• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I: Des biocapteurs aux BioMEMS

I.3 Méthodes de transduction

I.3.3 Les méthodes de transduction électrochimique

Les méthodes de transduction électrochimique sont populaires dans le domaine des biocapteurs, non seulement pour des raisons historiques [2], mais aussi pour la simplicité des principes mis en jeu. Ces techniques sont plus en adéquation avec la miniaturisation que les méthodes de transduction optique, grâce à leur niveau d’intégration et leur compatibilité avec les techniques de fabrication dérivées de la microélectronique.

Les transducteurs électrochimiques sont classifiés selon trois catégories : ampérométriques, potentiométriques et conductimétriques. Contrairement aux méthodes de transduction génériques telles que la résonance plasmonique de surface ou la microbalance à

quartz, le résultat de la transduction par électrochimie provient d’un signal direct ou indirect généré par la reconnaissance des analytes, montrant leur couplage intéressant avec les biorécepteurs catalytiques. Hormis le principe général de chaque catégorie de transduction électrochimique, chaque application de ces biocapteurs est un cas particulier de fonctionnement du transducteur. Donc seuls des cas applicatifs parmi les plus significatifs seront présentés dans cette partie.

I.3.3.1 Les transducteurs ampérométriques

La transduction par ampérométrie représente une des méthodes de transduction électrochimique les plus couramment utilisées, de part sa sensibilité, sa rapidité et son faible coût. En effet, cette méthode est basée sur la détection du courant électrique associé aux électrons générés lors d’une réaction d’oxydoréduction. Comme le montre la figure 1.15, après l’immobilisation de biorécepteurs à la surface d’une électrode de travail, l’interaction avec l’analyte peut provoquer une réaction directe ou indirecte de type redox, modifiant l’accumulation de charges au niveau de l’électrode par rapport à une électrode de référence.

Figure 1.15 : Principe de la transduction par ampérométrie.

Les applications prépondérantes des transducteurs ampérométriques utilisent les biorécepteurs catalytiques, où le courant généré par les électrons issus directement ou indirectement de la réaction catalytique est mesuré par l’électrode. Les exemples les plus communs concernent la détection de glucose par l’intermédiaire de l’enzyme glucose- oxydase. Comme il a été vu dans la section I.2.1.1, la reconnaissance du glucose par la glucose-oxydase en présence d’oxygène et d’eau catalyse le glucose en acide gluconique et génère de l’eau oxygénée (H2O2) [88]. Ensuite, l’eau oxygénée peut être oxydée par une

électrode de référence de type Ag/AgCl au potentiel de +600 mV. Les électrons générés lors la réaction d’oxydation sont mesurés par l’électrode de travail sous la forme d’un courant. Cette méthode de transduction indirecte est fréquemment utilisée comme technique de référence pour la détection de glucose. Cependant, les potentiels mis en œuvre pour l’électro- oxydation de l’eau oxygénée peuvent causer des interférences avec le milieu biologique, étant donnée la présence de substances facilement oxydables, influençant la qualité de la détection. Ainsi, l’encapsulation des enzymes dans des polymères a été favorisée pour limiter ces effets [89,90].

La miniaturisation des transducteurs électrochimiques a permis le développement de micro-transducteurs ampérométriques afin d’améliorer la sensibilité et les temps de réponse. A l’échelle micrométrique, les capteurs développés doivent contenir l’électrode de travail et l’électrode de référence intégrées sur la même puce. Il a ainsi pu être réalisé un capteur de glucose implantable [91]. Le système est basé sur un fil de platine de 178 µm de diamètre dont différentes couches pour la transformation du glucose en eau oxygénée, la limitation des interférences et le contrôle de l’influx de glucose et d’oxygène sont enroulées autour de l’électrode. L’électrode de référence englobe l’ensemble précédemment décrit. Après la

calibration des capteurs in vitro, les résultats obtenus in vivo (sur des rats) montrent une bonne cohérence entre les niveaux de glucose mesurés dans le sang par les capteurs et par les techniques de dosage traditionnelles.

Les quelques exemples décrits ci-dessus montrent un degré d’aboutissement élevé de biocapteurs par transduction ampérométrique. Cependant, ce niveau de développement est lié au couplage intéressant avec les biorécepteurs catalytiques et notamment à la détection de glucose dont le marché potentiel est grand public.

I.3.3.2 Les transducteurs potentiométriques

Comme pour les transducteurs ampérométriques, la popularité des transducteurs potentiométriques provient de la connaissance avancée des phénomènes électrochimiques mis en jeu. La transduction potentiométrique traduit les variations de potentiels au niveau d’électrodes, causées par des ions, des réactions chimiques ou plus récemment par la charge électrique de faibles quantités de biomolécules. La figure 1.16 montre un exemple de transducteur potentiométrique largement utilisé, le transistor à effet de champ sensible aux ions (ISFET). Ces transducteurs sont disponibles dans le commerce (comme les ChemFET), principalement comme capteurs de pH.

Figure 1.16 : Principe de fonctionnement d’un ISFET par transduction potentiométrique.

Hormis les applications classiques de ces transducteurs, les avancées les plus significatives dans ce domaine ont été réalisées au niveau des échelles micro et nanométriques. En effet, l’engouement pour les nanofils permet le développement de transducteurs hautement sensibles grâce à un rapport de forme largement favorable (la surface de contact est élevée comparée au volume global des fils). C’est ainsi que l’équipe de C. Lieber à Harvard a démontré l’utilisation de nanofils en silicium dopé P placés entre deux électrodes pour la réalisation de nanoFET (cf figure 1.17) [92].

Ces transducteurs potentiométriques ont tout d’abord été validés comme capteurs de pH avant d’être utilisés pour la reconnaissance spécifique d’anticorps (modèle antigène biotine / anticorps monoclonaux anti-biotine). Les résultats obtenus montrent que lors de l’injection d’anticorps anti-biotine sur la biotine immobilisée, une diminution de la conductance mesurée au niveau des électrodes est significative de l’accroche de molécules chargées positivement, ce qui est le cas des anticorps utilisés aux conditions de pH (pH = 7). Des expériences contrôles ont confirmé la spécificité de la reconnaissance. Aussi, comme le montre la figure 1.18, un effet dose a pu être observé puisque le changement de conductance varie avec la concentration en anticorps, jusqu’à la concentration de 10 nM à partir de laquelle une saturation a pu être observée. D’autres expériences sur l’interaction entre la biotine et la streptavidine ont permis d’atteindre des limites de détection aussi faibles que 10 pM.

Figure 1.17 : Transduction de la reconnaissance biologique par un nanoFET (adapté de la référence [92]).

Figure 1.18 : Influence de la concentration en anticorps anti-biotine sur le changement de conductance d’un nanoFET (Courtoisie de C. Lieber [92]).

Dans un autre type de reconnaissance, les mêmes structures nanoFET ont repoussé les limites dans la détection de virus [93]. Dans ce cas, après l’immobilisation d’anticorps contre les virus d’intérêts, la détection parallèle d’un seul virus a pu être achevée, correspondant à une concentration de 80 aM (10-18 M). De plus, les expériences par variation de pH ont confirmé que les changements de conductance étaient dus à des effets de champ et pas à des changements de capacité, ce qui est le cas dans des expériences similaires faites avec des nanotubes de carbone [94].

L’achèvement de biocapteurs par transduction potentiométrique à base de nanofils correspond à des avancées technologiques considérables. Néanmoins, il est important de noter que l’alignement de nanofil entre deux électrodes n’est pas aisé, limitant encore le potentiel de ces structures en tant que transducteurs potentiométriques hautement sensibles.

I.3.3.3 Les transducteurs conductimétriques

Les méthodes de transduction par conductimétrie sont attractives grâce à leur simplicité de fabrication et leur facilité d’utilisation. Comme le montre la figure 1.19, les transducteurs conductimétriques mesurent les changements d’impédance électrique entre deux

électrodes, où les variations peuvent provenir à une interface ou dans la région comprise entre les électrodes. Contrairement aux transducteurs ampérométriques et potentiométriques, la simplicité de fabrication provient de l’absence d’électrode de référence. La mesure de deux types d’impédance peut être un avantage ou un inconvénient, selon la composition du milieu principalement. Par exemple, si les changements doivent être mesurés à l’interface des électrodes, la composition du milieu dans la région entre les électrodes (la force ionique entre autre) peut perturber les mesures. C’est pourquoi, malgré la simplicité du principe de détection, des optimisations sont nécessaires afin d’améliorer la sélectivité de la détection.

Figure 1.19 : Principe de la transduction par conductimétrie.

Comme pour les transducteurs ampérométriques, la transduction par conductimétrie est adéquate pour l’utilisation de membranes contenant les biorécepteurs [95, 96]. C’est ainsi que le couplage de ces transducteurs avec les polymères à empreinte moléculaire a généré des applications pertinentes. La détection d’herbicide, tels que le 2,4-D [97] ou l’atrazine a pu être achevée. Dans le cas de l’atrazine, la construction d’une membrane suspendue contenant le MIP atrazine entre deux électrodes de platine a pu être réalisée [98]. Une optimisation approfondie de la composition du polymère a été nécessaire, tant au niveau des monomères qu’au niveau du porogène. Ces améliorations se sont révélées être importantes non seulement pour l’obtention de membranes flexibles et stables, mais aussi car la réponse conductimétrique semblait être dépendante de la capacité du MIP à changer de conformation lors de l’accroche de l’analyte. L’efficacité des optimisations a permis d’atteindre des limites de détection de 5 nM pour la détection de l’atrazine avec une bonne spécificité par rapport à des herbicides structurellement proches de l’atrazine. Les détails des optimisations n’ont pas été présentés dans ce paragraphe, mais l’essentiel du travail effectué pour cette détection très sensible par conductimétrie a concerné l’obtention de la meilleure composition du MIP. Cela met en évidence que malgré la simplicité de la détection, la sélectivité intrinsèque de cette transduction est un facteur limitant.