• Aucun résultat trouvé

Les propriétés des phases et leur interactions

Chapitre 3. Physiques des composantes des sols. Les domaines de saturations

3.3. Les propriétés des phases et leur interactions

Après une revue des comportements physiques de l’eau et de l’air, nous allons à présent aborder l’interaction entre eux, ainsi que leurs interactions avec la phase solide.

3.3.1. Tension de surface et l’angle de contact

La tension de surface, notée 𝛾𝐿𝐺 ici, est une propriété de l’interface entre deux fluides (un liquide et un gaz dans notre cas) résultant d'un déséquilibre dans les forces de cohésion moléculaires à la surface du liquide. Les forces d'attraction entre des molécules d'un même liquide sont souvent plus fortes que celles entre les molécules de ce liquide et celles du gaz environnant ou celles d'un autre liquide non miscible. Au sein de ce liquide, chaque molécule est tirée de manière égale, en moyenne, dans toutes les directions par les molécules voisines de liquide, résultant en une force nette nulle (cf. Figure 3-3).

22

Cependant, la situation est différente à la surface du liquide où les molécules de liquide sont tirées fortement par d'autres molécules liquides situées plus à l'intérieur mais beaucoup plus faiblement par les molécules de gaz à l'autre côté de l'interface liquide-gaz. Ceci conduit à une résultante de force nette dirigée vers l'intérieur. Cette force peut être modélisée mécaniquement en supposant que l'interface liquide-gaz se comporte comme une membrane sous tension. Dans ce cas, la force par unité de longueur le long de l'interface entre les deux fluides non miscibles est appelée tension superficielle. La tension superficielle peut aussi être interprétée comme l'énergie emmagasinée par unité de surface.

La situation est plus complexe dans le cas d’une présence simultanée d’un solide, d’un liquide mouillant et d’un gaz non mouillant. La forme géométrique que le corps du liquide prend dépend des intensités relatives des forces de cohésions entre les molécules de liquide et des forces d’adhésion entre le molécule liquide et celles du solide.

La Figure 3-4 montre les différentes situations qui peuvent se présenter. Afin de les caractériser, on utilise un angle 𝜃 que l’on calcule en mesurant l’écart entre la tangente au bord de la goutte de liquide (de l’eau dans ce cas) et la surface plane. Plus l’angle est proche de 180°, moins la goutte mouille la surface.

Figure 3-4: Illustration de l’angle de contact formé par un goute de liquide sur une surface de solide (Yuan, 2013)

3.3.2. Équilibre mécanique eau-air (Loi de Laplace)

Maintenant, nous allons exprimer l'équilibre mécanique de l’interface liquide-gaz qui subit une combinaison d’actions : sa tension de surface et la différence de pression entre les deux phases fluides. Cet équilibre est illustré dans les deux cas simples : une interface sphérique et une interface cylindrique (cf. Figure 3-5).

23

Dans le cas où l'interface est sphérique, une infiniment petite variation de l'aire de l’interface amène une augmentation infiniment petite du rayon 𝑅 comme illustré dans la Figure 3-6. L’équilibre d’interface eau-air se traduit par cette équation :

d𝑊 = 𝛾𝐿𝐺d𝐴𝐿𝐺

(3-3)

Cette énergie vient en fait du travail effectué par la différence de pression 𝑝𝐺− 𝑝𝐿 appliquant à un segment sphérique infiniment petit de la surface initiale 𝑅2𝑑Φ dans le déplacement 𝑑𝑅 de celle-ci. Ce travail s'écrit donc:

d𝑊 = (𝑝𝐺− 𝑝𝐿)𝑅2𝑑𝑅𝑑Φ

(3-4)

L'interface supplémentaire créée peut s'écrire comme suit :

d𝐴𝐿𝐺= 2𝑅𝑑𝑅𝑑Φ

(3-5)

Figure 3-6 : Dérivation de la loi Laplace (Coussy, 2011)

En combinant les trois équations (3-3)(3-4)(3-5), l’équilibre d’interface se traduit par la relation suivante (l’équation Laplace):

𝑝𝐺− 𝑝𝐿=2𝛾𝐿𝐺

𝑅 (3-6)

Si l'interface n’est plus sphérique, dans l'équation (3-5) la courbure 2/𝑅 doit être remplacée par la courbure moyenne algébrique.

La différence entre les deux pressions est souvent appelée la pression capillaire. En général, la pression capillaire peut être établie pour une surface quelconque qui sépare un liquide et un gaz. Cette loi est à la base de la rétention capillaire de l’eau dans les pores des sols.

3.3.3. Loi de Jurin. Ascension capillaire

La loi de Jurin donne une explication au phénomène de la remontée d’un liquide dans un tube capillaire. Elle est une conséquence directe de la tension superficielle.

L'eau liquide, qui est la phase dite mouillante par opposition à l’air qui constitue la phase non mouillante, a tendance à maximiser l'interface avec le solide (c.-à-d. le tube) et minimiser l'interface avec la phase gazeuse. A l'interface courbe liquide-gaz (i.e. fluide mouillant-fluide non-mouillant), aussi appelée "ménisque", la pression de la phase gazeuse est plus forte que celle de la phase liquide.

24

Si on considère l'exemple simple d'un tube capillaire circulaire rayon 𝑟𝑐𝑎𝑝 (cf. Figure 3-7) plongeant dans un réservoir contenant un liquide mouillant surmonté d'un gaz et une interface sphérique eau-air de rayon Rcap, la loi de Laplace se traduit par :

𝑝𝐺− 𝑝𝐿=2𝛾𝐿𝐺

𝑅𝑐𝑎𝑝 (3-7)

Par ailleurs, on a la relation 𝑅𝑐𝑎𝑝= 𝑟𝑐𝑎𝑝

𝑐𝑜𝑠𝜃 où 𝜃 est l’angle de contact. On a donc : 𝑝𝐺− 𝑝𝐿=2𝛾𝐿𝐺

𝑟𝑐𝑎𝑝 𝑐𝑜𝑠𝜃 (3-8)

L'équilibre vertical de la colonne d’eau dans le tube conduit à la relation:

𝑝𝐺− 𝑝𝐿= 𝜌𝑤𝐿 𝑔 ℎ𝑐𝑎𝑝 (3-9)

Avec :

𝜌𝑤𝐿 masse volumique de liquide 𝑔 l’accélération de la pesanteur ℎ𝑐𝑎𝑝 la hauteur d’ascension capillaire

La combinaison des deux dernières équations amène à la loi de Jurin. ℎ𝑐𝑎𝑝= 2𝛾𝐿𝐺𝑐𝑜𝑠𝜃

𝜌𝑤𝐿 𝑔 𝑟𝑐𝑎𝑝 (3-10)

La hauteur de remontée capillaire est proportionnelle à la tension superficielle et inversement proportionnelle au rayon du tube capillaire.

Figure 3-7 : Illustration de la remonté capillaire

Ce phénomène de ménisque se produit également pour les sols dans lesquels le réseau poreux peut être localement représenté par un assemblage de tubes de différentes tailles. La différence de pression entre l’air et l’eau est alors appelé pression capillaire, ou succion.

25

3.3.4. L’équilibre liquide-vapeur et la loi de Kelvin

En plus des interactions mécaniques, des interactions physico-chimiques se produisent entre l’eau et l’air. Quand une substance liquide dans un conteneur est exposée à une ambiance gazeuse sèche, elle aura tendance à s’évaporer. Les molécules s'échappent alors de l'état liquide à l'état gazeux. En parallèle, des molécules de la même substance en état gazeux peuvent se condensent en l'état liquide. En fonction de la quantité de molécule de cette substance dans l’environnement, l’évaporation ou la condensation peuvent dominer. A l’équilibre thermodynamique, les vitesses de ces deux phénomènes se rapprochent jusqu'à se rejoindre. Autrement dit, la vitesse d'évaporation est égale au taux de condensation et le nombre de molécules quittant la phase liquide par unité de temps est égal à ceux entrant. Si on augmente la pression de la vapeur d’eau dans le conteneur, le flux de condensation devient momentanément supérieur à celui de l'évaporation jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli.

D’un point de vue énergétique, l’équilibre thermodynamique entre les molécules d'eau dans chacune des deux phases liquide et vapeur s’exprime par l’égalité de leurs potentiels de Gibbs respectifs:

g𝑤𝐿 = g𝑤𝐺 (3-11)

Avec g𝑤𝐿, g𝑤𝐺 les potentiels de Gibbs de l’eau liquide et de la vapeur d’eau.

Sous les hypothèses de la masse volumique de l’eau liquide 𝜌𝑤𝐿 supposée constante et du gaz parfait, on a: g𝑤𝐿𝑝𝑤𝐿− 𝑝𝑤𝐿0 𝜌𝑤𝐿 ; g𝑤𝐺= 𝑅𝑇 𝑀𝑤ln (𝑝𝑝𝑤𝐺 𝑤𝐺0) (3-12)

Où 𝑝𝑤𝐿0 𝑒𝑡 𝑝𝑤𝐺0 sont les pressions de référence.

Dans la phase gazeuse, la vapeur d’eau a une pression 𝑝𝑤𝐺 plus petite que la pression de vapeur saturante, appelé 𝑝𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡. Définissons le taux de saturation de la vapeur 𝜑𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡, également appelé humidité relative comme le rapport entre la pression de la vapeur actuelle et la pression de la vapeur saturante.

𝑝𝑤𝐺= 𝜑𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡 𝑝𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡 (3-13)

A partir des trois dernières équations, en choisissant 𝑝𝑤𝐿0= 𝑝𝐺 𝑒𝑡 𝑝𝑤𝐺0 = 𝑝𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡, on obtient la loi de Kelvin :

𝑝𝐺− 𝑝𝐿 = −𝜌𝑤𝐿𝑅𝑇

𝑀𝑤 ln (𝑝𝑤𝐺

𝑝𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡) = −𝜌𝑤𝐿𝑅𝑇

𝑀𝑤 ln(𝜑𝑤𝐺𝑠𝑎𝑡) (3-14)

3.3.5. Dissolution de l’air dans le liquide et la loi de Henry

Lorsqu'un gaz (air sec dans notre cas) et un liquide (eau dans notre cas) sont mis en contact, une partie du gaz se dissout dans le liquide. Ce phénomène est une des raisons du changement de la quantité d’air dans le milieu poreux. .

La dissolution de l'air dans l’eau obéit à une loi simple, dite la loi de Henry, selon laquelle la quantité d’air dissous dans une unité de volume liquide est directement proportionnelle à la pression partielle d’air sec (à une température constante). Plus la pression d'air est forte, plus la quantité d'air dissous est grande et inversement:

26

Où 𝐾𝐻 [𝑀𝑝𝑎] la constante de Henry, et 𝑥𝑎𝐿 = 𝑁𝑎𝐿/(𝑁𝑤𝐿+ 𝑁𝑎𝐿) est la fraction molaire d’air dissous dans l’eau, 𝑁𝑎𝐿 est le nombre de moles d’air dissous, 𝑁𝑤𝐿 nombre de moles d’eau liquide.

En se basant sur les observations expérimentales, nous trouvons que la quantité d’air dissous est beaucoup plus faible que la quantité d’eau liquide en termes molaire et massique. On a donc:

𝑥𝑎𝐿 ≈ 𝑁𝑎𝐿/𝑁𝑤𝐿

(3-16)

Cependant, pour des raisons pratiques, la loi de Henry peut également être exprimée avec une constante adimensionnelle sous la forme :

𝑉̅𝑎𝐺 = ℎ 𝑉𝐿

(3-17)

Dans cette expression, 𝑉̅𝑎𝐺 est le volume qu’occuperait l’air dissous dans un volume 𝑉𝐿 d'eau s'il était sous forme gazeuse à la pression 𝑝𝑎𝐺, et h la constante adimensionnelle de Henry.

En combinant les deux équations (3-15) et (3-16) on obtient la valeur de ℎ : 𝑝𝑎𝐺 = 𝐾𝐻.𝑁𝑎𝐿 𝑁𝑤𝐿 = 𝐾𝐻. (𝑝𝑎𝐺𝑅𝑇. 𝑉̅𝑎𝐺) (𝑉𝐿 𝜈𝑤𝐿) ⁄ ⇒ ℎ = 𝑅𝑇 𝐾𝐻 𝜈𝑤𝐿 (3-18)

Où 𝜈𝑤𝐿 le volume molaire de l’eau.

Dans la littérature, plusieurs auteurs comme Schuurman (1966), Boutonnier (2007) ont utilisé ℎ = 0.02. En fait, cette constante peut être estimée théoriquement grâce aux équations précédentes. Par exemple, à 20°𝐶 le volume molaire de l’eau liquide 𝑣𝑤𝐿 = 18x10−6 𝑚3

𝑚𝑜𝑙 ; 𝑅 = 8.314 𝐽/(𝑚𝑜𝑙. 𝐾); 𝑇 = 293,15 𝐾 et en supposant que l'air a 20% de O2 et 80% de N2, on a

𝐾𝐻 = 1 0.8 1 𝐾𝑁2+0.2 1 𝐾𝑂2 =0.8/8146+0.2/40471 = 6773.8 𝑀𝑃𝑎. On a donc: ℎ = 8.314 x 293.15 18x10−6 x 6773.8 x 10^6= 0.01999 (3-19)

3.3.6. Diffusion de l’air dissous

La vitesse de transfert de l’air dissous à travers d’une couche obéit à la loi de Fick. Cette dernière grandeur est proportionnelle à la surface et au gradient de concentration.

𝒘𝑎𝐿 = −𝐷𝑒. 𝐠𝐫𝐚𝐝(𝜌𝑎𝐿)

(3-20)

Où :

𝒘𝑎𝐿 [𝑘𝑔/𝑚2/𝑠] Vecteur de densité de courant massique de l’air dissous 𝐷𝑒 [𝑚2𝑠−1] Coefficient de diffusion