Les échanges d’information et de connaissance dans les pôles de compétitivité reposent sur le
capital humain, capital à rendement croissant, clé de l’innovation (P. Cuneo, 2007)
133. Chaque
acteur se sentant impliqué au pôle va participer au dynamisme de celui-ci. Pour que ce
dynamisme soit facilité, les acteurs doivent avoir à leur disposition l’information nécessaire
pour réagir face au marché et innover. Ainsi coopétition et mutualisation sont les processus
que le pôle doit concilier pour réaliser ses objectifs. L’espace vécu des acteurs est composé de
133
Cuneo P., 2007, « Table ronde d’ouverture « l’innovation et l’anticipation des mutations économiques et
sociales : perspectives européennes » ». In « innovation et anticipation des mutations économiques et
sociales », Séminaire organisé par la commission européenne, la Diact et DGEFP, Bordeaux, Octobre. In
Bouchet Y., Bertacchini Y., Noel L., 2008, « Construire la confiance dans les échanges numériques, le cas dans
un pôle de compétitivité », International Journal of Information Sciences for Decision Making, N° 34, 3
ème109
jeux d’alliance, de coopération, de concurrence, et la mutualisation des connaissances est
favorisée ou non, tout dépend des interrelations entre ces derniers.
3.1 : La coopération en milieu concurrentiel
Le pôle de compétitivité, structure organisationnelle nouvelle (regroupant institutionnels,
entreprises et académiques) est créé dans un contexte d’enboitement, de proximité, de
complémentarité, de réciprocité, de partenariat, d’alliance, de fusion si ce n’est de
concurrence, de sous-traitance, co-traitance, du rassemblement d’acteurs à priorités
divergentes du moins sur le court terme (par exemple laboratoire de recherche fondamentale
et entreprise réactive basée sur la recherche appliquée). Dans les pôles de compétitivité cette
diversité d’acteurs et de relations inter-organisations est nécessaire pour répondre aux critères
d’innovation, la dimension du « cœur de compétence » demeurant trop faible pour élaborer
individuellement des projets et des procédés compétitifs à l’échelle mondiale. Les pôles étant
spécialisés dans des « niches » de rentabilité, accessibles par l’innovation, s’inscrivent dans
des stratégies de « différenciation » et de « concentration » (M. Porter, 1990) certes, mais
également, dans l’acceptation même de cluster, dans une stratégie de « coopération
compétitive », autrement dit de « coopétition », qui se base sur le postulat selon lequel les
avantages recherchés au sein du cluster sont complémentaires aux objectifs poursuivis par les
entreprises de ce dernier (puisque le choix de participer à un cluster dépend des priorités que
l’entreprise souhaite mettre en avant et des ressources dont elle ne dispose pas ou peu, mais
qui sont disponibles à proximité sans menace concurrentielle immédiate).
De surcroît, le cluster, par la proximité qu’il permet à ses membres, possède un avantage
concurrentiel déterminant car il développe et intensifie les interactions entre quatre facteurs
complémentaires constitutifs de l’avantage compétitif régional, synthétisé par le
« diamant »
134de M. Porter
135dont les déterminants de la compétitivité sont quatre forces
interactives à savoir :
- « Firms » : sociétés impliquées dans la réalisation des produits et services identifiant le
cluster,
- « Related » : sociétés qui fournissent d’autres produits et services, mais à une clientèle
similaire et qui peuvent donc interagir tant avec le client qu’avec les « firms » du cluster.
134
A l’origine, M. Porter a schématisé un diagramme en forme de losange. « Losange » en anglais se traduit par
«diamond », se qui fut retranscrit en français par l’usage du terme « diamant ».
110
- « Factors » : sont les éléments de l’environnement structurel (institutions, infrastructures,
universités, supports,…)
- « Demand » : les demandes spécifiques dont les activités permettent à la fois la
spécialisation et la croissance externe.
Figure 20 : Le « diamant » de M. Porter
Source : Etude réalisée pour le compte du Conseil Régional d’Ile-de-France, 2006, « Clusters mondiaux, regards
croisés sur la théorie et la réalité des clusters », IAURIF Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région
Ile-de-France, Janvier 2006,
Disponible sur http://www.iau-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_444/ClustersMondiaux.pdf
Les interactions entre les membres du cluster et les liens entre ces entreprises et l’industrie
régionale sont indispensables pour créer un avantage comparatif à la région sur les marchés
mondiaux. Le cluster repose sur des interactions, comme le montre le « diamant » de Porter
ci-dessus, entre la structure de l’industrie, les industries connexes et de soutien, la demande et
la présence de facteurs structurels (matières premières, éducation, structures de transport,
instituts de recherche…).
111
Par ce modèle du « Diamant », il insiste sur la compétitivité de l’entreprise qui dépend de
l’aptitude de l’entreprise en question, de ses relations en amont et en aval, de l’environnement
structurel ainsi que d’une spécificité qui va démarquer l’entreprise de ses concurrents. Or le
pôle de compétitivité a ces mêmes objectifs à une différence près, celle de l’intégration du
territoire.
3.2 :La mutualisation des connaissances
La coopétitivité vue précedémment se fonde sur la coopération et donc sur la mutualisation
des connaissances. La difficulté réside dans le fait qu’il ne suffit pas d’avoir l’information
disponible, il faut pouvoir la transformer en connaissance afin de créer l’innovation. Le pôle
de compétitivité requiert divers avantages dont celui qui consiste au partage de l’information
ainsi qu’à son traitement. Plus le degré de mutualisation (intervention de plusieurs groupes
dans un même combinatoire) est élevé plus l’ « alchimie » du pôle opère. J.-B.Zimmermann
(1998) met en évidence cette caractéristique au sein des firmes. Pour que la mutualisation
donne des résultats significatifs, tout dépend de l’appréciation du degré d’irréversibilité et/ou
d’inertie de chacune de ces différentes combinatoires. « Ce qui prime pour une grande firme,
c’est la gestion flexible des gisements de compétences, son organisation lui permettant de
combiner ancrage territorial et point d’appui pour la globalisation, de jouer successivement
ou simultanément soit la carte de l’activation des synergies internes localisées et/ou des
continuums territorialisés de compétences, soit celle de leur mise en concurrence sélective
selon des critères avantages coûts, et ce au niveau mondial. »
136. Un rapprochement, en ce
sens de dynamique des combinatoires et d’activation des synergies internes localisées et/ou
des continuums territorialisés de compétences, peut alors être fait entre une grande firme au
sens de J.-B.Zimmermann et un pôle de compétitivité. Ainsi le pôle de compétitivité renvoie
à la notion de gestion de l’organisation, à des préoccupations fonctionnelles mais il est
également indispensable de tenir compte du « degré d’irréversibilité et/ou d’inertie » des
relations entre les entreprises du pôle pour créer la dynamique de cluster indispensable à la
performance de ce dernier.
136
Zimmermann J.-B., « Nomadisme et ancrage territorial des activités industriels et technologiques », p.p. 99.
In Loinger G., Nemery J.-C., 1998, « Recomposition et développement des territoires, enjeux économiques,
112
L’ancrage territorial est donc plus fort car c’est structurellement que la zone doit permettre de
favoriser l’innovation. L’implantation sur un territoire se fera, pour reprendre la formule de
J.-B. Zimmermann, que s’il existe et que peuvent être mises en œuvre des « rencontres
productives ». Par cette formule, il faut comprendre « la capacité à résoudre des problèmes
productifs par le biais de coopérations et d’apprentissages collectifs, la capacité à susciter et
résoudre des problèmes productifs inédits ». Dans cette même lignée, P. Veltz
137précise que
la performance économique résulte de plus en plus de la densité et de la qualité des
coopérations qui se tissent au sein des firmes, et aussi entre les firmes. Ainsi, P. Veltz montre
que l’économie est devenue plus relationnelle car favorisée par les concentrations de firmes
qui créent de la performance économique. La mutualisation des connaissances, avec les pôles
de compétitivité comme outil, est donc cruciale à l’heure de l’économie du savoir (depuis les
années 90) caractérisée par :
- l’avènement des TIC et de la Netéconomie,
- l’augmentation des activités immatérielles,
- la concurrence des territoires (décentralisation, phénomène de glocalisation)
Au regard de ce nouveau contexte, l’économie a évolué : la matière première clef devient
l’information à l’image d’une économie immatérielle, et des trois facteurs de production
traditionnels (travail
138, capital et ressource naturelle), le savoir s’impose en quatrième facteur
de production. L’innovation est alors favorisée dans cette économie du savoir et les pôles de
compétitivité sont un outil qui se sert à la fois de l’information, des quatre facteurs de
production (travail qualifié, activité à forte activité capitalistique, ancrage territorial,
mutualisation des connaissances pour créer un savoir propre au pôle) et qui fait appel aux
institutions nationales et territoriales, afin d’être compétitif localement et voire
mondialement.
137
Veltz P., 1996, Mondialisation, villes et territoires, Presses Universitaires de France, Paris.
113
Conclusion
Après s'être assimilé à un territoire, à un espace lieu vécu historique, le pôle construit sa
propre identité, ses propres règles communes à ses acteurs sociaux référents. L’objectif est de
faire du pôle un point de rencontre entre son écosystème et la sphère socio-territoriale afin que
chacun des agents économiques locaux se sentent intégrés à cet espace lieu que constitue le
pôle, se l’approprient, et créent le dynamisme source de l’évolution du pôle.
Le pôle de compétitivité étant un espace vécu, une dynamique de jeux se construit
progressivement, évolue selon ses objectifs et ce, en fonction de la vie de ses acteurs ponctuée
par la coopétition et la mutualisation des connaissances.
Cependant, indépendamment de l'organisation administrée, de la volonté de ses acteurs
sociaux et de la dynamique qu'ils sont prêts à exercer, le pôle a des enjeux économiques
existanciels.
115
Dans le document
Le dynamisme d’évolution des pôles de compétitivité territoriaux.
(Page 110-117)