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2. La variabilité génétique du virus

2.3. Variabilité phénotypique

2.3.1. Les mutants préC/C

L’ORF préC/C possède deux codons d’initiations, en positions 1814 et 1901, sous le

contrôle d’un promoteur commun, le promoteur basal du core (BCP). La transcription à partir

du premier codon d’initiation donne naissance à un petit ARNm PC (précore) traduit en une

protéine précurseur (p25) précore-core. La maturation protéolytique de cette protéine au

niveau du réticulum endoplasmique aboutit à une protéine nommée antigène HBe (Ag HBe)

sécrétée dans le compartiment sanguin. La transcription à partir du second codon permet la

synthèse de l’ARNpg qui sert en particulier à la synthèse de la protéine de capside (protéine

C) ou Ag HBc (1.4. Le cycle réplicatif du VHB).

Les mutants préC

L’Ag HBe est impliqué dans les phénomènes de persistance virale en induisant les fonctions

des cellules T helper de type II. Au début de l’infection, l’Ag HBe induirait un état

d’immunotolérance en agissant comme un leurre pour les lymphocytes T et en protégeant les

hépatocytes infectés qui expriment l’Ag HBc à leur surface. Dans un second temps, lors d’une

phase de clairance immunitaire, il devient une cible majeure pour la réponse immunitaire.

Souvent une forte réponse anti HBe est suivie d’une forte élévation des transaminases puis

d’une baisse de la réplication virale. En dehors de toute mutation précore/core, la

séroconversion en anticorps anti-HBe correspond en général la fin de la réplication virale

(Tong et al., 2013 ; Kay et Zoulim, 2007). De plus en plus de patients porteurs chroniques du

VHB, avec anticorps anti-HBe (Ac anti-HBe) positifs et Ag HBe négatifs, présentent une

réplication virale. Ce phénomène s’explique par la sélection de mutants précore lors de la

réponse immunitaire de l’hôte. Ces souches virales sont incapables de synthétiser l’Ag HBe

(Tong et al., 2013). Le risque d’hépatite chronique chez l’enfant né de mères porteuses

chroniques Ag HBe négatif est généralement moins élevé que dans le cas des mères porteuses

chroniques Ag HBe positif. L’absence d’Ag HBe n’induit pas la tolérance immunitaire

favorable à la chronicité (Kay et Zoulim, 2007). Deux catégories de mutants affectent

l’expression de l’Ag HBe : les mutants précores et ceux touchant le promoteur BCP (Kay et

Zoulim, 2007).

Chez les mutants précores, l’expression de l’Ag HBe est totalement abolie. La mutation la

plus fréquente, G1896A, transforme le codon 28 de la région préC en codon stop (non-sens)

interrompant ainsi la transcription de l’ARNm PC. Pour des raisons structurales, cette

substitution est rarement retrouvée pour les génotypes A, F et H (tableau 6). En effet, le

nucléotide 1896 est localisé au niveau du signal d’encapsidation ε de l’ARNpg où il interagit

avec le nucléotide 1858 pour former une structure secondaire nécessaire à l’encapsidation de

l’ARNpg (figure 10). Chez les souches virales de génotypes B, D, E, C, une thréonine (T)

occupe la position 1858 et elle peut parfaitement interagir avec le nucléotide 1896 muté. Ceci

n’est pas le cas chez les souches de génotypes A, F, H. L’encapsidation et la réplication

seraient alors déstabilisées (Kay et Zoulim, 2007). Il existe d’autres mutations de la région

précore (substitutions, non-sens, décalage du cadre de lecture) qui modifient la traduction de

l’ARNm PC.

Chez les mutants du promoteur basal du core (BCP), la double substitution A1762T/G1764A

est le plus souvent retrouvée chez les patients Ac anti-HBe positifs/Ag HBe négatifs. Elle

entraine une diminution de la synthèse de l’ARNm PC et donc de l’Ag HBe. Le BCP

possédant des sites de fixation pour des facteurs nucléaires de transcription, la double

mutation induirait la disparition de ces sites et secondairement une baisse de la réplication

virale (ARNpg) et de l’expression de l’Ag HBe (ARNm PC). La double mutation peut aussi

engendrer l’apparition d’un site pour un autre facteur de transcription (HNF1) dont l’activité

est aussi associée à une diminution des ARNm PC. Paradoxalement, cette baisse de la

réplication ne semble pas être observée in vitro en culture cellulaire (Kay et Zoulim, 2007).

L’apparition d’autres mutations (aux positions 1753, 1766 et 1768), associées à la double

mutation précédente, peuvent entrainer une baisse encore plus importante de la sécrétion

d’Ag HBe et une réplication virale in vitro normale voire très augmentée. Ces mutants BCP

ont d’ailleurs souvent été retrouvés chez des patients présentant des atteintes sévères du foie

ou des tableaux d’hépatites fulminantes en raison de réponses immunitaires exacerbées (Kay

et Zoulim, 2007).

Figure 10 : Représentation schématique de la mutation G1896A du promoteur BCP (Tong et

al., 2013).

La fréquence des mutants préC est variable en fonction du génotype. Le génotype G possède à

l’état sauvage les mutations BCP et précore ; la synthèse de l’Ag HBe étant naturellement

absente. Lors d’infections aiguës par le génotype G les patients sont bien Ag HBe négatifs et

Ac anti-HBe négatifs. Certains patients infectés chroniquement par le génotype G sont

pourtant Ag HBe positif. Cette configuration peut s’expliquer par deux phénomènes :

- une séro-réactivité « Ag HBe-like » des 12 acides aminés supplémentaires de l’Ag

HBc

- une possible co-infection avec un autre génotype (souvent de génotype A)

supplémentant les souches de génotype G en Ag HBe et permettant ainsi la persistance

de ce génotype (Kay et Zoulim, 2007).

Génotype

Sous-types

Absence de

mutant

préC

Mutation au

niveau du Basal

Core Promoter

(BCP)

Mutation au

niveau du codon

28 de la région

préC

Mutation au

niveau du

BCP et du

codon 28

A / 56 % 38 % 1 %

B

B1 31 % 3 % 56 % 9 %

B2 47 % 11 % 25 % 18 %

B3 67 % 0 % 33 % 0 %

B4 42 % 17 % 33 % 8 %

Moyenne 43 % 9 % 33 % 15 %

C

C1 28 % 42 % 6 % 24 %

C2 31 % 64 % 3 % 3 %

C3 100 % 0 % 0 % 0 %

Moyenne 30 % 48 % 5 % 18 %

D / 41 % 15 % 27 % 17 %

E / 78 % 11 % 0 % 11 %

F / 83 % 5 % 2 % 10 %

G / 0 % 0 % 0 % 100 %

H / 70 % 30 % 0 % 0 %

Primates / 89 % 0 % 11 % 0 %

Tableau 6 : Fréquence des mutants BCP et précore en fonction du génotype viral (d’après

Kay et Zoulim, 2007)

Remarque

Le rôle des mutants préC sur l’évolution de la maladie et la sévérité des lésions hépatiques

reste à préciser aujourd’hui.

Des mutants préC sont souvent retrouvés dans des tableaux d’hépatites fulminantes. La

diminution de l’Ag HBe pourrait rompre la tolérance immunitaire provoquant une

destruction massive des hépatocytes porteurs de l’Ag HBc.

Au cours d’infections chroniques, une association entre la présence de mutants préC et un

score de fibrose élevé (F3/F4) a été observée.

Le rôle potentiel des mutations préC dans la survenue d’un carcinome hépatocellulaire a

également été envisagé. (Fattovich et al., 2008).

Les mutants de la protéine core

De nombreuses mutations (insertions, substitutions, délétions) de la protéine core (Ag HBc)

s’accumulent au cours d’une infection chronique par le VHB notamment dans des régions

ciblées par les lymphocytes T et B. Elles se traduisent par un échappement au système

immunitaire de l’hôte. Ces mutants sont généralement défectifs et ne sont pas transmis, sauf

pour ceux de génotypes A et G qui ont acquis naturellement une insertion de 2 et 12 codons

dans le gène C (Kay et Zoulim, 2007).