L’HEMOSTASE PRIMAIRE
5.2. Les perturbations quantitatives et/ou qualitatives des plaquettes
fonctions plaquettaires sont normaux. Le pronostic dépend d’une éventuelle affection concomitante [29].
Il existe diverses formes de purpuras. Parmi ceux-ci figure le purpura par vascularite leucocytoclasique, apparaissant sur les membres inférieurs et pouvant être combiné à des myalgies, des douleurs articulaires, un œdème et/ou une néphropathie, ou une neuropathie périphérique. Il y a également le purpura fulminans méningococcique, qui, étant fréquemment associé à une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), constitue une urgence médicale. A cela s’ajoutent les purpuras de diverses origines à l’instar des pathologies éruptives (rougeole, rubéole, scarlatine) ou de la fragilité capillaire [29].
5.2. Les perturbations quantitatives et/ou qualitatives des plaquettes
a. Thrombopénies
La thrombopénie désigne la diminution de la numération plaquettaire en dessous de 120 G/L [29]. L’on distingue deux types de thrombopénies :
• Thrombopénies d’origine centrale
En règle générale, elles sont dues à une insuffisance médullaire globale acquise, associée à une hémopathie (état préleucémique, leucémie augüe, aplasie, myélodisplasie …) ou d’origine toxique (sels d’or, triméthoprime …). Les thrombopénies d’origine centrale peuvent être également occasionnées par l’alcoolisme et les carences en vitamine B12 et en acide folique. Les thrombopénies familiales avec un volume plaquettaire moyen augmenté sont rapportées dans divers types de syndrome (tableau V) [29].
• Thrombopénies périphériques
L’hyperdestruction, l’anomalie de répartition (hypersplénisme) et l’hyperconsommation (coagulopathie intravasculaire généralisée) sont les trois types de mécanismes à l’origine des thrombopénies périphériques. Le risque hémorragique ne paraît majeur que dans le cas d’une numération plaquettaire en deçà de 50 G/L. La valeur fonctionnelle des plaquettes est à la base de la bonne tolérance clinique [29].
b. Thombopathies acquises
Elles sont très courantes et généralement découvertes par hasard. On peut parler de caractère acquis devant l’absence d’antécédents hémorragiques personnels ou familiaux signalés lors de l’interrogatoire [29].
54 Tableau V: Thrombopénies avec volume plaquettaire moyen augmenté[29]
Purpura thrombopénique
immunologique (PTI) Diagnostic d’élimination Anomalie de May-Hegglin Autosomique dominant
Corps de Döhle
Syndrome d’Alport Autosomique dominant
Surdité, néphropathie
Syndrome de Fechtner
Autosomique dominant Surdité, néphropathie
Inclusions intraleucocytaires
Syndrome de Sebastian Autosomique dominant Inclusions intraleucocytaires
Syndrome de Bernard-Soulier
Autosomique récessif Défaut d’adhésion Déficit en GPIb-IX-V
Syndrome des plaquettes grises Autosomique dominant Absence de granules alpha
Syndrome des plaquettes Montréal
Autosomique dominant
Défaut de réponse à la thrombine et de l’activité procoagulante
Willebrand plaquettaire Willebrand 2B
Autosomique dominant
Anomalie de l’agglutination à la ristocétine Anomalie des multimères de haut poids moléculaire Macrothrombopénie méditerranéenne Autosomique dominant Origine méditerranéenne • Thrombopathies médicamenteuses
Les médicaments sont, le plus souvent, à l’origine de ce type de ces altérations fonctionnelles plaquettaires. Il s’agit principalement des anti-inflammatoires non stéroïdiens dont l’aspirine
55 (fréquemment en automédication) mais également d’autres agents antiagrégants à l’instar de ticlopidine ou le clopidogrel [29, 31-32].
Le mécanisme d’action de l’aspirine, qui consiste en une acétylation irréversible de la Cox, l’enzyme plaquettaire à l’origine de la synthèse de prostaglandines et impliquée dans la voie de génération du TxA2, a été dévoilé par Sir John Vane en 1971 [26]. Et, au cours des années 1990, il a été montré que l’aspirine modifie définitivement les sites sérine de la Cox, ce qui la rend non fonctionnelle pendant toute la durée de vie plaquettaire de huit jours environ. En revanche, l’action des autres anti-inflammatoires non stéroïdiens est réversible et liée à leur durée de vie. Ce qui bloque de manière transitoire l’entrée du site catalytique de l’enzyme [16].
Ainsi, l’action antiplaquettaire de ces anti-inflammatoires se limite à l’une des voies de la réponse cellulaire. Cette action abolit la réponse à l’acide arachidonique, inhibe la synthèse du TxA2 et la sécrétion d’ADP granulaire.Il est donc nécessaire d’éliminer la prise inopinée d’aspirine par le patient susceptible d’induire le profil de thrombopathie ou d’atteinte de l’hémostase primaire [16].
La liste des thrombopathies iatrogènes est évidemment non exhaustive. Elle comporte, entre autres, des antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), macromolécules qui, à forte dose, peuvent perturber le fonctionnement des récepteurs plaquettaires, et les inhibiteurs calciques, pouvant gêner la mobilisation calcique indispensable à la réponse plaquettaire [16]. On peut aussi mentionner certaines chimiothérapies, les anesthésiques, les antidépresseurs tricycliques, le dextran, les hypolémiants et l’alcool dans l’apparition d’une thrombopathie (tableau VI) [16, 29].
• Thrombopathies associées à une pathologie organique
D’authentiques pathologies peuvent donner lieu à des perturbations secondaires de la réponse plaquettaire (tableau VII) [16, 29].
o Hémopathies
Les troubles de la myélopoïèse dus à une atteinte centrale peuvent entraîner une dysmégacaryopoïèse productrice de plaquettes à la qualité et la morphologie anormales. Des troubles de la fonction plaquettaire peuvent survenir de nombreux mois avant la manifestation de l’hémopathie proprement dite [16].
56 o Insuffisance rénale chronique
L’allongement du TS ou du temps d’occlusion, due à une diathèse hémorragique, est couramment décrit dans ce cas. Ces perturbations de l’hémostase sont, entre autres, dues aux effets combinés de l’augmentation de l’urémie ou d’autres toxiques et de l’anémie. Une véritable thrombopathie peut être diagnostiquée, avec des anomalies de l’agrégation à divers inducteurs [33].
Tableau VI : Principaux médicaments altérant la fonction plaquettaire et pouvant exposer à un risque hémorragique accru [16]
Agents Mécanismes
Acide acétylsalicylique (aspirine) Inhibiteur irréversible de la cyclo-oxygénase Anti-inflammatoires non stéroïdien
(ibuprofène, diclofénac, indométacine, ect.)
Inhibiteur réversible de la cyclo-oxygénase
Dipyridamol, flavonoïdes
Inhibition de phosphodiestérases (augmentation du taux d’AMP cyclique intraplaquettaire)
Colchicine, vincristine Inhibition des microtubules du cytosquelette Ticlopidine, clopidogrel Inhibiteur irréversible des récepteurs de
l’ADP Antagoniste des GpIIb-IIIa (Abciximab,
eptifibatide, céphalosporines) Inhibiteur des sites de liaison du fibrinogène Antibiotiques (β-lactamines,
céphalosporines)
Interférence avec les récepteurs membranaires plaquettaires Inhibiteurs calciques (nifédipine,
vérapamil) Perturbation des mouvements calciques
Dextran (macromolécules de remplissage)
Interférence avec les récepteurs membranaires plaquettaires et de
l’interaction facteur Von Willebrand/ sous-endothélium
Antidépresseurs tricycliques
57 Tableau VII : Principales causes de thrombopathies acquises autres qu’iatrogènes [1]
Insuffisance rénale chronique Insuffisance hépatique chronique
Activation plaquettaire systématique
Circulation extracorporelle (CEC) Valvulopathie
Prothèse vasculaire
Thalassémies, drépanocytose
Dysimmunité Maladie auto-immune
Dysglobulinémie Hémopathies Myélodysplasies Lymphomes Syndromes myéloprolifératifs o Epuisement plaquettaire
Dans différents contextes, les plaquettes peuvent subir une activation minimale et sécréter, de ce fait, leur contenu granulaire pour circuler dans un état devenu réfractaire. L’agrégométrie montre une désagrégation anormale des plaquettes (pool vide) et une réponse considérablement réduite avec la majorité des agonistes, traduisant une désensibilisation des récepteurs [16].
o Thrombopathies immunes
Ce sont des maladies auto-immunes avec des auto-anticorps dirigés contre les glycoprotéines plaquettaires [29]. Cette liaison peut endommager le fonctionnement des récepteurs en réponse à divers inducteurs. L’étude de la fonction plaquettaire est alors perturbée lorsqu’elle est effectuée en plasma riche en plaquettes. Mais, après lavage des plaquettes, celle-ci répondent parfaitement aux agonistes testés montrant, de ce fait, la nature plasmatique de l’inhibiteur [16].
o Hépatopathies chroniques
Des troubles hémorragiques sont souvent rapportés dans ce contexte. L’atteinte de la lignée plaquettaire est quantitative et/ou qualitative. Divers mécanismes peuvent en être à l’origine comme un hypersplénisme avec séquestration des plaquettes, une atteinte immune avec une réduction de la durée de vie plaquettaire ou un déficit en thrombopoïétine avec dysmégacaryopoïèse [16].
58
c. Thrombopathies constitutionnelles
Ces pathologies seront développées dans le chapitre suivant.
d. Atteinte plaquettaire : thrombocytoses et thrombocytémies
La thrombocytose se définit comme l’augmentation secondaire de la numération plaquettaire au dessus de 500 G/L à plusieurs examens biologiques successifs. Quant à la thrombocytémie, elle désigne l’augmentation primitive de la production plaquettaire dans le cadre d’un syndrome myéloprolifératif [29].
5.3. Maladie von Willebrand constitutionnelle et déficits acquis en facteur von