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Partie 1 : Analyses in silico

3. Discussion

3.1. Constitution de la cohorte

Comme nous l’avons vu dans la partie rappels bibliographiques, l’obtention de la clairance de

l’Ag HBs est un évènement fortement prédictif de l’élimination de l’ADNccc et donc

l’objectif à long terme du traitement antiviral chez les patients infectés chroniquement. Cet

évènement est malheureusement rarement observé, même après de nombreuses années de

traitement par NUCs. Cette faible prévalence explique le petit nombre de patients resolvers

inclus dans cette étude monocentrique : six patients infectés par du génotype D et quatre

patients infectés par du génotype A. Ces patients ont été appariés selon le génotype viral, le

sexe et l’âge avec des patients non resolvers eux aussi infectés de façon chronique par le

VHB, sous traitement par NUCs et en virosuppression sans clairance de l’Ag HBs.

La rareté des patients resolvers et la nécessité d’appariement des patients non resolvers font

qu’il était difficile de choisir des patients ayant reçu des protocoles thérapeutiques similaires.

Pour les raisons précédement citées, liées à l’étude rétrospective des patients sélectionnés, la

cinétique de disparition de l’Ag HBs, ainsi que la durée de l’infection et le mode de

contamination n’ont pu être retracés. Ces données pourraient avoir un impact sur l’évolution

de l’infection Toutefois la taille de la cohorte a été validée sur le plan méthodologique (cf plus

loin, analyses dans l’article correspondant). De plus les résultats obtenus sont confortés par les

analyses en UDS qui permettent l’exploration de milliers de séquences de variants

minoritaires et par la comparaison des données retrouvées dans notre cohorte avec celles de

l’HBVdb (i.e. prévalence de la mutation sT125M chez 4/6 non répondeurs versus 8 %

seulement dans l’HBVdb) et celles de l’analyse des séquences GenBank de deux cohortes de

patients disponibles dans la littérature.

Tous les patients infectés par du VHB de génotype A étaient porteurs de sous type A2. La

répartition des sous-types viraux était légèrement plus variable pour les patients infectés par

du VHB de génotype D, avec une majorité de sous-types D3.

3.2. Analyses in silico

Les analyses de séquençage direct et d’UDS ont mis en évidence deux signatures moléculaires

localisées au niveau du déterminant « a » de l’Ag HBs : sT125M et sP127T. Celles-ci étaient

plus fréquemment retrouvées chez les patients NR. La mutation sT125M avait déjà été décrite

par le passé notamment chez des patients infectés par du VHB de sous type D3 dans un

contexte de mono-infection (Pourkarim et al., 2010) ou de co-infection VHB/VIH chez des

patients UDIV (Taffon et al., 2014 ; De Maddalena et al., 2007). Cette combinaison de

mutations a été décrite dans certains cas rapportés d’échappement vaccinal. Velu et al., ont

rapporté la présence de la combinaison de mutations sT125M et SP127T chez un nouveau-né

de mère porteuse chronique en dépit d’une sérovaccination à la naissance (Velu et al., 2008).

En revanche, Luongo et al., ont rapporté le cas d’un patient adulte vacciné qui a développé

une hépatite aigue suite à l’infection par une souche porteuse des mutations sM125T, sT127P

et s Q129H (Luongo et al., 2015), cette observation suggérant un mécanisme multifactoriel

impliquant la protéine S.

L’évaluation de l’antigénicité prédite après introduction de ces deux mutations dans la

séquence consensus de génotype D montrait une baisse significative du pic d’antigénicité. Par

ailleurs, Rodriguez Lay et al., ont montré que des mutations associées à un échappement

immunitaire dans le gène S de souches VHB de génotype A1, A2, C1 étaient retrouvées dans

le déterminant « a » et dans la MHR (Rodriguez Lay et al., 2015). Le déterminant « a » est

une zone immunodominante majeure. La conservation de la conformation tridimensionnelle

de l’Ag HBs par des ponts disulfures impliquant différents résidus cystéine est primordiale

pour son implication dans la réponse humorale mais aussi dans l’entrée cellulaire virale

(Blanchet et Sureau, 2007 ; Salisse et al., 2009). Des mutations intervenant dans le proche

voisinage de ces cystéines pourraient déstabiliser le repliement de cette protéine, ses fonctions

et ainsi influencer la clairance ou la persistance de l’Ag HBs.

Il a été rapporté depuis plusieurs années déjà l’existence de mutations intervenant dans ces

zones clefs et entrainant une mise en défaut des trousses d’immuno-diagnostic couramment

utilisées pour le diagnostic sérologique de l’Ag HBs. Les positions fréquemment impliquées

sont par exemple les positions 125 (génotype D) (Araujo et al., 2009), 120, 123 et 126

(génotype B et C) (Coleman, 2006 ; Hsu et Yeh, 2011). Nous reviendrons sur ces données

dans la deuxième partie de ce manuscrit décrivant le modèle fonctionnel. Des tests ELISA

réalisés à l’aide de sérum de souris vaccinées contre le VHB (Engerix B) montrent une baisse

de la réactivité des sérums vis-à-vis d’un peptide muté en sT125M par rapport à un peptide

sauvage s125T, ce qui renforce les résultats de la prédiction bio-informatique de

l’antigénicité.

Par ailleurs, l’analyse de réseau de covariance a identifié davantage de paires covariantes chez

les patients non resolvers (NR) sur le gène S et la région préS, ce qui renforce encore la notion

d’une plus grande variabilité observée chez les patients NR, notamment grâce aux analyses en

UDS mettant en évidence de nombreux variants minoritaires dans la MHR. Les réseaux

minimums permettant de séparer les patients R des patients NR impliquaient tous les deux

signatures moléculaires retenues.

La présence de la double mutation sT125M et sP127T n’était pas observée chez les variants

majoritaires de génotype A. De façon générale, comme pour les variants majoritaires de

génotype D, la variabilité de la région préS semblait moins importante que celle de la région S

pour les variants de génotype A. Malgré la présence de nombreuses mutations chez les

patients R1A et NRA1, la variabilité des souches de génotype A tendait à être inférieure à

celle des souches de génotype D. Quelques mutations relevées chez les patients R1A et NR1A

ont un impact sur les profils d’antigénicité prédite. Par ailleurs, la présence d’un mutant

sG145R chez un resolver montre bien la complexité du phénomène de clairance de l’Ag HBs,

qui est multifactoriel, associant des paramètres de l’hôte et du virus. L’étude en UDS des

souches virales de ces patients permettront d’explorer les variants minoritaires et de confirmer

et de compléter les mutations déjà observées chez les variants viraux en séquençage direct.

En conclusion de cette première partie du travail, la combinaison de mutations identifiée

chez les patients NR, sur les résidus 125 et 127, intervient dans une région impliquée à la fois

dans la réponse immune et dans l’entrée cellulaire virale. De façon prédictive (résultats

obtenus grâce au logiciel AnTheProt), les signatures moléculaires identifiées sT125M et

sP127T semblent avoir un effet sur l’antigénicité de la région considérée. Ces resultats

obtenus In silico, doivent être confortés par des études in vitro et in vivo, plus proches de la

réalité physiopathologique de l’infection virale. Afin d’étudier plus précisément l’impact de

ce « motif » sur les propriétés fonctionnelles virales, un modèle fonctionnel d’étude in vitro a

été développé. Les résultats préliminaires obtenus à l’aide de ce modèle seront détaillés dans

la partie Volet 3 de l’étude.