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1. DE LA SCIENCE OUVERTE AUX MODÈLES OUVERTS DE COLLABORATION

1.2. L ES MODÈLES OUVERTS VIENNENT AU SECOURS DE LA SCIENCE OUVERTE

1.2.1. Les modèles ouverts dans le domaine de l’informatique

Les approches ouvertes (2)

Normes des sciences Culture des hackers Stratégies de propriété intellectuelle Science ouverte Logiciel libre Source ouverte (FLOSS) Modèles ouverts de collaboration Révolution Technologique (ex. internet)

La collaboration ouverte dans le domaine de l’informatique

Les origines de la source ouverte196

À la fin de la IIème guerre mondiale, peu après la conception des premiers grands ordinateurs fonctionnant en langage binaire, une nouvelle culture de pionniers enthousiastes a émergé : celle des «vrais programmeurs».197 Selon Eric Raymond, c’est à cette culture que l’on doit la naissance d’une tradition d'ingénierie continue qui déboucha, à terme, sur la culture des hackers, elle-même responsable du développement de la méthodologie source ouverte.198

Les premières communautés de hackers se sont développées au début des années 60, leur création ayant été favorisée par la culture universitaire vibrante de l’époque et par le développement de l’informatique interactive.199 Durant les années 1960 et 1970, la plupart des activités de programmation des ordinateurs centraux et celles de développement de logiciels étaient effectuées dans des laboratoires de recherche académiques ou corporatifs. Les hackers travaillant dans ces milieux trouvaient qu’il faisait partie intégrante de leur culture de recherche de partager et d’échanger les logiciels qu’ils avaient écrits car ils les percevaient comme des outils de recherche communs.200 La fierté personnelle et la reconnaissance de leurs pairs au sujet d’un développement

196

Dans le domaine des technologies de l’information, on parle surtout de logiciels à source ouverte. Ces logiciels simples à utiliser complètement accessibles et ouverts sont distribués avec leur code source. La connaissance du code permet à des usagers possédant une bonne connaissance de la programmation informatique, de modifier le code et d’introduire au logiciel des améliorations, des modifications ou d’emprunter des parties de celui-ci pour en créer un nouveau. Voir Alessandro Nuvolari, «Open Source Software Development: Some Historical Perspectives» (2005) 10 First Monday 1 à la p. 2 [Nuvolari]; Stallman, «GNU Operating System», supra note 8 à la p. 54.

197 Il est intéressant de constater que la plupart des membres de ce petit groupe provenait alors de la

communauté scientifique et possédait des diplômes dans des domaines tels que la physique ou le génie. Voir Eric S. Raymond, «A Brief History of Hackerdom» dans Chris Debona, Sam Ockman et Mark Stone, dir., Open Sources: Voices from the Open Source Revolution, Sebastopol, O'Reilly Media, 1999, 19 [Raymond, Open Sources].

198 Raymond, Open Sources, ibid. à la p. 20.

199 On constate que les premiers hackers tout comme les « vrais programmeurs » avant eux, avaient des

liens très serrés avec la communauté académique. D’ailleurs, le mot hacker aurait été utilisé pour la première fois au sein de l’Université américaine MIT (Institut de Technologie du Massachusetts). Voir Steven Levy, Hackers: Heroes of the Computer Revolution, Garden City, Anchor Press/Doubleday, 1984 aux pp. 15-18.

200

Georg Von Krogh et Eric Von Hippel, «Special Issue on Open Source Software Development» (2003) 32 Research Policy 1149 à la p. 1150 [Krogh]; Nuvolari, supra note 196 à la p. 2.

nouveau, ingénieux et utile était la gratification majeure recherchée par ces hackers. Ce comportement communautaire était d’ailleurs devenu une caractéristique centrale de leur culture.201

En 1969 l’Agence des projets de recherche avancée de la Défense américaine élabora ARPANET, le premier réseau informatisé transcontinental à haute vitesse. Ce réseau prit de l’ampleur, connectant bientôt des centaines d’universités, d’entrepreneurs de la défense américaine et de laboratoires de recherche. ARPANET permettait facilement, à peu de frais, aux hackers d’échanger les codes de leurs logiciels ainsi que toute autre information intéressante. Ce réseau informatisé aura donc, non seulement offert un nouvel outil de production révolutionnaire à la communauté des hackers, mais il aura permis à ce groupe de développer sa culture et de propager ses normes sociales à travers les États-Unis, tout comme l’internet qui lui succèdera permettra plus tard de disséminer ces mêmes normes à l’échelle planétaire.202

La situation changea cependant de façon dramatique à partir des années 1980. La compagnie AT&T commença à vendre des licences pour son système d’exploitation efficace et très utilisé, Unix. Cette nouvelle tendance à commercialiser les produits de type logiciel a été alimentée par des développements concomitants dans la technologie informatique (la diffusion répandue des ordinateurs personnels et des stations de travail) et par le déficit de financement public des laboratoires et des universités. Beaucoup de programmeurs qualifiés sont alors partis des universités et des laboratoires de recherche pour aller vers des firmes de développement de logiciels privés, acceptant d’être contraints dans leurs activités par des accords de confidentialité en échange d’une meilleure rémunération de leurs travaux.203

En étudiant la communauté des hackers dans le domaine de l’informatique, il est presque impossible de ne pas faire de parallèle entre la science ouverte et les normes de

201 Krogh, ibid.; Sam Williams, Free as in Freedom, Richard Stallman’s Crusade for Free Software,

Sebastopol, O'Reilly Media, 2002, 7 [Williams].

202 Krogh, ibid.; Raymond, Open Sources, supra note 197 à la p. 20; Benkler, «Peer-production», supra

note 16 aux pp. 2-3.

Merton (par exemple, avec la norme du communisme). Comme les premiers hackers provenaient du milieu scientifique, il serait logique de penser qu’ils ont amené leurs normes sociales avec eux quand ils ont fait la transition du milieu des sciences académiques à celui plus technique des technologies de l’information. Tout comme la communauté scientifique, les hackers ont vu leurs travaux être grandement affectés par le phénomène de la commercialisation aux débuts des années 1980.204 Cependant, dans leur cas, les réseaux informatisés et plus tard l’internet allait leur fournir la possibilité de développer une méthode de travail pour assurer la continuation de leurs normes sociales. L’accès de plus en plus répandu à l’internet par le biais des ordinateurs portatifs allait même permettre de diffuser ces normes, par l’entremise de pratiques techniques et sociales à un plus grand nombre de jeunes hackers que jamais auparavant.

Richard Stallman et la Fondation du logiciel libre

Le créateur de la Fondation du logiciel libre, Richard Matthew Stallman travaillait au Massachussets Institute of Technology (MIT) où il s’est fait une réputation de brillant programmeur en développant le premier éditeur de texte Emacs en 1975.205 À l’époque, le MIT était un des endroits les plus réceptifs aux normes sociales de collaboration et d’échanges de la culture hacker et, pour Richard Stallman, respecter ces normes était tout à fait normal.206 Cependant, il fut confronté dès le début des années 1980 aux impératifs de la commercialisation en informatique et constata avec déception la désintégration de la communauté de hackers dans laquelle il avait évolué depuis son arrivée au MIT. Stallman décida donc de quitter son emploi en 1984 afin de bâtir son propre système d’exploitation et de recréer une communauté d’échange et de collaboration telle qu’il avait lui-même connue quelques années plus tôt207

204 Ibid.; Williams, supra note 201 aux pp. 65-66.

205 Richard Stallman a obtenu un diplôme de l’université Harvard en physique en 1974 et a commencé à

travailler au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT pendant ses études. Marleen Wynants, «Free as in Freedom, not Gratis!» dans Marleen Wynants et Jan Cornelis, dir., How Open is the Future, Bruxelles, VUB Brussels University Press, 2005 aux pp. 69-70, 83.

206 Selon ses propres propos, l’échange de logiciel entre informaticiens était aussi normal pour Richard

Stallman que d’aider ses voisins ou d’échanger des recettes de cuisine avec des amis. Voir Stallman, Free

Software, supra note 183 aux pp. 158-159.

Dans ses propres mots, Stallman décrit les sentiments qui l’ont poussé à faire ce choix : « Ma communauté ayant disparu, continuer à faire comme avant était impossible. Plutôt, j’étais confronté à un dilemme moral, [a]lors j’ai cherché une façon pour un programmeur de faire quelque chose pour le bien (public).»208 La décision de Stallman de développer son propre système opératoire était donc, d’après celui-ci, une décision d’ordre moral plutôt qu’utilitaire. Pour lui, participer au développement de logiciels soumis aux restrictions de la propriété intellectuelle était une activité non-éthique, une trahison de la mission scientifique de la communauté des hackers dont il avait fait partie par le passé.209

Stallman commença donc à développer son propre système opératoire appelé GNU et toutes sortes d’applications qui seraient utiles aux utilisateurs, faisant appel à la contribution volontaire de la communauté scientifique en échange d’un libre accès au nouveau système. Stallman arriva à compléter la première pièce de son système, un compilateur GNU Emacs en 1985.210 L’écriture du Manifeste GNU211 par Stallman date également de cette époque. Ce manifeste avait comme objectif d’expliquer à la communauté des programmeurs le choix de Stallman en faveur du logiciel libre. Il est intéressant de constater qu’un bon nombre des éléments idéologiques et philosophiques invoqués encore récemment pour promouvoir les modèles ouverts de collaboration dans le domaine de la recherche en génétique humaine se retrouvaient déjà dans ce manifeste. En résumé, selon le Manifeste, les logiciels soumis à la propriété intellectuelle brisaient les valeurs de solidarité et de contribution sociale qui unissaient la communauté des programmeurs et rendaient ceux-ci malheureux puisqu’ils les forçaient à entrer en conflit avec ce qui pourrait être considéré comme l’éthos212 de leur profession. Le Manifeste

exprime le désaccord de Richard Stallman avec les droits de propriété intellectuelle, mais

208 Stallman, Free Software, supra note 183 à la p. 19. 209 Williams, supra note 201 à la p. 12.

210 Ibid. à la p. 74.

211 Richard Stallman, «The GNU Manifesto» (1985, annoté en 1993), en ligne: GNU Operating System

<http://www.gnu.org/gnu/manifesto.html> [Stallman, «GNU Manifesto»].

212 Bien que Richard Stallman ne mentionne pas le mot ethos et ne parle pas non plus des normes des

sciences, le conflit d’intérêt auquel il fait référence dans la section « Pourquoi beaucoup de programmeurs veulent contribuer» parait très similaire à celui vécu par les scientifiques au cours des années 1980 et 1990 alors que la commercialisation de la science académique était à son apogée.

pas avec la possibilité pour un programmeur de profiter économiquement de ses créations intellectuelles.213 Il introduit aussi l’idée que la popularité, l’appréciation des pairs et le plaisir de créer constituent des incitatifs en soi pour une majorité de programmeurs informatiques.214

Le succès du GNU Emacs permit à Stallman de susciter l’intérêt de la communauté des programmeurs. En vendant des copies de l’Emacs à ceux qui n’avaient pas la possibilité de copier l’information gratuitement, il arriva à lever les fonds nécessaires à la création de la Fondation du logiciel libre. Créée en 1985, cette fondation soutient activement le développement de Logiciels Libres, ainsi que des Systèmes d'exploitation basés sur GNU comme GNU/Linux.215 Dans les années qui suivirent, le projet de Richard Stallman progressa rapidement grâce à la collaboration volontaire de multiples programmeurs et en 1990 le système GNU était presque complet, la seule pièce manquante étant le noyau de système d’exploitation.216 Après plusieurs essais infructueux de développer leur propre noyau, Richard Stallman et ses collaborateurs allaient décider d’adopter un noyau élaboré de façon ouverte par le développeur Européen Linus Torvald. Le système libre entièrement complété allait être baptisé GNU/Linux puisqu’étant une combinaison du système GNU et du noyau central Linux.217

Afin de protéger de toute appropriation privée les différentes composantes du système GNU/Linux, Richard Stallman décida ironiquement d’utiliser les droits de propriété intellectuelle (surtout le droit d’auteur). Il commença dès 1985 à travailler avec des collaborateurs à l’élaboration d’une licence de style « copyleft » dans le but de

213 Le terme anglais «free» utilisé volontairement par Richard Stallman porte à confusion car il est

synonyme à la fois des termes «libre» et «gratuit» en français. C’est cependant au mot «libre» que Stallman fait référence quant il parle de «free software». Stallman est en désaccord avec le niveau de contrôle élevé que les droits d’auteur et brevets dans le domaine de l’informatique donnent aux compagnies privées. Un tel contrôle est, entre autres, perçu par Stallman comme créant des entraves à la liberté des programmeurs de vivre en accord avec les normes sociales de leur profession. Cependant, il ne voit aucune objection à ce que les programmeurs puissent vendre leurs créations ou encore facturer des frais de conseil, de réparation ou d’entretien relativement à celles-ci de façon à gagner leur vie.

214 Stallman, «GNU Manifesto», supra note 211.

215 Voir le site de la fondation du logiciel libre, en ligne : <http://www.fsf.org>. 216

Stallman, Free Software, supra note 183 aux pp. 25-27.

préserver les libertés des utilisateurs de son système. La version 1.0 de la Licence publique générale vit finalement le jour en 1989.218

Ayant traité des origines de la source ouverte dans le domaine de l’informatique, en soulignant au passage l’influence majeure que la science ouverte a eu sur les pionniers du logiciel libre, nous allons maintenant nous intéresser à l’évolution de ce mouvement et à sa popularisation au courant des années 90. Ce faisant, nous analyserons aussi les écrits sur l’idéologie du mouvement d’un des théoriciens les mieux connu de ce mouvement, Eric Raymond.

Le succès de la méthodologie source ouverte

Le noyau de système d’exploitation Linux, conçu par l’informaticien finlandais Linus Torvalds, est considéré comme le plus important succès de la méthodologie source ouverte jusqu’à ce jour. C’est en 1991 que Torvalds, annonça sur un forum de discussion internet son intention de développer un noyau central à partir d’une version libre du modèle Unix. Dans ce message, il faisait appel à la communauté informatique pour l’aider à réparer les bogues informatiques qu’il risquait de rencontrer. Torvalds, adhérant au modèle de développement ouvert de Stallman, proposa d’inclure les nouvelles versions et accessoires qui seraient développés par ses collaborateurs à condition que ceux-ci puissent être redistribués librement à tous. L’initiative rencontra un franc succès qui prit par surprise la communauté informatique et le monde des affaires. En effet, dès 1994, Torvalds arriva à rendre librement disponible la version Linux 1.0 de son système d’exploitation qui rivalisa avec brio autant au point de vue de l’efficacité que de la fiabilité avec les versions commerciales du modèle Unix.219 Il continua de perfectionner son système d’exploitation durant la deuxième moitié des années 1990. La qualité et le succès de son entreprise furent finalement reconnus par la compagnie Microsoft qui dans un mémorandum interne de 1999 admit que Linux et le mouvement source ouverte

218 Williams, supra note 201 aux pp. 85-87. Cette licence sera analysée ultérieurement dans la thèse. Voir

aux pp. 182-183, ci-dessous.

219 Torvalds adopta une méthode de diffusion rapide des nouveaux éléments de son système, rendant

disponible simultanément des versions paires (plus fiables) et impaires (incorporant les dernières nouveautés mais plus expérimentales) de son système; voir Nuvolari, supra note 196 à la p. 3.

étaient devenus des concurrents majeurs de la compagnie.220 D’ ailleurs le nombre d’utilisateurs du système Linux est passé de moins de 100 en 1991 à 7 millions en 1998221 (une des plus récentes estimations faites en 2005 parlait de 29 millions d’utilisateurs222).

Le succès du projet Linux a convaincu un grand nombre d’informaticiens que la collaboration ouverte pouvait faire partie d’un modèle commercial viable dans le domaine des technologies de l’information.223 Il a aussi encouragé ceux-ci à développer d’autres projets ouverts dont plusieurs ont été couronnés de succès.224 Cependant, Linus Torvalds, préférant se concentrer sur les questions techniques au lieu de prendre partie sur des débats idéologiques, c’est le hacker Eric Raymond qui s’inspirera de l’aventure Linux pour exprimer ce nouveau modèle de collaboration ouverte: la méthodologie source ouverte.225 Ce modèle sera d’abord introduit en 1997 dans son livre The Cathedral

and the Bazaar qui demeure un des textes les plus lus sur les modèles ouverts de

collaboration, puis institutionnalisé grâce à la Définition de l’Open Source226 conçue par Bruce Perens et administrée par l’Open Source Initiative.227 À travers ses écrits, Eric Raymond présente le concept de la source ouverte comme étant un modèle d’affaire ayant un énorme potentiel pour améliorer le développement de nouveaux produits et logiciels.228 Il décide d’utiliser le nom « source ouverte » pour décrire ce modèle d’affaire

220

Ibid.

221 James Sanders, «Linux, “Open Source, and Software’s Future”» (1998) September/October, IEEE

Software 88.

222 «Estimating the Number of Linux Users» (2005), en ligne: The Linux Counter

<http://counter.li.org/estimates.php>.

223 Raymond, Cathedral & the Bazaar, supra note 186 à la p. 61.

224 Committee for Economic Development, Open Standards, Open Source, and Open Innovation: Harnessing the Benefits of Openness, Washington (D.C.), Committee for Economic Development, 2006 à

la p. 18, en ligne: Committee for Economic Development

<http://www.ced.org/docs/report/report_ecom_openstandards.pdf>.

225 Ce choix de l’expression «source ouverte» pour remplacer celle de «logiciel libre» fut controversé. Il est

à l’origine du schisme entre la Fondation du logiciel libre et l’Initiative source ouverte. Ce débat terminologique sort cependant du cadre de la présente thèse et ne sera donc pas abordé en plus amples détails. Pour plus d’information sur le sujet, voir Stallman, Free Software, supra note 183 aux pp. 57-62.

226 Bruce Perens, « The Open Source Definition » (1997 annotée en 2006), en ligne: Open Source

<http://www.opensource.org/docs/definition.php>.

227 Bruce Perens, «The Open Source Definition» dans Chris Debona, Sam Ockman et Mark Stone, dir., Open Sources: Voices from the Open Source Revolution, Sebastopol, O'Reilly Media, 1999 aux pp. 171-

188.

afin d’éviter l’ambigüité liée à l’expression « logiciel libre » en anglais229 et pour tenter de séparer le modèle source ouverte de l’idéologie à tendance sociale et humaniste proposée par Stallman dans le Manifeste GNU.230 Raymond perçoit, à la fin des années 1990, un besoin de raffiner le développement ouvert pour lui donner un aspect plus professionnel auquel les grandes compagnies informatiques privées seront plus susceptibles de répondre. Il parviendra à cet objectif en promouvant la source ouverte comme un modèle d’affaire, offrant ainsi au secteur privé une alternative plus acceptable politiquement que celle de la Fondation du logiciel libre.

Bien que l’entreprise de promotion commerciale de Raymond ait permis de rendre la méthodologie ouverte plus attrayante à l’industrie privée, elle n’est pas réellement parvenue à enrayer l’idéologie humaniste et la fonction sociale associées à celle-ci. Un an seulement après avoir finalisé La définition de l’Open Source et accepté de prendre la direction de l’Open Source Initiative, Bruce Perens allait démissionner pour des raisons idéologiques. Dans une lettre publique où il expliquait les motifs de son geste, Perens disait entre autres :

« La plupart des Hackers savent que logiciel libre et source ouverte sont seulement deux mots utilisés pour décrire une même chose. Malheureusement, la (méthodologie) source ouverte a atténué l’importance des libertés impliquées dans le logiciel libre. Il est temps pour nous de réparer cela. Nous devons expliquer clairement au monde que ces libertés sont toujours importantes, et que des logiciels comme Linux ne seraient pas la sans elles. [J]e crains que l’Open Source Initiative ne s’éloigne des valeurs du logiciel libre avec lesquelles nous l’avons originellement créée. C’est ironique, mais je me retrouve encore à prendre le parti des logiciels dans l’intérêt public et de la Fondation du logiciel libre tout comme je l’avais fait en 1995.» (Traduction et souligné du soussigné)231

Cette vision du logiciel libre et de la source ouverte comme complémentaires, s’est d’ailleurs beaucoup répandue dans le milieu informatique ou les principaux acteurs

229 Voir supra note 225.

230 Eric S. Raymond, «The Revenge of the Hackers» dans Chris Debona, Sam Ockman et Mark Stone, dir., Open Sources: Voices from the Open Source Revolution, Sebastopol, O'Reilly Media, 1999.

231

Bruce Perens, «It’s Time to Talk About Free Software Again» (17 février 1999), en ligne: Debian