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Impact of Holocene climate variability on South Greenlandic lacustrine records and human settlements

F- Discussion générale

I. Les interactions Homme/Environnement au Groenland 1 Identification des grandes d’occupations humaines

2. Impacts de l’Homme sur les environnements groenlandais a) À la période médiévale

Au sud du Groenland, les biomarqueurs moléculaires fécaux, et plus particulièrement les acides biliaires, ont permis de cibler et de mieux définir les pratiques agropastorales passées et actuelles. Il a donc été possible d’identifier à haute résolution les réponses écosystémiques associées à ces pratiques : modifications du couvert végétal, déstabilisation des sols, ou encore perturbations de la biomasse lacustre. Pour cela, une étude, combinant des données préalablement acquises comme la palynologie (Gauthier et al., 2010), le taux d'érosion (Massa et al., 2012), les assemblages de diatomées(Perren et al., 2012) et des données moléculaires inédites, ciblant des biomarqueurs de végétation, d’érosion des sols et de changements d’état trophique des eaux du lac, a été réalisée sur la séquence lacustre du lac d’Igaliku.

Au cours de la période médiévale, le ratio n-C29/n-C31 n-alcanes ainsi que les acétates de triterpényles couplés aux données palynologiques (Gauthier et al., 2010) ont mis en évidence une nette réduction du couvert arbustif. Seules les données sédimentaires ont révélé une légère augmentation du taux d’érosion des sols autour d’Igaliku (Massa et al., 2012), cette dernière n’étant pas suffisamment intense pour être enregistrée par les triméthy-tetrahydrochrysènes (TTHCs). À l’échelle d’autres bassins versants comme celui de Qallimiut et de Little Kangerluluup, un maximum d’occurrence de crues est enregistré à cette période, témoin non pas d’une période climatique particulièrement plus humide, mais d’une remobilisation de sols plus importante, suite à la mise en place de pratiques agropastorales dans ces bassins versants. De plus, certains de ces niveaux de crues ont une épaisseur légèrement plus importante que celles qui ont pu être enregistrées sur les 5000 dernières années au cours d’épisodes climatiques plus humides, attestant d’une déstabilisation des sols plus forte à cette période. A l’échelle de plusieurs bassins versants, une légère augmentation de l’érosion, associée aux pratiques agropastorales vikings, a donc été identifiée. Aucune érosion drastique n’a cependant été enregistrée, allant à l’encontre des hypothèses établies par Dugmore et al. (2005) et Mainland (2006) qui attestaient d’une déstabilisation majeure des sols liée aux pratiques agropastorales vikings, précipitant l’abandon de la colonie groenlandaise.

T. Guillemot (2015) Réponses sédimentaires et moléculaires des remplissages lacustres groenlandais aux changements climatiques Holocène et à l’évolution des pratiques agropastorales 162

L’absence de pratiques agropastorales au cours du PAG a permis d’observer sur environ cinq siècles la réponse des écosystèmes sur le long terme suite à une première phase agropastorale. En ne considérant pas les espèces végétales introduites par les Vikings et qui sont aujourd’hui toujours présentes dans les paysages groenlandais, comme l’oseille (Schofield et al., 2013), un retour rapide vers des conditions anté-colonisations est observé (dès ca. 1450 AD), concernant le couvert arbustif et le taux d’érosion. Par contre, les flux de DOC anté-colonisation viking sont divisés par deux par rapport aux valeurs post-colonisation, attestant d’une réduction majeure des herbivores sauvages présents autour d’Igaliku. Cependant, il n’est actuellement pas possible de savoir s’il s’agit d’un impact lié aux activités anthropiques médiévales ou à une perturbation d’ordre climatique. En effet, si la réduction d’herbivores sauvages est le résultat d’une cause anthropique (liée à la chasse notamment), elle peut être masquée par la production fécale des ovins introduits en grand nombre autour du lac et produisant le même acide biliaire. Au contraire, si la réduction des herbivores sauvages est plutôt liée à une perturbation climatique comme l’entrée dans le PAG, générant une difficulté d’accès aux ressources alimentaires, ces herbivores ont potentiellement migré et/ou ont progressivement disparus de manière synchrone aux cheptels domestiques, empêchant toute distinction entre les signaux domestiques et sauvages.

b) À la période actuelle

Sur le dernier siècle, les pratiques agropastorales mécanisées au sud du Groenland comme le labour, ont engendré des impacts beaucoup plus nombreux et intenses sur les écosystèmes. Autour du lac d’Igaliku, une érosion drastique des sols a notamment été mise en évidence par une augmentation majeure des flux de Ti et de TTHCs, suite à la création de parcelles de fourrage par labour mécanisé dans les années 1980 (Massa et al., 2012). Limiter l’érosion des sols déjà peu épais et fertiles est aujourd’hui un challenge majeur pour le développement du système agraire groenlandais. Pour assurer un rendement suffisant des parcelles, cette érosion doit être contrôlée et surtout limitée. Ainsi, un simple griffage en surface remplace les labours annuels communément appliqués en Europe.

À l’échelle des bassins versants de Qallimiut et Little Kangerluluup, quelques niveaux de crues ont été identifiés dans les séquences sédimentaires entre les années 1920 et 1930. Ces évènements à forte épaisseur ne peuvent pas s’expliquer ici par une remobilisation plus importante des sols liée à des pratiques agropastorales. En effet, à Little Kangerluluup, aucune occupation récente n’est recensée et à Qallimiut, la création des cultures par labours mécanisés, engendrant une forte déstabilisation des sols, se sont mises en place plus tard, autour des années 1980 comme à Igaliku, en réponse à la nouvelle réforme agraire de 1982 (Austrheim et al., 2008). Ces évènements de crues sont donc liés à des épisodes climatiques plus humides, remobilisant par érosion les sols des bassins versants.

Discussion générale 163

L’augmentation majeure du taux d’érosion des sols n’est pas le seul impact récent observé. Une réduction du couvert arbustif est également enregistrée autour d’Igaliku par une diminution des pollens d’arbres et arbustes, associée à une réduction du ratio n-C29/n-C31 n-alcanes et à une augmentation des acétates de triterpényles, biomarqueurs d’ouverture du milieu. De plus, une augmentation des chaînes courtes d’n-alcanes, produites par des micro-organismes aquatiques, associée à une concentration croissante en diatomées mésotrophes ont révélé un changement d’état trophique des eaux du lac, potentiellement lié à une utilisation trop intensive de fertilisants azotés pour assurer le rendement des parcelles de fourrage (Perren et al., 2012). Pas entièrement assimilés par les sols, l’azote est transporté sous forme soluble jusqu’au lac puis utilisé par la biomasse lacustre comme nutriment. Comme il s’agit d’un nutriment naturellement limitant dans les lacs subarctiques (Olsen et al., 2013), le moindre apport d’azote booste la productivité de ces micro-organismes entrainant des répercussions sur l’écologie générale du lac à travers l’altération des potentiels biogéniques et la fonctionnalité des réseaux trophiques (Belle et al., in prep).