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III. Les différentes approches thérapeutiques

2. Les nouvelles cibles

Les topoisomérases II vont quant à elles assurer la coupure des deux brins d’ADN et ainsi permettre le désenroulement de la double hélice. Les inhibiteurs de topoisomérases II entraînent donc une rupture définitive des brins d’ADN qui ne pourront plus être ressoudés. Outre les dérivés d’anthracycline vu précédemment (Figure 13), les dérivés d’épipodophyllotoxine comme l’étoposide ou le téniposide (Vepeside® et Vehem® Figure 15) sont également des inhibiteurs de topoisomérases II.84

Figure 15 Inhibiteurs de topoisomérases II

Du fait de la sensibilité particulière des cellules tumorales vis-à-vis des composés altérant l’ADN, la plupart des traitements actuels ciblent les acides nucléiques. Cependant, leur sélectivité n’est pas spécifique et entraine un grand nombre d’effets secondaires. Le développement de nouvelles cibles pour les traitements est donc primordial.

2. Les nouvelles cibles

Du fait des effets indésirables déjà évoqués, mais aussi des résistances développées par les cellules tumorales vis-à-vis des thérapies actuellement utilisées, de nouvelles cibles sont actuellement étudiées. 85,86 Nous allons ici voir les plus importantes, qui peuvent être classées en trois groupes.

• Les composés anti-angiogéniques et anti-vasculaires

Comme nous l’avons vu précédemment, l’angiogenèse tumorale est un phénomène indispensable au développement de la tumeur qui génère la création d’un réseau vasculaire

84

K. R. Hande Update on Cancer Therapeutics 2008, 1, 13-26.

85

« Médicaments antitumoraux et perspectives dans le traitement des cancers » Lavoisier, Paris 2003, Vol.6.

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26 permettant d’alimenter cette dernière en nutriments et en oxygène lorsque la diffusion passive ne suffit plus. L’angiogenèse est régulée par un équilibre entre les facteurs anti-angiogéniques tels que l’angiostatine, l’endostatine et la thrombospondine, et les facteurs pro-angiogéniques (VEGF : Vascular Endothelial Growth Factor, FGF : Fibroblast Growth

Factor, PDGF : Platelet-derived Growth Factor, TNFĮ : Tumour Necrosis Factor Į), ceux-ci

étant nettement surexprimés au niveau des cellules tumorales.87 L’inhibition de ce mécanisme réduirait considérablement les apports nécessaires à la tumeur et donc ses chances de subsister.

Depuis le début des recherches sur l’angiogenèse en tant que cible thérapeutique,88 plusieurs stratégies ont été abordées et ont abouti au développement de nombreux composés parmi lesquels on peut citer les exemples suivants :

- Le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal humanisé qui se lie au VEGF et empêche ainsi sa fixation au récepteur.89

- La thalidomide (Figure 16) et ses dérivés qui possèdent une activité notamment contre le TNFĮ.90

- Le sunitinib (Sutent® Figure 16) inhibe l’activité tyrosine-kinase des récepteurs au VEGF en se fixant au site de liaison de l’ATP.91

Figure 16 Exemples de molécules ciblant les facteurs de croissance ou leurs récepteurs

- Les deux inhibiteurs naturels de l’angiogenèse (angiostatine et endostatine).

- Les inhibiteurs de métalloprotéases matricielles ou MMP (batimastat par exemple Figure 17) et de l’intégrine Įvȕ3 (cilengitide Figure 17) qui sont surexprimées au

87

W. Risau Nature 1997, 386, 671-674.

88

J. Folkman N. Eng. J. Med. 1971, 285, 1182-1186.

89

V. K. Langmuir, M. A. Cobleigh, R. S. Herbst, E. Holmgren, H. Hurwitz, F. Kabbinavar Proc. Am. Soc. Clin.

Oncol. 2002, 21, 9A.

90

Y.-T. Huang, C. W. Hsu, T. H. Chiu Tzu. Chi. Med. J. 2008, 3, 188-196.

91

R. J. Motzer, M. D. Michaelson, B. G. Redman, G. R. Hudes, G. Wilding, R. A. Figlin, M. S. Ginsberg, S. T. Kim, C. M. Baum, S. E. DePrimo, J. Z. Li, C. L. Bello, C. P. Theuer, D. J. George, B. I. Rini. J. Cjil. Oncol. 2006, 24, 16-24.

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27 niveau des cellules épithéliales prolifératives et qui jouent un rôle prépondérant dans la migration des cellules lors de la néovascularisation.

- Les agents comme la combretastatine A4 (Figure 17) qui détruisent sélectivement les vaisseaux tumoraux.92

Figure 17 Exemples de composés contre la néovascularisation des tumeurs

• Les composés anti-invasifs

Le développement de métastases dues à la migration de cellules issues d’une tumeur primaire est dans une très grande majorité des cas synonyme de mortalité accrue. Cependant, l’apparition de ces métastases est la conséquence d’un processus biologique complexe dans lequel chaque étape peut constituer une cible thérapeutique. Deux classes principales d’inhibiteurs sont à ce jour à l’étude :

- Les inhibiteurs des MMP. En effet, le mécanisme angiogénique et le processus métastatique présentent un certain nombre de points communs, notamment la rupture des membranes, dans lesquels interviennent les MMP. Il est donc logique de retrouver ici des composés tels que le batimastat, qui se fixent sur le site catalytique au niveau de la liaison du zinc, et ainsi inactivent les MMP. 93

- La plasmine est une enzyme protéolytique issue de l’activation du plasminogène par l’uPA ou le tPA (urokinase ou tissue Plasminogen Activator). Elle est responsable de la digestion enzymatique de la fibrine et des protéines de la matrice extracellulaire après liaison au récepteur uPAR. L’uPA étant surexprimé au niveau des tumeurs, les inhibiteurs de sérine protéase ciblant le système uPA/uPAR sont une approche thérapeutique possible.94

92

P. Verdier-Pinard, A. Lansiaux, C. Bailly Bulletin du Cancer 2001, 3, 235-239.

93

E. I. Heath, L. B. Grochow Drugs 2000, 59, 1043-1055.

94

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28 • Les composés anti-prolifératifs

L’objectif de ces agents est d’empêcher localement la multiplication des cellules tumorales soit par le ralentissement ou l’inhibition des mécanismes de prolifération, soit par le vieillissement prématuré ou la mort des cellules (apoptose). Du fait des nombreuses cibles disponibles, cette classe de composés comporte un grand nombre d’agents qui peuvent être distingués en quatre sous-groupes :

- Les inducteurs d’apoptose sont, comme leur nom l’indique, des composés qui vont favoriser la mort des cellules tumorales. Une cible très étudiée est la protéine Bcl-2. Elle est localisée au niveau des pores de la mitochondrie et empêche l’ouverture de ces structures. Lors du déclenchement de l’apoptose, l’interaction entre le pore mitochondrial et Bcl-2 est rompue ce qui permet la libération du contenu mitochondrial.95

- Les inhibiteurs de télomérases. Les télomères sont des séquences répétitives d’ADN situées à l’extrémité des chromosomes et qui constituent « l’horloge biologique » des cellules. En effet, l’ADN télomérique se raccourcit à chaque division cellulaire jusqu’à une taille critique qui aura pour conséquence l’arrêt des divisions : ce processus est également appelé senescence réplicative. La synthèse et l’intégrité de ces télomères sont assurées par une enzyme, la télomérase, qui est surexprimée dans la plupart des cellules tumorales, évitant ainsi leur vieillissement. L’inhibition de l’activité de ces télomérases permet d’obtenir la mort des cellules après seulement quelques cycles de division.96 - Une autre approche réside dans le blocage des signaux entre les récepteurs

membranaires et les cibles nucléaires en inhibant soit la fixation du ligand au récepteur, soit l’activité de ce récepteur au niveau du domaine intracellulaire. Les récepteurs HER-1 et 2 ont par exemple été étudiés pour ces deux types d’inhibition, car leur surexpression, mise en évidence dans de nombreux types tumoraux, est associée à un accroissement de la prolifération et à une augmentation du potentiel métastatique. Deux anticorps monoclonaux, le trastuzumab (Herceptin®) et le cetuximab, ciblant le domaine extracellulaire de

95

A. Mazars, O. Geneste, J. Hickman J. Soc. Biol. 2005, 3, 253-265.

96

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29 ces récepteurs, ont ainsi montré une capacité à inhiber la croissance des cellules tumorales.97 C’est également le cas du gefitinib (Iressa® Figure 18) et de l’erlotinib (Tarceva® Figure 18) qui vont eux inhiber l’activité tyrosine kinase (TK) du récepteur (domaine intracellulaire). 98 L’imatinib (Glivec® Figure 18) est également un inhibiteur d’activité TK mais cette fois au niveau des récepteurs du SFC (Stern Cell Factor) et du PDGF. 99

Figure 18 Exemples d’inhibiteurs de transduction des signaux

- La dernière classe de molécules regroupe les inhibiteurs du cycle cellulaire. Comme nous l’avons vu précédemment, le cycle cellulaire est un ensemble de processus biologiques dont la coordination est assurée par l’expression d’un grand nombre de protéines dont l’altération est fréquemment observée dans les cas de cancer, d’où l’intérêt thérapeutique qui leur est porté.100 Plusieurs cibles ont déjà été étudiées comme les cdk (cyclin dependent kinases) qui régulent, après liaison avec les cyclines, le changement de phase et dont les inhibiteurs (par exemple la silibinin) ont montré un potentiel anticancéreux.101 Le bortezomib (Velcade® Figure 19) et d’autres inhibiteurs du protéasome, qui est un complexe enzymatique assurant la dégradation des protéines de régulation, ont également été étudiés comme cible anticancéreuse car sa dérégulation observée dans les cellules tumorales a pour effet notable une stimulation de la prolifération.102

97

R. S. Herbst, D. M. Shin Cancer 2002, 94, 1593-1611.

98

C. L. Artega, D. H. Johnson Curr. Opin. Oncol. 2001, 13, 491-498.

99

D. G. Savage, K. H. Antman N. Engl. J. Med. 2002, 346, 683-693.

100

G. Deep, R. Agarwal Curr. Opin. Invest. Drugs 2008, 9, 591-604.

101

F. S. Hogan, N. K. Krishnegowda, M. Mikhailova, M. S. Kahlenberg J. of Surgical Research 2007, 143, 58-65.

102

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Figure 19 Exemples d’inhibiteurs du cycle cellulaire

Ces thérapies plus ciblées que celles utilisées traditionnellement en chimiothérapie sont donc des avancées très prometteuses. L’association de certains de ces composés avec les molécules déjà disponibles permet de cibler différents niveaux de la pathologie cancéreuse et ainsi d’augmenter les chances de rémission.