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Chapitre 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.4 Les migrations résidentielles

Les migrations, ou les relocalisations résidentielles, sont, après la fertilité et la mortalité, le troisième facteur déterminant la taille et la structure de la population; celles-ci viennent lier les activités dans l’espace et dans le temps et se traduisent par une modification des distances et des trajets (Dykstra et Wissen, 1999). La décision de changer de domicile émanerait d’un processus pour ajuster un déséquilibre perçu qui peut également être considéré comme un stress (Clark,

1993). Le principal objectif de cette migration est d’ajuster le logement aux nouveaux besoins générés par une variation dans la composition du ménage suivant ce cycle de vie (Homocianu, 2009) particulièrement chez les jeunes adultes (Plane et Jurjevich, 2008). Le changement du type de ménage d’appartenance d’un individu a un effet plus important qu’un changement qui serait lié à son emploi (Debrand et Taffin 2005).

2.4.1 LES DÉMÉNAGEMENTS ET LE TRANSFERT MODAL

Étant donné la robustesse du choix modal, particulièrement chez les conducteurs (Thøgersen, 2006), un changement de contexte tel qu’un déménagement peut venir offrir l’opportunité de briser les habitudes (Bamberg, 2006). Bien qu’il s’agisse d’une de ces rares et restreintes fenêtres pour influencer le choix modal, des études démontrent que le transport n’est pas un critère de premier ordre. Le choix est davantage influencé par la taille du ménage, le mode de tenure, la présence d’espace vert, l’environnement social et le confort de l’habitat (Prillwitz et coll., 2006). Par exemple, aux États-Unis, entre mars 1999 et mars 2000, 3,4 % des déménagements avaient pour principale raison l’amélioration du temps de déplacement pour le navettage quotidien (Schachter, 2001). Les déménagements, lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’une politique publique incitative, ne présentent pas l’effet déclencheur incitant une réflexion concernant le choix modal et ainsi, les effets peuvent varier d’une ville à l’autre (Meissonnier, 2011). L’évaluation des alternatives est rarement réalisée pour la majorité des trajets des individus et même pour un nouveau parcours (Kenyon et Lyons, 2003).

En 2006, 13,2 % des individus de la RMR de Montréal ont déménagé dans l’année précédant le recensement. Considérant le fait qu’une personne peut changer de domicile plusieurs fois durant une période donnée, sur les 5 années précédant le recensement, 42,0 % de la population a déclaré avoir changé de domicile19, les hommes ayant tendance à déménager 3,58 % plus souvent que les femmes. En somme, en fonction de l’espérance de vie des hommes et des femmes en 2006, nous pouvons estimer qu’au cours d’une vie une personne changera, en moyenne, entre 10 et 11 fois de domicile.

2.4.2 LES TYPES DE MIGRATION

Deux types de migration ont été identifiés soit l’intrarégional et l’extrarégional. Le premier type répond à des critères et motivations principalement caractérisés par une adaptation du domicile aux changements à l’intérieur du ménage et le second, à des raisons liées à l’emploi (Debrand et Taffin, 2005). Van Wissen et Dysktra soulignent également cette distinction en parlant de « mobilité résidentielle » et « migration » où le premier type ne comporte pas de changement de destination habituelle (seul le transport subissant un impact) et le second intègre un nouveau lieu de destination habituel (Van Wissen et Dykstra, 1999). L’immigration internationale est distincte dans la mesure où la sélection du domicile initial est fortement influencée par la présence d’autres individus partageant la même culture, langue, religion, etc., dans un secteur et où le lieu d’emploi influencera la localisation du domicile lorsque que les individus ont été recrutés à l’étranger (Zorlu et Mulder, 2008).

Selon Homocianu (2009), la migration intrarégionale suit les trois étapes suivantes : l’évaluation du bien-être actuel selon un niveau de préférence, la recherche dans le voisinage d’un lieu plus confortable avec un niveau de préférence supérieur, la motivation à déménager si le niveau de préférence est plus élevé pour une alternative différente que le lieu de domicile actuel. Selon le cas, si le ménage est propriétaire ou locataire, la propension à déménager sera différente (Homocianu, 2009). Enfin, Dieleman conclut que les propriétaires sont moins susceptibles de changer de lieu de résidence en relation avec un nouvel emploi, que les ménages jeunes sont plus mobiles, que les ménages de 2 personnes sont davantage attachés à leur quartier actuel et que les ménages d’une personne tendent à être plus mobiles que les autres, en matière de localisation résidentielle (Dieleman, 2001).

À Montréal, une étude a révélé que, dans les quartiers où se retrouvent de nouvelles constructions (par conséquent une nouvelle localisation), les individus réalisent 30 déplacements annuels motorisés supplémentaires; les auteurs ont également noté un écart important du nombre de déplacements réalisés en transport collectif (Joly et coll., 2009). Ce type d’exemple peut illustrer des lacunes au niveau de la qualité de la localisation des ménages. Il devrait encourager l’amélioration des politiques d’aménagement afin de réduire la dépendance à l’automobile en ciblant le type de développement résidentiel ayant le plus grand potentiel au niveau des transports actifs et collectifs (Dieleman et coll., 2002)

2.4.3 LES PERSONNES ÂGÉES ET LA SÉDENTARITÉ RÉSIDENTIELLE

Dans une étude réalisée par Dieleman en 2000 sur des données récoltées à tous les deux ans entre 1985 et 1995 concernant 27 régions métropolitaine aux États-Unis, 77 % des déménagements ont été réalisés vers des domiciles en location. Les jeunes adultes étant davantage locataires à ce stade de leur vie, la sédentarité des ménages sera donc un phénomène qui touchera en grande partie les personnes âgées (Dieleman et coll., 2000). Ces dernières, qui se sont établies en banlieue au moment où elles ont fondé une famille, préfèrent y demeurer après la retraite. En France, les retraités ont tendance à passer leurs vieux jours à l’endroit où ils ont passé la majorité de leur vie (Pochet, 2003). Cela fait en sorte qu’ils se retrouvent de plus en plus dispersés dans les banlieues pavillonnaires ou à faible densité (Grégoire, 2011). La dispersion des personnes âgées a effectivement évolué plus rapidement que celle de la population active faisant en sorte que la majorité des personnes âgées habiteront en banlieue dans le futur (Grégoire, 2011; ISQ, 2009c). Ces éléments sont cohérents avec les conclusions de Mulder et Cooke qui a également précisé des différences culturelles selon l’origine des individus (Mulder et Cooke, 2009). Les rapprochements entre les membres d’une même famille sont également bidirectionnels dans le sens où les jeunes adultes se rapprochent de leurs parents et vice-versa; l’assistance des parents étant plus importante que l’inverse comme variable explicative de ces rapprochements (Pettersson et Malmberg, 2009). Les personnes âgées désirant se relocaliser sont attirées par les banlieues où résident leurs petits enfants (Alsnih et Hensher, 2003; Grégoire, 2011).

Quand les personnes âgées migrent, trois types de migration successifs ont été notés. Le premier, suivant la retraite, est caractérisé par une migration vers des quartiers offrant de nombreux services. Le second est un ajustement à la détérioration physique des individus qui cherchent à se rapprocher d’amis ou de la famille. Le troisième est un déplacement vers les institutions appropriées. Une des variables du choix de localisation est donc la convenance des lieux où habite la famille (Alsnih et Hensher, 2003). Ces transformations ne sont point anecdotiques : le vieillissement dans le cycle de vie du ménage a un effet significatif sur le marché de l’habitation (Roy, 2007).