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Chapitre II PREPARATION ET ANALYSE D’UNE SUSPENSION COLLOÏDALE

II- 1 LES PHENOMENES DE DISPERSION COLLOIDALE

Le chimiste britannique Thomas Graham utilisa en 1861 l‘appellation « colloïde » (du grec kolla : gomme et eidos : apparence) pour désigner un nouvel état de la matière correspondant à la sus-pension hétérogène d'un ou plusieurs éléments au sein d‘une substance chimiquement différente[122]. Bien que cette discipline scientifique soit beaucoup étudiée aujourd‘hui, la fabri-cation et l‘analyse des propriétés de suspensions colloïdales existent depuis des siècles. Dans son traité « Panacea Aurea, sive tractatus duo de ipsius Auro Potabili » publié en 1618, le philosophe Fran-cisci Antonii décrit l‘utilisation médicale de suspensions colloïdales d‘or autour du IV siècle av. J.C en Chine et dans l‘ancienne Egypte [123].

De nos jours, l‘étude des propriétés des suspensions colloïdales se focalise sur la synthèse et la dispersion d‘une large variété de particules nanométriques solides dans les liquides. Dans ce cadre, la fabrication de nanoparticules est effectuée par fragmentation de matériaux

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piques (par broyage, micronisation, etc.) ou par condensation de précurseurs moléculaires présents dans la solution de dispersion (voir chapitre précédent).

Les méthodes de fragmentation-dispersion sont actuellement les plus employées industriellement, même si l‘érosion des pièces mécaniques, la présence de contaminants dans les solutions finales et le faible contrôle des tailles produites ont engendré un fort développement des méthodes de con-densation [124]. Une fois les nanoparticules fabriquées, elles doivent ensuite être dispersées dans un liquide pour obtenir un colloïde. La Figure 2.1 montre les étapes communes à la fabrication d‘un colloïde en partant de particules sèches et d‘un solvant.

Figure 2.1 : Schéma représentant les différentes étapes nécessaires à la dispersion de particules

Dans un premier temps, le précurseur particulaire sec est mélangé au liquide avec une étape de mouillage suivie de sa complète immersion. La faisabilité de ces premiers stades dépend surtout de la différence de tension de surface et de masse volumique entre les phases utilisées. Les mé-langes nécessitent ensuite une étape de désagglomération. L'application de contraintes méca-niques permet de déstabiliser les interactions de Van-der-Waals existant entre particules, et ainsi d‘augmenter la surface spécifique des particules interagissant avec le liquide. Généralement, une simple agitation dans des conditions standard est suffisante. Parfois, ces interactions sont telle-ment fortes qu‘elles nécessitent la génération de cisailletelle-ments élevés. Dans ce cas, différentes ap-proches sont utilisées comme, par exemple, l‘homogénéisation à haute pression [125]–[127], le broyage à billes [128]–[130] ou encore l‘usage de bains à ultrasons ou de sonotrodes [131], [132]. Cependant, il est important de souligner que l‘apport excessif d‘énergie pendant la phase de dé-sagglomération peut induire une réagrégation des particules ou la formation de résidus chimiques [124]. Dans ce travail de thèse, seulement l‘homogénéisation par sonotrode a été utilisée.

Lorsqu‘il y a dispersion des deux phases, on constate la formation d‘une suspension colloïdale. A ce stade, il est important de spécifier que la stabilité de cette dispersion est cinétique et non ther-modynamique. En effet, la séparation des deux phases est l'état final de tout colloïde et c‘est la

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43 vitesse de ce phénomène, généralement très lente, qui donne cette apparence de stabilité. Ce con-cept de stabilité est abordé de manière détaillée dans les ouvrages de physico-chimie classiques [133], [134]. La stabilité colloïdale peut donc être définie physiquement comme la résistance à la séparation de deux phases qui tend à se faire naturellement. La Figure 2.2 montre différents états pouvant intervenir après une durée relativement longue, suite à une déstabilisation colloïdale.

Figure 2.2 : Etats physiques existants après la dispersion des nanoparticules dans un solvant.

Cette déstabilisation colloïdale dépend de l‘équilibre des forces mises en jeu dans le système. La première force à considérer est la force de gravité. Selon la densité relative de particules par rap-port au milieu dispersant, la gravité peut favoriser une sédimentation ou au contraire une flocula-tion. Si les particules ont une meilleure affinité entre elles qu‘avec le solvant, elles vont tendre à s‘agglomérer, augmentant encore l‘effet de la force de gravité.

Parallèlement, il faut considérer les forces visqueuses et l‘agitation thermique qui régissent les mouvements des particules et provoquent des chocs incessants entres molécules produisant un mouvement diffusif brownien (Equation 2.1).

Equation 2.1 = constante de Boltzmann R= rayon de la particule

T= température η= viscosité

Comme on peut le voir, cette agitation brownienne est inversement proportionnelle au rayon des particules dispersées ; lorsqu‘elle est très importante, la gravité tend à être négligeable dans le sys-tème (et inversement). D‘autres paramètres, tels la taille initiale des nanoparticules, l‘interaction avec le solvant et les interactions particule-particule influencent la stabilité colloïdale (Figure 2.3).

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Figure 2.3: Schéma représentant les principaux paramètres pouvant influencer la stabilité temporelle d’une solution colloïdale.

La taille des nanostructures est un facteur primordial car elle est directement liée à la surface spé-cifique. En effet, lorsque la taille diminue, la surface active de la particule augmente (dans le do-maine des diamètres nanométriques, celle-ci peut atteindre plusieurs m2/g). On peut alors facile-ment comprendre que lorsque la taille de la particule diminue, l‘activité chimique de surface aug-mente proportionnellement.

Un autre paramètre important est le type de couple particule/solvant utilisé. En effet, et comme cela sera montré un peu plus loin dans ce chapitre, les réactions physico-chimiques intervenant à l‘interface entre les deux phases peuvent fortement influencer la cinétique du système. Une des méthodes très répandue décrivant cette interaction est celle qui intègre les paramètres de solubili-té, proposée par Charles Hansen [135]. Ces paramètres peuvent par exemple être calculés grâce aux études théoriques développées en 1976 par Van Krevelen Hoftyzer ou par les travaux de Beerbower en 1971 [136].

Finalement, les interactions s‘exerçant entre les particules sont aussi un facteur important [137]. Il existe deux grands types d‘interactions particulaires : l‘interaction dite électrostatique qui met en jeu les forces répulsives et attractives existantes entre deux surfaces chargées dans un solvant po-laire[138]–[140], et les répulsions stériques qui font intervenir des interactions polymériques [141]. On verra par la suite que ces deux paramètres peuvent être contrôlés expérimentalement en mo-difiant le milieu de dispersion et/ou la surface des nanoparticules dispersées.

En conclusion, la dispersion des nanoparticules dans un milieu liquide fait intervenir plusieurs paramètres qui influencent la cinétique de sédimentation. Avant de discuter des différents phé-nomènes physico-chimiques intervenant lors de la dispersion des suspensions colloïdales étudiées dans ce travail, nous allons dans la prochaine section présenter les dispositifs expérimentaux utili-sés dans ce travail de thèse pour l‘analyse des solutions colloïdales.

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