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B- Contexte climatique

III. Les forçages climatiques naturels

3. Les paramètres de couplage atmosphère/océan

Dans l’hémisphère nord, le paramètre de couplage atmosphère/océan, responsable de la variabilité climatique régionale et interannuelle des circulations atmosphériques, est connu sous le terme d’Oscillation Nord Atlantique (NAO). Définie pour la première fois par Hurrell, en 1995, la NAO est une oscillation des masses atmosphériques situées entre l’Arctique et l’Atlantique subtropical. Son intensité est déterminée à partir d’un indice égal à la différence entre la pression mesurée au niveau de la mer à Stykkisholmur (Islande) et celle obtenue à Lisbonne (Portugal), lorsque le gradient de pression est le plus important, c’est-à-dire au cours des quatre mois d’hiver (Hurrell, 1995). Au niveau de l’Atlantique nord, la différence entre l’anticyclone des Açores (zone à forte pression) et la dépression islandaise (zone de basse pression) peut atteindre des valeurs supérieures à 15 mbar (Hurrell, 1995).

Quand la NAO en phase dite « positive », le gradient de pression au niveau de l’Atlantique nord est très important en raison du renfort de la dépression islandaise et de l’anticyclone des Açores. Au contraire, lors de phases dites « négatives » de la NAO, la dépression islandaise et l’anticyclone des Açores s’affaiblissent (Figure 6 ; Hurrell et al., 2001).

Les passages d’une phase de NAO à l’autre peuvent être responsables de nombreux changements climatiques (Hurrell et al., 2001)qui peuvent affecter :

 les circulations atmosphériques et plus particulièrement la vitesse et la direction moyenne des vents de surface de l’Atlantique nord (Schlesinger et Ramankutty, 1994). Par exemple, pendant les périodes à fort indice, les vents d’ouest à travers l’Europe sont 8 m/s plus forts que la normale, altérant ainsi les échanges de chaleur à la surface de l’océan (Hurrell, 1995) ;

 les circulations océaniques comme la dérive des eaux du courant d’Irminger vers le sud-ouest du Groenland (Schlesinger et Ramankutty, 1994) ou la circulation thermohaline (Hurrell et al., 2001) ;

 la couverture de glace de mer qui s’étend plus au sud de la mer du Labrador lorsque la NAO est en phase positive (Hurrell et Deser, 2010) ;

 la calotte groenlandaise qui se développe favorablement vers le nord lors des forts indices de NAO (Hurrell et Deser, 2010) ;

 les températures atmosphériques qui sont anti-corrélées avec la valeur de l’indice de la NAO,et cela, plus particulièrement au Groenland depuis la deuxième moitié de l’Holocène (Chylek et al., 2004; Aebly et al., 2008). De manière générale, en mode positif, les masses d’air sont plutôt froides et sèches au sud-ouest du Groenland dans la région de Kangerlussuaq (Walter et Graf, 2004) ;

 les précipitations qui augmentent en Europe du Nord et diminuent au Groenland lors d’une phase positive de la NAO (Lamb et Peppler, 1987 ; Hurrell, 1995). Au contraire, lors de phases négatives, les précipitations excèdent l’évaporation au niveau du Groenland et de l’Arctique canadien, provoquant des périodes plus humides que la normale (Hurrell et Deser, 2010). Plus particulièrement, la NAO a une influence

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majeure sur la variabilité les précipitations groenlandaises de mai à septembre (Aebly et al., 2008) ;

 les tempêtes qui deviennent plus intenses et fréquentes autour de l’Islande et Atlantique nord lors de phases positives de la NAO (Serreze et al., 1997). En phases négatives, les tempêtes proviennent d’avantage de la mer du Labrador (Walter et Graf, 2004) ;

 enfin, les changements de phases de NAO peuvent également affecter, à travers ses effets sur les vents, les océans, la glace, les températures atmosphériques et les précipitations, les écosystèmes marins et terrestres (Hurrell et Deser, 2010).

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De nombreuses reconstructions de la NAO au cours de l’Holocène sont disponibles et ont été réalisées à partir de carottes de glace (Hurrell, 1995 ; Appenzeller et al., 1998 ; Meeker et Mayewski, 2002), de cernes d’arbres (Cook et al., 2002 ; Trouet et al., 2009), de spéléothèmes (Trouet et al., 2009) et d’archives lacustres (Olsen et al., 2012). Cependant, il est toujours délicat de reconstruire les variations de la NAO sur le long terme car les calibrations réalisées sur le dernier siècle peuvent poser problème selon les proxys utilisés. En effet, ces derniers peuvent être affectés différemment par les activités anthropiques récentes selon leur position géographique et donc, biaisés (Cook et al., 2002). Beaucoup de tendances différentes de la NAO sont ainsi présentes dans la littérature et s’expliquent en partie par le type de proxys utilisés, leur distribution géographique et la surreprésentation des données sur les dernières années fortement impactées par les activités anthropiques (Versteegh, 2005). Déterminer avec précision les fréquences des changements d’indice de la NAO pour connaître les futurs impacts de la NAO sur le climat et sur les écosystèmes reste donc très difficile (Hurrell et Deser, 2010). Bien qu’Appenzeller et al. (1998) observent des fréquences de 15 ans et de 80-90 ans, qu’Hurrell et al. (2001) enregistrent une variabilité à l’échelle pluriannuelle et sur le plus long terme, et que Cook et al. (2002) mesurent une fréquence pluri-décennale au cours du XXème siècle, la NAO demeure aujourd’hui assez imprévisible.

D’autres paramètres de couplage atmosphère/océan peuvent être responsables de variations climatiques comme l’Oscillation Multi-décennale de l’Atlantique (AMO), mais à une échelle plus locale en l’Hémisphère Nord (HN).En modifiant les températures des eaux de surface (SST) de l’Atlantique nord, elle influence notamment le climat groenlandais en perturbant la migration du front polaire de la zone de convergence intertropicale ainsi que la couverture de glace de mer (Chylek et al., 2009 ; Knudsen et al., 2011). Des reconstitutions de l’AMO ont déjà été réalisées sur les carottes de glace (Fischer et Mieding, 2005), les cernes des arbres (Gray et al., 2004) et sur des coraux (Kilbourne et al., 2008) et ont démontré une périodicité de 60 à 90 ans sur l’Holocène ainsi qu’une influence des paramètres orbitaux. Malgré ces reconstructions et bien que l’AMO représente un facteur périodique persistant du climat, sa nature et son origine demeurent aujourd’hui inconnue.

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4. Le volcanisme

L’activité volcanique, en plus de l’activité solaire et des paramètres de couplage océan/atmosphère, est également un forçage climatique naturel majeur, particulièrement dans l’hémisphère nord (Bradley, 1990). Elle implique, sur de courtes périodes de temps (annuelles voire pluriannuelles), d’importantes variations des températures (de l’ordre d’1°C ou d’1 W/m2 ; Versteegh, 2005 ; Delaygue et Bard, 2010 ; Sigl et al., 2013). En effet, au cours d’une éruption volcanique, des sulfures sont injectés dans la stratosphère puis transformés en sulfates. La principale cause des perturbations climatiques observées associée à ce forçage est la formation de ces nuages d’aérosols sulfatés (Versteegh, 2005 ; Gao et al., 2008 ; Sigl et al., 2013). Pour tracer l’activité volcanique passée et ses impacts sur le climat, les archives glaciaires sont majoritairement utilisées pour y mesurer des concentrations en sulfates ou identifier des verres volcaniques (Abbott et Davies, 2012).

De manière générale, un refroidissement global de la troposphère est enregistré les années suivant une grande éruption, par dispersion des radiations solaires. À titre d’exemple, la phase éruptive majeure centrée autour de 1259 AD, d’origine inconnue, aurait relargué plus de 60 Tg de sulfates et serait en partie responsable du refroidissement majeur enregistré au PAG (Gao et al., 2008 ; Kobashi et al., 2012 ; Miller et al., 2012). D’autres éruptions volcaniques majeures ont également été enregistrées au cours du PAG comme celle du Kuwae en 1453 AD, du Laki en 1783 AD, du Tambora en 1815 AD et du Krakatau en 1883 AD, amplifiant les effets du refroidissement global observé (Zielinski et al., 1994 ; Gao et al., 2008 ; Guiot et al., 2010 ; Jungclaus et al., 2010 ; Servonnat et al., 2010 ; Kobashi et al., 2012 ; Miller et al., 2012 ; Sigl et al., 2013). Ce sont les éruptions répétées sur plusieurs décennies qui provoqueraient un refroidissement général sur une longue durée de temps (Versteegh, 2005 ; Jungclaus et al., 2010 ; Miller et al., 2012). À cause du faible temps de résidence des sulfates dans l’atmosphère, une seule et puissante éruption aurait des effets uniquement à court terme, c’est-à-dire sur une échelle de temps décennale à pluri-décennale (Servonnat et al., 2010 ; Miller et al., 2012). Le relargage d’aérosols sulfatés, en plus de devoir avoir lieu à une fréquence décennale pour avoir des effets à long terme sur le climat, doit être renforcé par des forçages externes pour observer des refroidissements à une échelle pluri-centennale. Par exemple, un volcanisme explosif répété à un moment où la configuration orbitale de la terre montre une faible insolation estivale dans l’hémisphère nord, peut engendrer la réduction de la saison végétative et le développement de la glace de mer, maintenant à son tour de faibles températures estivales sur plusieurs siècles, alors que les aérosols sulfatés sont déjà remobilisés de l’atmosphère (Overpeck et al., 1997 ; Miller et al., 2012).

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