TERRITORIAUX,
153
INTRODUCTION
Après avoir cherché à comprendre comment le pôle de compétitivité se structure et s'emboîte
dans son environnement pour être opérationnel, cette seconde partie cherche à identifier le
dynamisme majeur à l’origine de l’évolution du pôle, afin d’analyser pourquoi cette fleur
schématisée ci-dessous croît-elle plus qu’une autre. D’après ce schéma officiel, le pôle croît
plus ou moins en fonction de ses « racines » : talents, idées, financements ; racines qui se
nourrissent « des territoires » : terreau industriel, infrastructure, campus, plateforme
colloborative.
Figure 28 : Le pôle de compétitivité et son environnement
Source : L’auteur
Sphère économique Liens d’interrelations externes au PdC Sphère politique Liens d’interrelations externes au PdCEnvironnement Sphère socio-territoriale Liens d’interrelations externes au PdC Ecosystème du PdC Interactions internes
154
Analysons premièrement les « racines » : Les termes « talents » et « idées » se synthétisent
par l’innovation qui prend forme grâce aux financements. A ce titre la politique des pôles de
compétitivité a intégré ce volet puisque les pôles assurent la recherche de financement pour
les projets innovants avec des organismes attribués comme OSEO, le FUI…, et ce malgré la
participation accessoire des business angels et capital-risqueurs. Des démarches sont mises en
place pour attirer les investisseurs individuels notamment avec l’association « France
Angels », Fédération française des réseaux de business angels, créée en 2001 avec comme
objectif de passer de 10 000 business angels en 2009 à 20 000 en 2012.
En ce qui concerne « les territoires », la politique industrielle s’appuie sur le terreau industriel
étant donné que les pôles de compétitivité sont effectivement dans des secteurs d’activité en
relation avec la spécificité des entreprises locales. C’est notamment le cas du pôle de
compétitivité Filière équine qui se situe en Basse-Normandie, territoire leader en ce domaine
et illustré aux yeux du grand public par l’hippodrome de Deauville. Quant aux infrastructures,
comme les plateformes collaboratives, la plupart des pôles travaillent actuellement sur ces
projets pour être financés par le grand emprunt 2010 comme cela est envisagé pour Alsace
BioValley ou encore Axelera. Il en est de même pour le financement de campus
d’excellence
169qui se concrétisera également suite à la sélection de dix appels à projets pour
l’obtention d’un financement du grand emprunt.
Dans notre étude nous cherchons à expliquer le dynamisme issu de ces trois sphères politique,
économique et socio-territoriale, afin de comprendre pourquoi certains pôles évoluent mieux
que d’autres.
Le schéma de la fleur qui rend compte des interdépendances, entre ces trois sphères, autorise
des stratégies particulières par pôle. Par exemple la cohérence institutionnelle n’est pas visible
dans les composants du pôle, le projet campus effectivement est vecteur d’attractivité de la
région et de dynamisme pour le pôle. L’objectif est alors d’avoir un projet campus par ville et
par secteur d’activité, cela sous-entend le regroupement des pôles de compétitivité par
agglométation et par secteur afin de proposer un éventail hétéroclite de champs d’application.
169
« L’opération campus » lancée par Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur, est un plan de
grande ampleur en faveur de l’immobilier universitaire représentant un investissement de plus de cinq milliards
d’euros pour l’immobilier universitaire de dix campus d’excellence qui vont bénéficier de moyens accrus pour
une visibilité internationale. Il s’agit de faire émerger des campus d’excellence qui seront la vitrine de la France
et renforceront l’attractivité et le rayonnement de l’université française. Disponible sur :
155
Cependant certaines agglomérations ont proposé plusieurs projets campus d’excellence ce qui
souligne un manque de consensus et de coopération, entre les pôles du même secteur
d’activité dans la plupart des cas, posant à l’avenir des difficultés en termes de visibilité
internationale et des tensions auprès des institutions locales avec des risques de doublon et
autres.
En somme les pôles de compétitivité allègent les coûts de transactions des entreprises, des
centres de recherche et des acteurs publics. La performance d’un pôle dans ce domaine est
issue de la capacité intrapôle, et propre à chacun d’entre eux, à parvenir à leurs objectifs tout
en évoluant dans l’environnement des pôles de compétitivité qui conjuguent des enjeux
économiques (viabilité financière du pôle), sociaux (augmentation du taux d’emploi régional
et national) et politiques (à savoir respecter les conditions posées par la politique pour
l’obtention de subventions…).
Il nous faut déterminer les critères qui contribuent à la composition de l’avantage comparatif
du pôle face à la concurrence, indépendamment de la politique top-down française des pôles
de compétitivité. Nous procèderons à une identification des dynamiques en oeuvre qui, par
définition, sont le fruit d'interactions susceptibles de laisser transparaître le facteur de
dynamisme à l’origine de la croissance et de la visibilité nationale et/ou internationale du pôle
de compétivité. L’enjeu est de mettre en exergue l’influence des origines (à l’image de
l’industrialisation endogène) du pôle sur son dynamisme et son évolution.
De plus, la réalisation de ce schéma repose également sur les travaux de l’Ecole Nordique de
l’Innovation et de l’Apprentissage (B. Lundvall & B. Johnson, 1994
170; A. Malmberg & P.
Maskell, 1997
171) où il est mis en évidence les concepts d’économie apprenante (B. Lundvall
& B. Johnson, 1994 ; B. Lundvall & S. Borras, 1997
172), de région innovante (B.T. Asheim,
1997
173, A. Malmberg & P. Maskell, 1997), et de système national d’innovation (C. Freeman,
170
Lundvall B. et Johnson B., 1994, « The learning Economy », Journal of Industry Studies, Vol. 1, p.p. 23-41
171
Malmberg A. et Maskell P., 1997, « Towards and Explanation of Regional Specialization
and Industry Agglomeration », European Planning Studies, Vol. 5, p.p. 25-42.
172
Lundvall B. et Borras S., 1997, The globalising learning economy: implications forinnovation policy, Rapport
pour la DG XII, Commission Européenne.
173
Asheim B.T., 1997, « Learning Regions in a Globalised World Economy : Toward a New Competitive
Advantage of Industrial Districts? », in Conti S. et Taylor M. (Eds), Interdependent and Uneven Development :
156
1984
174; B. Lundvall, 1992
175). L’intérêt majeur de ces travaux est que la production
scientifique et technologique ainsi que le transfert de technologies et de connaissances sont
analysés à travers différents niveaux de territoire pertinents : systèmes national, régional,
sectoriel ou technologique… Progressivement, plusieurs auteurs font référence à la notion de
Système Régional d’Innovation SRI dont notamment P. Cooke (2001
176). Les SRI s’inspirent
à la fois des districts (A. Marshall, 1890), des clusters (M. Porter, 1998), des milieux
innovateurs (O. Crevoisier, 2001
177; D. Maillat et L. Kebir, 1999
178) ainsi que des concepts
territoriaux tout en s’insérant dans le cadre théorique de l’économie de la connaissance et des
systèmes d’innovation. De plus, cette approche est également fondée sur les théories
évolutionnistes du changement technique et plus précisément sur la littérature ayant trait au
système d’innovation qui conceptualise l’innovation comme un processus social évolutif (C.
Edquist, 1997
179) où différents acteurs et différents facteurs à la fois internes et externes à
l’entreprise influencent et stimulent l’innovation. A ce titre M. Polanyi (1967) insiste sur la
concentration géographique des agents innovateurs pour transmettre la connaissance et plus
particulièrement la dimension tacite liée à cette dernière. R.A. Boschma (2005)
180souligne
par ailleurs l’enjeu de la proximité entre les acteurs qui facilite leurs interactions et les
apprennent à innover toujours et encore. Un système régional d’innovation SRI se caractérise
alors par un ensemble d’acteurs et d’institutions locales qui interagissent pour créer de
nouvelles connaissances et innovations dans les régions (R. Levy, 2005
181). Dans le
prolongement des travaux de l’école nordique de l’innovation et de l’apprentissage, R. Florida
(1995) introduit le concept de « learning region » en partant du constat selon lequel les
régions deviennent des points focaux dans une société fondée sur la connaissance. Il construit
sa théorie d’après la notion d’économie apprenante proposée par B. Lundvall, qui place
l’apprentissage par interaction au cœur de l’économie pour le succès des entreprises et des
économies régionales et nationales. Une région apprenante est par conséquent une région dans
174
Freeman C., 1984, The Economics of Industrial Innovation, London, UK Pinter.
175
Lundvall B.,1992, National Systems of Innovation : Toward a Theory of Innovation and
Interactive Learning, London, Pinter.
176
Cooke P., 2001, « Regional innovation systems, clusters, and the knowledge economy »,
Industrialand Corporate Change, Vol. 10, N°4, p. 945-974.
177
Crevoisier O., 2001, « L’approche par les milieux innovateurs : état des lieux et
perspectives », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, Vol. 1, p. 155-166.
178
Maillat D. et Kebir L., 1999, « Learning Region et systèmes territoriaux de production »,
Revue d’Economie Régionale et Urbaine, Vol. 3, p. 429-448.
179
Edquist, C., 1997, Systems of Innovation: Technologies, Institutions and Organizations,London:
Pinter/Cassell
180
Boschma R.A., 2005, « Proximity and innovation : a critical assessment », Regional Studies, Vol. 39, N°1, p.
61-74.
181
Levy R. (2005), « La place de la recherche universitaire dans les systèmes d’innovation : une approche
157
laquelle la capacité d’apprentissage des parties prenantes est essentielle. D. Maillat et L. Kebir
la définissent comme « une région dynamique et évolutive. Elle est dynamique parce que
chaque acteur, que ce soit à titre individuel, dans le cadre de la firme, des institutions ou du
réseau, est en interaction permanente avec son environnement (direct ou indirect). Elle est
évolutive parce que chaque acteur qui en fait partie est un apprenti « en situation
d’expérience » »
182. Un climat, une culture créative favorable à la création de connaissance est
alors à l’origine de l’atmosphère industrielle d’A. Marshall.
Parallèlement nous sommes en mesure d’assimiler le pôle de compétitivité à la région
apprenante au sens où il est « arrimé à des territoires » (B. Pecqueur, 2008)
183et fédère les
connaissances, de chaque acteurs locaux, propices à l’innovation. Dès lors, le pôle de
compétitivité est dynamique et évolutif :
- Dynamique de par son interaction permanente avec son environnement direct que nous
qualifions par son écosystème, schématisé sous la forme triangulaire aux linéaments
définis par les entreprises, les centres de formations et les unités de recherche
publiques ou privées (S. Carel, 2005) et ; indirect représenté par les sphères politique,
économique et socio-territoriale.
- Evolutif car il se doit d’être toujours à l’aune des avancées scientifiques et donc en
situation perpétuelle d’apprentissage.
D’où l’objectif de notre deuxième partie qui consiste à définir le facteur à la source de son
dynamisme d’évolution par rapport à son environnement politique, économique et
socio-territorial.
182
Maillat D. et Kebir L., 1999, « Learning Region et systèmes territoriaux de production »,
Revue d’Economie Régionale et Urbaine, Vol. 3, p.p. 429-448
159
Dans le document
Le dynamisme d’évolution des pôles de compétitivité territoriaux.
(Page 153-161)