CHAPITRE 1 : Introduction
2. Facteurs influençant la biodiversité végétale des prairies permanentes
2.2. Les prairies permanentes, des milieux gérés par l’Homme
Les prairies permanentes sont des milieux gérés par l’Homme selon ses objectifs d’exploitation.
Ces objectifs dépendent à la fois directement des agriculteurs, mais aussi des incitations issues des
politiques gouvernementales (Huyghe et al., 2014). Les agriculteurs pilotent la gestion des prairies
Gradient environnemental Limitation à la dispersion
X
Filtration environnementaleX
Filtration biotique (compétition exclusive) Intensification agricole à l’échelle paysagère Intensification agricole à l’échelle locale Variabilité intra-siteX
selon différentes pratiques agricoles qui varient en termes d’intensité. Ces pratiques agricoles
incluent la fauche qui varie en termes de précocité et de fréquence, le pâturage qui varie en terme
de précocité, de chargement, de durée et d’espèces animales, ainsi que la fertilisation dont le type
(ex : organique ou minérale), la composition (ex : azote, phosphore, potassium), la fréquence (ex :
annuelle, biannuelle…) et la quantité dépendent aussi des objectifs d’exploitation de l’agriculteur
(figure 3). D’autres pratiques peuvent être impliquées dans l’itinéraire technique de l’agriculteur et
incluent par exemple le hersage ou le chaulage. Enfin, outre le bétail, la faune sauvage (ex :
sangliers, cervidés, campagnols) peut également exercer une forte pression sur les communautés
végétales (ex : retournement de surfaces prairiales par les sangliers).
Le niveau d’intensité de l’ensemble de ces pratiques permet de définir le niveau d’intensification
agricole d’une prairie. Plusieurs indices ont été proposés afin d’agréger ensemble ces différentes
composantes, par exemple le land-use intensification index (LUI) de Blüthgen et al. (2012) qui
incorpore des informations sur la fréquence des fauches, le chargement et la fertilisation azotée.
L’intensification agricole a particulièrement augmenté au cours du XX
esiècle. Par exemple, au
Royaume-Uni, la fertilisation azotée annuelle moyenne des prairies est passée de moins de 5 kgN/
ha à 135 kgN/ha au cours de la seconde moitié du XX
esiècle (Huyghe et al., 2014). Aujourd’hui
encore, l’intensification agricole locale est considérée comme la principale menace de la
biodiversité prairiale (Dengler et al., 2014). Cependant, l’abandon des prairies liée à la déprise
agricole et menant à leur enfrichement (essentiellement dans les milieux méditerranéens et
montagnards ; Huyghe et al., 2014) est également une menace importante (Dengler et al., 2014).
Figure 3 : Principales composantes de l’intensification agricole en prairie permanente (à l’échelle Paléarctique) en termes d’effets sur l’assemblage des communautés végétales.
En effet, l’ensemble des pratiques agricoles et leur niveau d’intensité impactent les conditions
abiotiques (ex : fertilité et texture du sol) et biotiques (ex : compétition pour la lumière) des
milieux prairiaux avec des conséquences sur la diversité des plantes au sein des communautés
(Gaujour et al., 2012). L’intensification agricole, en maximisant la production au travers de la
maximisation de la productivité (i.e. taux de croissance) par la fertilisation azotée, est considérée
comme ayant un effet négatif sur la diversité spécifique des plantes prairiales (Chalmandrier et al.,
2017). Une première manière d’expliquer cet effet négatif repose sur le modèle d’équilibre
dynamique (Dynamic Equilibrium Model ou DEM, Huston, 2014).
En effet, selon le DEM, les effets de l’intensité des pratiques agricoles sur la diversité des plantes
prairiales peuvent se compenser entre eux (figure 4). La diversité du milieu dépend alors à la fois
du niveau de productivité du milieu (ex : liée à la fertilisation agricole, bien que des effets négatifs
de la fertilité azotée sur la productivité aient été répertoriés dans la bibliographie ; (Dengler et al.,
2014) et du niveau de mortalité (i.e. la défoliation par la fauche ou par le pâturage dans le cas des
prairies permanentes). Par exemple, une augmentation de la productivité du milieu peut
engendrer soit une diminution de la diversité locale à cause de l’exclusion compétitive si le niveau
de mortalité est faible, soit une augmentation de la diversité si le niveau de mortalité est élevé. Le
DEM souligne aussi les relations non-linéaires possibles entre diversité des plantes prairiales et
productivité et mortalité au travers de l’hypothèse de productivité intermédiaire (Intermediate
Productivity Hypothesis ou IPH) et de l’hypothèse des perturbations intermédiaires (Intermediate
Disturbance Hypothesis ou IDH).
Figure 4 : Prédictions du Dynamic Equilibrium Model (DEM).
Cette figure montre les effets de l’interaction entre la productivité et la mortalité (ex : liée à la défoliation) sur la diversité spécifique (en l’absence d’hétérogénéité spatiale issue de l’interaction entre productivité et mortalité). Le niveau de diversité spécifique maximal est indiqué en gris sombre, le niveau le plus faible en bas. Source : Huston (2014).