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LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE AGRICOLE

1. Le programme d’ajustement structurel agricole (PASA) : 1.1. Nature du PASA :

Le programme d’ajustement sectoriel, engagé dans l’agriculture en 1985, poursuit naturellement les objectifs généraux de la politique d’ajustement dans son ensemble : libéralisation des structures de production et d’échange pour en développer l’ouverture sur l’économie mondiale et y adapter l’allocation des ressources à la logique du marché. Il se distingue cependant par l’accent mis sur l’amélioration de l’affectation des ressources, l’encouragement à l’augmentation de la productivité agricole, la simplification de l’emploi des ressources publics et l’atténuation des charges de l’Etat (N. Akesbi, S. Tohyer, ?).

Selon les mêmes auteurs, ce programme s’articule autour d’un axe majeur : le désengagement de l’Etat. Il comprend notamment :

o La cession au secteur privé d’une partie des terres et du cheptel relevant jusque-là du patrimoine de l’Etat ;

o La redéfinition du rôle des organismes publics d’intervention et la soumission de leur gestion aux impératifs du marché ainsi qu’aux critères de performance qui en procèdent ;

o L’élimination des obstacles aux échanges intérieurs et extérieurs, notamment des monopoles, quotas et autres réglementations restrictives de la commercialisation des produits agricoles ;

o La suppression des subventions de l’Etat aux facteurs de production et l’affirmation d’une politique de « vérité de prix » à la production et à la consommation ;

o Le reforme du crédit agricole afin de libéraliser les modalités, en rationaliser l’utilisation et en ajuster le prix…

1.2. Les principales réalisations de l'ajustement agricole :

Les principales réalisations du PASA ont porté sur la commercialisation de la production et des intrants agricoles, le prix de l'eau d'irrigation et les dépenses publiques. En effet, L'État s'est déjà significativement désengagé d'activités jugées à caractère commercial ou en tout cas devant être cédées au secteur privé. C'est notamment le cas du commerce des engrais et des services vétérinaires. Dans les périmètres irrigués, les Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole se sont désengagés de toutes les prestations de services et des opérations à caractère commercial qu'ils assuraient auparavant, et le cas échéant, il leur est permis de les facturer au prix du marché21. Le commerce du blé dur, de l'orge, du Maïs ainsi que de la pulpe sèche de betterave et le son, sont tout libéralisés. Les interventions de l'Etat se limitent désormais aux filières du blé tendre et des cultures sucrières.

21 : N. Akesbi,"La politique d'ajustement structurel dans l'agriculture au Maroc risques et périls du désengagement de l'Etat", Mai 1995.

Les subventions des prix ont été fortement réduites, et même éliminées pour les semences de blé dur22. Des efforts ont aussi déployés en vue de rationaliser l’affectation des investissements publics.

La mise en place du fonds de développement agricole (FDA) a permis de rationaliser et d’homogénéiser les incitations aux investissements privés agricoles. Pour l'eau d'irrigation, La facturation dans les ORMVA s'est rapprochée progressivement de son prix de revient.

1.3. Présentation du contenu des deux programmes d’amélioration de la grande irrigation PAGI 1 et PAGI 2 :

Le premier diagnostic général de l'agriculture irriguée, fait par un expert de la banque mondiale, a fait ressortir plusieurs points23:

* Fortement soutenus par l'Etat, les périmètres d'irrigation marocains connaissent d'importants problèmes de gestion, qui se traduisent par un taux d'intensification insuffisant;

* L'investissement à l'hectare est jugé excessif;

* Le faible taux de couverture des charges d'irrigation dû à la fois à un prix de l'eau trop faible et à un recouvrement insuffisant. Résultat, gaspillage de l'eau par les producteurs et déficit chronique des offices, qui ne récupèrent que 30 à 75% des coûts d'opération de maintenance;

* Les offices ont des activités trop dispersées: au lieu de se concentrer sur leur mission centrale, qui est de fournir l'eau et de gérer le réseau, ils s'occupent de multiples tâches comme la mécanisation, le crédit, la livraison des intrants.

Au terme de ce diagnostic sommaire, l'expert de la banque préconisait déjà une série de remèdes que l'on retrouve aujourd'hui.

* La priorité de développer et de rationaliser le potentiel existant plutôt que d'étendre trop vite les superficies irrigables;

* Instaurer une taxe foncière sur les terres irrigables pour décourager les absentéistes de sorte à ce qu'ils intensifient ou à ce qu'ils cèdent;

* Encourager les cultures rentables et peu consommatrices d'eau; * Sélectionner les projets qui sont moins coûteux;

22 : T.Elkhyari. « L’agriculture au Maroc, 1985 ».

* Donner une autonomie financière aux offices, et par suite cesser définitivement de financer leur déficit par le budget de l'Etat.

Ces mesures proposées ont constitué l'esquisse du PAGI I.

1.4. Les réformes du secteur irrigué préconisé par le PAGI 1 :

Les réformes préconisées par la PAGI1, figure une révision des assolements qualifiés de rigides en vue de les assouplir pour mieux répondre aux besoins des agriculteurs et aux impératifs du marché, et la fixation d'un prix de l'eau proche du coût réel et par le transfert vers le secteur privé ou coopératif des autres activités qui nuisent à leur équilibre financier afin d’améliorer l'autonomie financière des ORMVA.

Pour ce qui est des prix incitatifs, la PAGI1 n’annonce pas des révisions déchirantes des prix au producteur. Mais, il faut souligner sa précision à la nécessité du recours à d'autres formes d'incitation et réformes telles que les facilités d'accès au crédit, et la participation des agriculteurs dans les négociations Etat-Agriculteurs pour prendre en considération leurs intérêts.

II est à remarquer que dans les priorités préconisées, les taxes foncières ne sont pas retenues par le PAGI1. Ce n'est pas un oubli23.

1.4.1. Les procédures de choix des assolements

Pour chacun des offices, des assolements ont été définis par arrêté ministériel, sur proposition des comités locaux de mise en valeur et en fonction des données climatiques et pédologiques, et sans tenir compte des préférences des agriculteurs. Ainsi le PAGI 1 conseille plus de souplesse dans les plans d'assolement car les agriculteurs découvriront les cultures qui leur sont plus profitables et qui sont les mieux adaptées à leurs régions.

1.4.2. La question du prix de l'eau

L'introduction d'une gestion d'entreprise et le désengagement des activités marginales devraient tel que recommandé par le PAGI1 contribuer au redressement financier des ORMVA. Cependant, force est de constater que la recommandation centrale du PAGI1 pour atteindre cette fin est de faire payer l'eau. En effet, si les tarifs de base couvrent déjà la totalité des coûts d'exploitation, il a été envisagé d'augmenter le recouvrement des taxes à 90 %24 en 5 ans.

24 : cité par, S.H. FAHIM « Etat de la mise en valeur agricole dans la Tassaout Amont : Cas du secteur OULED NACEUR »Mém. 3 ème cycle. IAV Hassan II. déc.1995.

1.4.3. Les réformes de financements apportés par le PAGI 2 :

Le désengagement de l'Etat n'a de sens que si les producteurs sont eux même capables d'investir davantage. D'où le projet national de crédit agricole inscrit dans le PAGI 2, qui fait l'objet d'un prêt de la Banque Mondiale de 190 millions de dollars Américains sur vingt ans. La raison en est simple: La capacité d'épargne et d'endettement de la majorité des agriculteurs marocains est très faible, compte tenu de leur pauvreté et de l'accès au crédit agricole qui demeure faible même pour les emprunteurs potentiels (30 % en 1987)25. D'autres facteurs font obstacle à l'accès au crédit agricole, c'est le cas en particulier des structures foncières (microfundisme) et absence de titres de priorité sur les terres collectives). Cela fait ressortir que le problème majeur réside dans la formule d'accès au crédit agricole. Le PAGI 2 recommande en conséquence, de développer les outils de financement de l'agriculture avec une certaine volonté de privilégier les prêts d'investissement aux petits agriculteurs.

2. Défis de la politique d’ajustement structurel: 2.1. Au niveau du foncier :

L'un des graves problèmes soulevés par cette politique d'ajustement structurel réside d'abord précisément dans son ignorance de toute réforme des structures foncières! Curieusement, c’est certain parmi les obstacles structurels les plus manifestes au développement de l'agriculture marocaine qui sont délaissés (statuts fonciers, régimes de succession, morcellement des terres, modes de faire-valoir, etc...), alors que l'essentiel de l'effort de réforme ne semble motivé que par le désir de tout soumettre à la logique du marché 26.

2.2. Au niveau des assolements :

La libéralisation des assolements semble avoir déjà conduit dans certains périmètres à des "reclassements" dans les choix des agriculteurs qui se sont traduit notamment par des régressions des superficies consacrées à des cultures de base stratégiques (la betterave sucrière par exemple) 2.

Les nouvelles conditions de productions à l’échelle de l’exploitation offrent à l’agriculteur la possibilité de conduire les systèmes qui répondent en priorité à ses objectifs.

25 : Cité par, S.H. FAHIM « Etat de la mise en valeur agricole dans la Tassaout Amont : Cas du secteur OULED NACEUR »Mém. 3 ème cycle. IAV Hassan II. déc.1995.

26 : N. Akesbi,"La politique d'ajustement structurel dans l'agriculture au Maroc risques et périls du désengagement de l'Etat", Mai 1995.

2.3. Au niveau des incitations :

Ce sont les considérations budgétaires qui ont surtout prévalu dans la politique de réduction ou de suppression des subventions et de soutien des prix à la production et la consommation. La libéralisation des prix des intrants s'est surtout traduite par leur renchérissement alors que les conditions de commercialisation ne permettent guère l'ajustement conséquent des prix de vente. Face au risque de voir leur revenu chuter, nombreux semblent être les producteurs dont le "réflexe" a été de chercher à limiter le dommage en "économisant" sur les doses d'engrais, la qualité des semences ou des travaux mécaniques, "oubliant" qu'ils compromettent ainsi encore plus les chances d'amélioration de la productivité et partant de leurs revenus26.

Section 3 : IRRIGATION : CHOIX STRATEGIQUE POUR LE MAROC