait d’augmenter la concentration de substrat autour de la kinase et ainsi favoriser le phospho-transfert. Cette hypothèse suppose alors que les régions d’interactions entre les motifs d’ancrage et le site catalytique d’un côté et le site-P de l’autre (ou les deux à la fois) soient flexibles. En particulier, la plupart des interactions d’ancrage auraient un effet allostérique pouvant positivement ou négativement réguler la spécificité de la kinase. La combinatoire de tous ces mécanismes augmenterait donc significativement la spécificité des kinases plus qu’un seul mécanisme pourrait le faire à lui seul (Figure 36).

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Figure 36 : Spécificité de la kinase médiée par les domaines distaux

Importance des motifs d’ancrage de la kinase dans la reconnaissance du substrat. (Partie haute) La kinase Src est inactive lorsque la boucle d’activation située entre les lobes N-terminaux (bleu foncé) et C-terminaux (bleu clair) est présente dans cette conformation. L'activation de la kinase nécessite la dé-phosphorylation d'un résidu Tyr C-terminal (Y527), ce qui permet au domaine homologie-2 (SH2) Src et / ou au domaine SH3 de se dissocier de la kinase et de s'associer à un substrat. La boucle d'activation de Src est ensuite phosphorylée sur le résidu Tyr 416 et la kinase devient complètement active. (Partie basse) Représentation de surface de la MPAK en complexe avec son substrat, en particulier le « domaine D » (bande noire). Le site chargé négativement (CD-site) sur la MAPK (aire rouge) s’associe aux résidus basiques du peptide substrat. La groupement Φ-X-Φ est montré en orange et lie les résidus LXL. La région de la kinase qui lie la séquence FXF des substrats contenant le domaine DEF est représentée en jaune. L'ATP est illustrée en une boule rouge et bâtonnets (Ubersax and Ferrell 2007).

Sites d'accueil conditionnels. Le recrutement de kinases sur des substrats qui ont été

précédemment phosphorylés (ou amorcés) est un mécanisme augmentant la spécificité d’une kinase. Cet amorçage peut se produire par phosphorylation d'un résidu proche ou éloigné du site de phosphorylation en question. C’est par exemple le cas pour certains substrats de GSK3. En effet, cette kinase nécessite une phosphorylation initiale sur le résidu Ser placé en site P + 4 du substrat pour une catalyse efficace. Le motif de phosphorylation amorcé se lie à une rainure

109 d'ancrage de la GSK3, adjacente à la clé catalytique de la GSK3. En plus, GSK3 peut subir une phosphorylation sur un résidu Ser en N-terminal, induisant son inactivation par la protéine kinase B (PKB ou AKT). Ce résidu Ser phosphorylé se retourne en boucle et se lie au sillon d'ancrage de la GSK3 empêchant la kinase de se lier à d'autres substrats amorcés. L'amorçage d’un substrat ajoute donc un niveau de contrôle supérieur à ce qui est possible avec les interactions précédemment détaillées ou « non conditionnels ». L'amorçage rend donc la phosphorylation de la kinase d’intérêt dépendante de l'activité de la kinase d'amorçage ce qui peut aider à établir le moment idéal de la phosphorylation du substrat.

Localisation de la kinase. Un autre niveau de spécificité peut être obtenu en jouant sur

la localisation subcellulaire de la kinase. Dans ce cas, elle favorise la spécificité en limitant le nombre de substrat potentiels dont la kinase peut avoir accès. Prenons l’exemple de la kinase ERK2. Cette kinase est impliquée, entre autre, dans la différentiation et la mitogenèse des cellules PC12. D’un côté l’ajout de NGF (Neural Growth Factor) conduit à la croissance neuritique via l’activation et la translocation de la kinase du cytoplasme vers le noyau. De l’autre, l’ajout d’EGF (« epidermal growth factor ») promeut la mitogenèse par l’activation d’ERK2 cytoplasmique. Ces données soulignent alors bien la dualité de fonction que peut avoir cette kinase, comme bien d’autre, selon si elle se trouve au sein de tel ou tel substrat protéique.