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Les modèles LUTI ont été créés an de répondre au besoin de compréhen- sion mais aussi et surtout d'anticipation des interactions entre le transport et l'urbanisme. Il existe de nombreux types de modèles LUTI dont certains n'ont pas pour base un raisonnement économique mais uniquement une approche cel- lulaire (l'évolution de chaque cellule est simulée selon les observations faites sur d'autres groupes de cellules et selon l'état des cellules voisines).

Nous allons tout d'abord présenter l'articulation générale des modèles LUTI telle qu'elle a été dénie par Wegener en 1994, puis, an d'aner notre vue d'ensemble nous étudierons la classication proposée par Simmonds, Eche- nique & Bath en 1999.

1.1 Articulation générale des modèles LUTI

Les modèles LUTI résultent d'une analyse détaillée du phénomène de déve- loppement spatial urbain qui permet de l'expliquer en distinguant un ensemble de sous-systèmes qui ont la particularité d'avoir des temporalités diérentes. Ainsi, Wegener (1994) distingue huit types de sous-systèmes urbains dont l'articulation permet d'appréhender le développement urbain : les réseaux, l'oc-

Guillaume Monchambert Mémoire de Master - Université Lyon 2, ENTPE cupation des sols, les lieux d'emplois, les lieux de logement, les emplois, la po- pulation, les biens transports et les déplacements. Ces sous-systèmes peuvent être classés selon la rapidité de leur processus d'évolution :

Changement très lent : réseaux et occupation des sols.

Les infrastructures de transport constituent l'armature de la structure de la ville. En ce sens, elles évoluent très lentement. Ainsi, les grandes infrastructures sont très rarement abandonnées et mettent souvent plus d'une dizaine d'années à être planiées et construites. L'occupation des sols est également très stable. Changement lent : lieux d'emplois et logement.

Ces lieux n'évoluent que très peu. Une construction, qu'elle soit résidentielle ou lieu d'emploi, a une durée de vie de plusieurs cycles de vie humain.

Changement rapide : emploi et population.

Cette évolution rapide correspond aux cycles de vie des entreprises et des ménages.

Changement très rapide voire immédiat : les biens transport et dé- placements.

Ces interactions sont les éléments les plus exibles de l'ensemble. Elles peuvent être ajustées à la minute.

Tous ces systèmes peuvent être régulés soit par le marché, soit par des po- litiques publiques. La gure ci-dessous représente la boucle de rétroaction des interactions entre transport et urbanisation dénie par Wegener.

Guillaume Monchambert Mémoire de Master - Université Lyon 2, ENTPE

Figure 1  Boucle de rétro-action transport-urbanisation (Wegener, 1994)

Cette boucle de rétroaction spécie donc le cadre d'analyse des modèles LUTI. Si l'on veut construire un modèle dynamique et interactif, il faut prendre en compte au moins deux des huit sous-ensembles présentés plus haut et les intégrer dans une forme simpliée ou non de la boucle de rétroaction dénie par Wegener (gure 1).

1.2 Proposition de classication des modèles LUTI

Il existe une multitude de modèles LUTI. C'est pourquoi, après avoir pré- senté brièvement leur fonctionnement, nous proposons de les classer. Chaque modèle est bien entendu diérent : variables prises en compte, représentation de l'espace-temps. . . De plus, chaque modélisateur doit choisir un parti-pris en ce qui concerne les caractéristiques structurelles du modèle : dynamique ou statique, liens de causalité, le choix des diérentes fonctions. . . Cela conduit donc à une multitude de modèles très diérents les uns des autres. Toutefois, il semble que la classication proposée par Simmonds, Echenique & Bath (1999) soit une des plus pertinentes. En eet, en plus d'être l'objet d'un large consensus dans la communauté des modélisateurs, elle a l'avantage de classer les modèles selon leurs caractéristiques opérationnelles en mettant au second plan les partis-pris théoriques et méthodologiques (Deymier & Nicolas, 2005).

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Figure 2  Classication des modèles LUTI (Simmonds & Bates, 1999)

Une première distinction est faite entre les modèles de prévision et les modèles d'optimisation. En eet, ces derniers ont pour objectifs de simuler les congurations urbaines plutôt que de prédire les évolutions que subira la ville en fonction des politiques de transport. Ce sont des modèles généralement utilisés pour une planication à long terme, mais qui ont comme inconvénient majeur de ne pas être adaptés à la prévision des impacts de politiques de trans- port et d'aménagement sur l'aire urbaine.

Les modèles de prévision sont ensuite séparés en deux classes ; les mo- dèles statiques d'une part, et les modèles quasi-dynamiques d'autre part. Les modèles statiques essaient de prévoir l'évolution de certaines variables en considérant les autres variables comme données (Lowry, 1964). Ils décrivent l'équilibre atteint à chaque instant t mais pas le chemin parcouru pour y arri- ver. Cependant, comme nous l'avons vu précédemment avec la présentation de Wegener, le processus de changement urbain est un processus relativement long. Le changement urbain se fait à la marge, la majorité des ménages et des actifs ne change pas de localisation sur une période donnée. Ainsi les modèles statiques paraissent peu adaptés à cet objectif de modélisation.

Toutefois, ils sont encore utilisés pour deux principales raisons. Tout d'abord, ils permettent de prendre en considération l'impact du système urbain sans enga- ger un travail de modélisation dynamique. Ils sont donc relativement économes en temps et en force de travail. De plus, ces modèles dénissent un équilibre à chaque instant t, et ils permettent de caractériser des déséquilibres à l'origine du processus de changement urbain.

Le précurseur de ces modèles est METROPOLIS, développé par Lowry en 1964. L'hypothèse principale de ce modèle est que la croissance urbaine est fonction de l'expansion du secteur industriel qui détermine la distribution spa- tiale de la population et de l'emploi dans le secteur des services. L'étalement urbain est donc une composante endogène de ce type de modèle. L'un des dé- veloppements récents des modèles statiques est le modèle MUSSA, développé

Guillaume Monchambert Mémoire de Master - Université Lyon 2, ENTPE par Martinez (1992, 1997).

Parmi les modèles quasi-dynamiques, on distingue trois types de mo- dèles : les modèles basés sur l'entropie, les modèles spatiaux-économiques et les modèles basés sur l'activité.

Les modèles basés sur l'entropie ont été créés par Wilson (1970) qui s'est inspiré d'un concept issu de la thermodynamique. Ce principe réside dans la détermination de la condition tendancielle la plus probable du système qui cor- respond de fait à sa condition d'équilibre (appelée aussi  d'entropie maximale ) dans une situation d'information imparfaite. Ainsi, on peut dénir la congu- ration la plus probable des déplacements comme celle qui associe et représente le plus grand nombre de  micro-états  du système.

Un exemple de cette famille de modèles peut être DRAM/EMPAL, dé- veloppé par Putman (1995) et qui fut le modèle d'occupation des sols le plus appliqué aux États-Unis au début des années 1990. Cependant, il présente de nombreuses limites. Tout d'abord, il est  gourmand en temps et coût d'utilisa- tion. De plus, il tend à simplier la relation complexe qui existe entre emploi et ménages, ce qui l'éloigne de la réalité. Enn, le modèle ne permet pas de consi- dérer les eets de contigüité ou de débordements tels que ceux qui pourraient être engendrés par le développement résidentiel d'une zone sur une autre qui lui serait adjacente.

Les modèles spatiaux-économiques, comme leur nom l'indique, cherchent à inscrire les phénomènes socio-économiques dans leur dimension spatiale. Leurs fondements théoriques sont ceux de la théorie économique traditionnelle puis- qu'ils représentent les mécanismes économiques théoriques du marché pour at- teindre l'équilibre ore-demande à la fois pour les comportements d'usage des sols et pour les transports.

Le modèle TRANUS, développé par de la Barra & Perez depuis 1982 (de la Barra et al., 1984), est un bon exemple de ce type de modèle. En eet, il peut être appliqué à l'échelle urbaine ou régionale. Il a pour objectif de simuler les eets probables des politiques d'urbanisation et des projets de transports, mais aussi d'évaluer ces eets à un niveau social, économique et nancier. Ce modèle intègre plusieurs techniques de modélisation et diérents fondements théoriques, il est très complet mais dicile à calibrer. Pour pouvoir être appliqué, ce modèle nécessite de disposer des bases de données caractéri- sant l'année de base beaucoup plus importantes que les besoins des modèles vus précédemment. Il traite surtout de la problématique d'usage du sol, et il semble que le phénomène d'étalement urbain soit exogène au modèle. TRANUS a été appliqué entre autres aux agglomérations de Bruxelles, Inverness et Lyon pour des résultats mitigés selon les sites.

Les modèles basés sur l'activité (ou les choix discrets) traitent des diérents processus de changement qui aectent les activités et les espaces occu- pés. Ces modèles ne relocalisent pas toutes les activités lors de chaque période,

Guillaume Monchambert Mémoire de Master - Université Lyon 2, ENTPE mais séparent les décisions de déplacement et la recherche d'une nouvelle locali- sation. La segmentation doit donc être très détaillée. Le traitement des proces- sus de décisions des agents à travers les modèles de choix discrets est lui aussi assez n. Ces modèles permettent en outre d'avoir des rendus de changement démographiques plus détaillés.

URBANSIM, développé par Waddell (1994) lors de l'étude la ville d'Eugene- Springeld, est un modèle de choix discret basé sur l'activité et qui repose sur la théorie de la maximisation de l'utilité. Il est composé de plusieurs modules reétant les choix clés des ménages, des actifs, des promoteurs et des gouverne- ments. Ainsi, en adoptant une approche comportementale, le modèle fournit une structure théorique plus transparente pour les utilisateurs, leur permettant d'in- corporer explicitement des politiques et d'évaluer leurs eets. Ce modèle s'est largement répandu depuis sa création, que ce soit aux États-Unis (Houston, Honolulu. . . ) ou en Europe (Amsterdam, Zürich. . . ). Il a produit des résultats satisfaisants puisque selon le Transit Cooperative Highway Research Program, URBANSIM est le modèle LUTI qui se rapproche le plus de leur modèle idéal . Cependant, sa mise en ÷uvre est dicile car elle demande une quantité très importante de données, dont la production est assez coûteuse.

Après avoir présenté les diérents types de modèle LUTI, il apparait per- tinent de décrire le modèle standard de l'économie géographique. En eet, ce modèle est au fondement de l'analyse économique urbaine. Bon nombre des en- seignements qu'on peut en tirer sont vériés empiriquement, et les mécanismes en jeu sont encore observables de nos jours.