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Les mécanismes moléculaires de l’androgéno-indépendance, dépendants du

B. De l’androgéno-dépendance à la résistance

3. Les mécanismes moléculaires de l’androgéno-indépendance, dépendants du

Il existe plusieurs mécanismes capables de favoriser la croissance cellulaire en ciblant les voies de signalisation, génomiques ou non-génomiques, dépendantes du récepteur aux androgènes (Figure 22).

a) Voies conventionnelles

Amplification du gène RA

La surexpression du RA est impliquée dans le développement de CRPC in vitro et in

vivo. Ainsi, dans les cellules androgéno-sensibles LNCaP, le taux de transcrit RA est doublé

et la quantité de récepteur exprimé est multipliée par 15 au cours de la progression vers l’androgéno-indépendance (Kokontis et al., 1994). In vivo, dans 25 à 30 % des tumeurs hormono-résistantes, le gène codant le RA est amplifié, ce qui entraîne une augmentation d’expression de l’ARNm et de la protéine (Brown et al., 2002; Edwards et al., 2003; Koivisto, 1997). Ces taux élevés de récepteur ainsi que sa stabilité et sa localisation nucléaire permettent d’assurer la survie et la prolifération des cellules tumorales dans un environnement quasiment dépourvu d’androgènes. A l’inverse, dans les cancers primaires ou avant castration, on ne retrouve pas cette amplification génique, ce qui indique qu’elle est une conséquence de la castration et qu’elle participe à la progression tumorale (Feldman and Feldman, 2001).

Cependant une augmentation des taux d’ARNm et de protéine est aussi trouvée dans certains cancers sans amplification du gène, ce qui indique l’existence des mécanismes de régulations indépendants, comme des mécanismes épigénétiques et des régulations par des miRNA (Powell et al., 2004).

Mutations du gène RA

Des mutations du RA sont également associées aux mécanismes de résistance des cellules tumorales en milieu pauvre en androgènes. Si la fréquence des mutations génétiques dans le locus RA est très rare (0-4 %) aux stades précoces dans les cancers localisés, elle augmente dans les stades avancés de cancer et dans les cancers métastasés (Taplin et al., 1995). On retrouve des mutations du gène RA chez 10 à 20 % des tumeurs androgéno- indépendantes (Newmark et al., 1992; Taplin et al., 1995).

La première mutation du RA a été découverte dans la lignée hormono-sensible LNCaP sous forme d’un changement d’acide aminé, une thréonine remplacée par une par alanine, au

62 niveau du codon 877 du récepteur (T877A) (Gaddipati et al., 1994; Veldscholte et al., 1992). Cette substitution survient dans le domaine de liaison au ligand (LBD) et a pour conséquence d’élargir la spécificité du récepteur à d’autres ligands que la DHT comme la progestérone, les œstrogènes ou des anti-androgènes comme la flutamide. En fixant le RA muté, ces ligands agissent comme des agonistes des androgènes et déclenchent la signalisation sous-jacente. Cette mutation T877A est couramment trouvée chez les patients atteints de CRPC et assure la croissance de tumeur (Otsuka et al., 2011; Sun et al., 2006).

La mutation L701H correspond à la substitution d’une leucine par une histidine au niveau du codon 701 situé dans le LBD. Elle diminue l’affinité du RA pour la DHT, mais favorise la liaison de corticostéroïdes, en particulier le cortisol et la cortisone. Cette mutation a été détectée en même temps que la mutation T877A dans des métastases osseuses. Sur le récepteur doublement muté, RAccr (Cortisol and Cortisone Responsive), le cortisol et la cortisone fonctionnent comme des agonistes et leur taux physiologique circulant est suffisant pour induire la progression l’hormono-indépendance (Zhao et al., 2000).

Comme les mutations T877A et L701H, les autres mutations du RA cliniquement « pertinentes » comme H874Y, V715M et Y741C, touchent le domaine LBD, et modifient la spécificité au ligand ou génèrent un récepteur constitutivement actif.

La fréquence et la nature des mutations du RA dans le cancer de la prostate dépendent du stade tumoral, mais aussi des pressions de sélection imposées au cours des différents traitements. Une étude de Marcelli et collaborateurs, montre ainsi que des mutations du RA ont été trouvées chez 8/38 patients ayant subi une castration androgénique, tandis qu’aucune mutation n’a été détectée chez 99 patients ayant subi une prostatectomie totale sans aucun traitement hormonal (Marcelli et al., 2000). Cette étude indique que l’acquisition de mutations du RA participe au développement des CRPC et l’acquisition de phénotype métastasique en absence des androgènes.

Des variants d'épissage ont été identifiés récemment et ont été trouvés surexprimés dans les CRPC. En 2009, Guo et son équipe ont découvert 3 nouveaux variants du RA nommés RA3, RA4 et RE5, tous dépourvus du domaine de liaison au ligand (Guo et al., 2009). Bien que ces variants soient encore peu connus, ils sont intéressants en ce qu’ils ne sont pas inhibées par les anti-androgènes disponibles actuellement et procurent aux cellules un nouveau mécanisme d’échappement à l’hormonothérapie. Le développement de thérapies ciblant ces variants est un enjeu d’importance.

63 Altération des co-régulateurs du RA

Le RA est un facteur de transcription nucléaire qui interagit avec de nombreux co- régulateurs au sein des complexes transcriptionnels. Ces co-régulateurs peuvent soit augmenter (co-activateurs) soit réduire (co-répresseurs) la transactivation dépendante du RA. À ce jour, environ 170 protéines ont été identifiées comme corégulateurs du récepteur aux androgènes (Heemers and Tindall, 2007). Les altérations de l'équilibre de ces régulations peuvent apporter des avantages pour la croissance des cellules cancéreuses de la prostate et font de ces partenaires du RA des cibles thérapeutiques potentielles.

- Les co-activateurs du RA

Des co-activateurs comme TIF2 (transcriptional intermediary factor 2) et SRC1 (steroid receptor coactivator 1) partagent des composants structuraux communs qui les permettent de fixer le RA et d’induire son activité transcriptionnelle (Shen and Coetzee, 2005; Shen et al., 2005). Comme décrit précédemment, les co-activateurs sont capables de recruter d'autres activateurs qui contiennent des domaines d’activité histone acétyl-transférase, comme Tip60 (Tat interactive protein, 60 kDa), CBP/p300 et p/CAF (P300/CBP-associated factor), et qui sont impliqués dans l'acétylation des résidus spécifiques d’histones lors du remodelage de la chromatine (Shen and Coetzee, 2005). Plusieurs études ont rapporté une augmentation des concentrations de TIF2, SRC1 et Tip60 dans des échantillons de CRPC en corrélation avec la surexpression du RA (Gregory et al., 2001b; Halkidou et al., 2003). La protéine PRCA1 (PRostate CAncer 1) peut également lier et activer le RA (Park et al., 2000; Shen and Coetzee, 2005).

- Les co-répresseurs du RA

Contrairement aux co-activateurs, les co-répresseurs peuvent former des complexes avec le RA et inhiber la transcription des gènes régulés par le récepteur. Toute modification dans l'expression de ces co-répresseurs peut également jouer un rôle important dans le développement de CRPC. Deux co-répresseurs du RA bien caractérisés sont le NCoR (Nuclear receptor CoRepressor) et son homologue SMRT (Silencing Mediator for Retinoid and Thyroid hormone receptor) (Godoy et al., 2012; Liao et al., 2003). Ces deux corépresseurs peuvent recruter des histones désacétylases, qui favorisent la condensation de la chromatine, réduisant ainsi l'activité transcriptionnelle. La diminution de l'expression de ces corépresseurs, peut induire une augmentation de l'activité du RA et favoriser la survie et la croissance des cellules de cancer de la prostate dans des conditions de faible concentration

64 androgénique (Liao et al., 2003). La surexpression de NCoR/SMRT perturbe également le recrutement des co-répresseurs du RA dans les cellules de cancer de la prostate et augmente l’activité transcriptionnelle du RA (Laschak et al., 2011). Cycline D1 à son tour fixe le domaine N-ter du RA et altère son activité transcriptionnelle (Petre et al., 2002).

Surexpression du ligand

Dans la prostate, la testostérone libre est convertie en son métabolite plus actif, la DHT, et cette réaction est catalysée par les 5α-réductases de types 1 et 2.

Dans le but de compenser la baisse globale des androgènes circulants suite à la castration androgénique, les cellules de CRPC tendent à augmenter le taux de conversion de testostérone en DHT par l’augmentation de l'activité des enzymes 5α-réductase. La quantification des transcrits 5α-réductase révèle des taux élevés dans les CRPC, cruciaux pour la production locale de DHT (Montgomery et al., 2008).Ce qui explique la haute concentration de DHT dans les tissus des tumeurs prostatiques par rapport à la concentration sérique. La DHT produite dans les cellules de CRPC maintient la signalisation sous-jacente du RA, même avec des niveaux significativement bas de testostérone (Montgomery et al., 2008; Thomas et al., 2009). Alors que les niveaux sériques de testostérone diminuent de 95% après castration, la concentration de DHT dans les tissus prostatiques est réduite de 60% seulement (Feldman and Feldman, 2001).

Figure 22 : Les voies conventionnelles de l’androgéno- indépendance, dépendantes du RA.

(1) Amplification du gène RA. (2) Mutation du RA qui réduit sa spécificité et permet l’activation par des facteurs autres que les androgènes. (3) Altération des co- régulateurs. (4) Surexpression de la DHT suite à l’activation de la 5α- réductase.

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b) Voies non conventionnelles

Activation du RA déclenchée par les récepteurs à activité tyrosine kinase

Les cellules de cancer de la prostate prolifère dans un environnement dépourvu d’androgène grâce à des interaction entre les voies de signalisation sous-jacentes des récepteurs ErbB et la signalisation du RA (El Sheikh et al., 2003). Le dialogue entre les deux voies assure la résistance et la progression de la tumeur en absence de l’androgène, où ErbB1 activé par EGF stimule le RA via AKT et MAPK (Traish and Morgentaler, 2009) . In vitro sur des lignées cellulaires androgéno-dépendantes, la privation androgénique provoque une surexpression d’ErbB2 et l’acquisition d’un phénotype androgéno-indépendant (Craft et al, 1999 ; Yeh et al., 1999). ErbB2 à son tour assure la prolifération cellulaire et la croissance du cancer de la prostate (Neto et al., 2010). L’activation d’ErbB2 induit la phosphorylation du RA par la voie MAPK au niveau de la sérine 514 et par la voie PI3K au niveau des sérines 213 et 791 (Ye et al, 1999 ; Wen Y et al, 2000). L’inhibition d’ErbB2 avec l’anticorps monoclonal trastuzumab, montre des effets anti-prolifératifs sur des lignées cellulaires androgéno-dépendantes et sur les lignées androgéno-independantes lorsque le trastuzumab est combiné avec une chimiothérapie à base de paclitaxel (Agus et al., 1999b). Contrairement à ce qui se passe pour IGF1 (Insulin-like Growth Factor 1) IL-6 (Interleukine) ou IL-8, le traitement avec des anti-androgènes n’empêche pas cette activation, ce qui signifie qu’elle est indépendante du domaine de liaison au ligand (Craft N et al., 1999).

Chez les patients résistants au traitement, la surexpression d’ErbB2 est associée à l’activation transcriptionnelle des gènes cibles du RA en absence d’androgènes. Une corrélation avec la progression vers le stade androgéno-indépendant a été rapportée (Signoretti et al, 2000) mais d’autres études ne montrent aucune corrélation avec le niveau d’agressivité (Mofid B, 2007).

Activation du RA par interaction avec des facteurs de croissance

Certain facteurs de croissance surexprimés dans les CRPC comme l’IGF1 (insulin-like growth factor-1), le KGF (keratinocyte growth factor) et l’EGF (epidermal growth factor) sont capables d’activer le RA et d’induire la transcription des gènes cibles en absence quasi-totale d’androgènes (Culig et al., 1994; Roznovanu et al., 2005). Ces facteurs de croissance peuvent agir en se liant directement au domaine LBD de liaison au ligand. L’activation constitutive des cytokines pro-inflammatoires IL-6 et IL-8 est également associée à la résistance aux

66 traitements. Ces interleukines sont régulées par la voie de signalisation NF-kB, constitutivement activée dans les CRPC après traitement au Docetaxel (Codony-Servat J, 2013). Surexprimées, IL6 et IL8 interagissent directement avec le LBD du RA pour l’activer (Malinowska et al., 2009).

Tous ces facteurs de croissance peuvent également agir sur leurs récepteurs à la membrane pour déclencher des cascades de signalisation intracellulaire conduisant aussi à l’activation du RA.

Activation du RA par la voie Wnt

Récemment, il a été montré que la β-caténine une des principales molécules de la voie Wnt interagit avec le RA et module son activité (Schweizer et al., 2008). Le β-caténine joue un rôle dans la transcription de l’ARN, signalisation et l’adhésion cellulaire. Le Les complexes β-caténine/RA sont détectés dans les CRPC mais pas dans les cancer androgèno- dependants et leur activités corrèlent avec la progression, métastase et l’agressivité du tumeur (Jung et al., 2013). Ces données indiquent que l’interaction physique entre les deux protéines et la connexion entre les deux voies de signalisation favoriserait le développement des CRPC (Schweizer et al., 2008). La voie Wnt peut aussi stimuler le développement de tumeur prostatique via le RA indépendamment de β-caténine (Takahashi et al., 2011).

Figure 23 : Les voies non conventionnelles de l’androgéno-indépendance, dépendantes du RA. Le

RA peut être phosphorylé par : (1) les récepteurs aux facteurs de croissance ErbB eux-mêmes activés par leur(s) ligand(s), (2) des facteurs de croissance comme l’IGF1 (insulin-like growth factor-1), le KGF (keratinocytes growth factor) et l’EGF (epidermal growth factor) ou des cytokines comme IL-6 et -8 (Interleukine-6 et -8), (3) la β-caténine de la voie WNT.

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4. Les mécanismes moléculaires de l’androgéno-indépendance, indépendants du