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C. Les thérapies qui ciblent le récepteur ErbB3

3. Les anticorps monoclonaux thérapeutiques (mAb)

Comme nous l’avons déjà vu, ErbB3 se distingue des autres membres de la famille ErbB par son domaine kinase déficient (Figure 1). En conséquence, seuls des anticorps ciblant la partie extracellulaire d’ErbB3 peuvent s’avérer efficaces pour inhiber la signalisation à partir de ce récepteur.

a) Les anticorps anti-ErbB3

Deux anticorps monoclonaux MM-121 et AMG-888 (figure 16) sont actuellement en phase 1 et 2 d’essais cliniques et font l’objet des études in vitro et in vivo dans divers cancers.

Les études in vitro, réalisées dans trois lignées cancéreuses, rénale, gastrique et mammaire ont montré que l’anticorps MM-121 bloque l’accès au ligand et diminue l’expression et la phosphorylation d’ErbB3 (Schoeberl et al., 2009). Dans la lignée tumorale de poumon ErbB1-dépendante HCC827, le traitement par MM-121 re-sensibilise les cellules au gefitinib évitant ainsi la résistance des cellules (Schoeberl et al., 2010). In vivo, dans des modèles de xénogreffes de cancer de poumon, MM-121 empêche l’apparition d’une résistance au cetuximab en prévenant la réactivation d’ErbB3 (Schoeberl et al., 2010). De même, dans des xénogreffes de cancer ovarien il inhibe la croissance tumorale et prolonge la survie (Sheng et al., 2010). En combinaison avec le trastuzumab, MM-121 inhibe également la prolifération des cellules de cancer de sein ErbB2-dépendante résistantes au trastuzumab et stimule l’apoptose in vivo (Huang et al., 2013a).

In vitro, dans des cellules de cancer de sein ErbB2-dépendant, l’anticorps AMG-888

44 lapatinib et le trastuzumab. En combinaison avec ces TKIs, AMG-888 en améliore les effets anti-tumoraux et accroît la survie des souris xénogreffées (Garrett et al., 2013). In vivo, AMG- 888 réduit également la prolifération cellulaire dans les HNSCC (head and neck cancers are squamous cell carcinomas) et NSCLC et les sensibilise à la radiothérapie en bloquant l’activité d’ErbB3. Chez les souris xénogreffées de HNSCC et NSCLC l’irradiation couplée à l’AMG-888 diminue la croissance tumorale en augmentant les dommages sur la molécule d’ADN et en induisant l’apoptose (Li et al., 2013a).

Toutes ces études suggèrent qu’ErbB3 joue un rôle très important dans la réponse tumorale aux thérapies ciblant ErbB1/ ErbB2 associées à la radiothérapie. Le blocage de son activité en combinaison avec autre traitement peut être bénéfique pour lutter contre la progression et la dissémination tumorales. Pour cette raison, des anticorps à double spécificité capables de cibler simultanément les dimères ErbB1/ErbB3 ou ErbB2/ErbB3, ont été développés.

b) Les anticorps à double spécificité

L’anticorps MEHD7945A (Figure 16) développé par Schaefer et son équipe, cible ErbB1 et ErbB3. Il est capable d’empêcher in-vitro l’activation des voies AKT et MAPK en inhibant la phosphorylation de ces récepteurs (Schaefer et al., 2011).

Dans les lignées cellulaires H226 (NSCLC) et SCC6 (HNSCC) résistantes au cetuximab et à l’erlotinib, MEHD7945A inhibe la croissance et induit l’apoptose des cellules en modulant la voie de signalisation d’ErbB1/ErbB3. In vivo, sur des xénogreffes de cellules H226 et SCC6 chez la souris, MEHD7945A diminue la survie des cellules tumorales après radiothérapie alors qu’aucune amélioration n’est obtenue en combinant la radiothérapie au traitement cetuximab et erlotinib (Huang et al., 2013b).

En réponse aux inhibiteur d’AKT et PI3K, les cellules de cancer de sein TNBC (Triple-negative breast cancer) ; ErbB2-, RE- (Récepteur des œstrogènes) et RP- (Récepteur de la Progestérone) présentent une phosphorylation accrue d’ErbB3. En revanche, in vitro la combinaison de ces inhibiteurs avec MEHD7954A limite la phosphorylation des récepteurs ErbB1 et ErbB3 et réduit la prolifération cellulaire. In vivo les résultats sur les xénogreffes de TNBC sont également meilleurs que ceux obtenus avec la combinaison inhibiteurs d’AKT/PI3K et cetuximab (Tao et al., 2014).

45 Le dimère ErbB2/ErbB3 est aussi la cible de développement d’anticorps à double spécificité, car parmi toutes les combinaisons possibles c’est celle qui présente le plus fort potentiel de signalisation oncogénique (Hynes and Lane, 2005; Yarden and Sliwkowski, 2001). L’équipe de Robinson a développé en 2008 un anticorps à double spécificité dirigé contre le dimère ErbB2/ErbB3 nommé ALM (A5-linker-ML3.9 bispecific single-chain Fv) (figue 16). Cet anticorps cible sélectivement les cellules ErbB2+/ErbB3+ in-vitro et les

tumeurs ErbB2+/ErbB3+ in-vivo limitant ainsi la prolifération cellulaire et la croissance de ces

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Deuxième partie : Le cancer de la prostate

L’objectif de cette 2ème partie n’est pas de rapporter de manière exhaustive tout ce qui s’est publié ou se publie actuellement sur le cancer de la prostate. Nous avons sélectionné ce qui nous a paru essentiel à la compréhension de la physiologie normale et tumorale de la prostate et indispensable à l’éclairage de notre étude.

I. La prostate normale

A. Anatomie de la prostate

La prostate est une glande fibromusculaire de l’appareil génital masculin, située dans la cavité pelvienne entre la symphyse pubienne et le rectum, en dessous de la vessie (Figure 17a). Elle entoure la partie initiale de l’urètre. Elle participe avec les vésicules séminales à la production du liquide séminal qui entre dans la composition du sperme. Cette glande pèse environ 15 g et mesure environ 38 mm chez l’adulte jeune.

Figure 17 : Anatomie de l’appareil génital masculin et coupe histologique de la glande prostatique. a)

Représentation de l’appareil génital masculin montrant la position de la prostate entourant l’urètre. b) les différentes zones de la prostate (Harvard medical school ; prostate knowledge). c) Coupe histologique de prostate normale (WebPathology).

47 Sur le plan anatomique, la prostate est formée de quatre zones distinctes : la zone périphérique, la zone centrale, la zone de transition et la zone fibromusculaire (Figure 17b).

La zone périphérique (ZP) est présente sur les faces postérieures et latérales de la prostate et constitue les ¾ du poids de la glande. Elle est constituée d’un épithélium glandulaire monostratifié (Figure 17b).

La couche luminale de cet épithélium est composée de cellules épithéliales différenciées dites cellules sécrétrices. Ces cellules, qui expriment le récepteur aux androgènes (RA) et l’antigène spécifique de la prostate (PSA), sont responsables de la sécrétion du liquide séminal.

La couche basale est située entre la membrane basale et le pôle basal des cellules secrétrices. Elle est formée de cellules souches en contact avec la membrane basale à partir desquelles va se former un compartiment dit de transition et d’amplification (Transit- Amplifying, TA) constitué de cellules à fort potentiel prolifératif et de cellules neuro- endocrines (NE). Ces dernières sont présentes dans tous les compartiments glandulaires, isolées ou sous forme d’ilôts, en particulier dans la zone périphérique et la zone centrale (Bonkhoff and Remberger, 1996; Bonkhoff et al., 1994).

Les cellules souches expriment des récepteurs aux facteurs de croissance mais n’expriment ni le récepteur aux androgènes ni le PSA, comme les cellules intermédiaires, hautement prolifératives (Figure 18). En se différenciant en cellules sécrétrices, celles-ci perdront leur capacité de prolifération et deviendront RA (Récepteur aux Androgènes) et PSA positives.

La zone centrale (ZC) s’intercale dans la zone périphérique et représente ¼ du tissu glandulaire.

La zone de transition (ZT) est formée de deux lobes dans lesquels se développent les hyperplasies bénignes et près de 25% des tumeurs.

Le stroma fibromusculaire s’étend sur la face antérieure de la prostate. On y retrouve principalement des cellules dendritiques, des fibroblastes, des cellules musculaires lisses, des cellules endothéliales, des lymphocytes et macrophages infiltrés.

48 Les cellules stromales expriment le récepteur aux androgènes et sécrètent des facteurs de croissance qui peuvent agir d’une façon paracrine sur les cellules épithéliales (Feldman and Feldman, 2001). Les facteurs de croissance fibroblastiques, en particulier FGF-10 (Fibroblast growth factors 10) et dans une moindre mesure FGF-7 activent la prolifération des cellules épithéliales tout en agissant comme chemo-attractant pour induire les ramifications des canaux de la glande au cours du développement (Figure 18) (Ittman and Mansukhani, 1997; Story et al., 1994).

B. Les androgènes dans la prostate normale

1. L’axe hypothalamo-hypophysaire

La testostérone et la dihydrotestostérone (DHT) sont les principaux stéroïdes responsables du développement des organes externes de l’appareil génital masculin et de la différenciation des glandes associées dont la prostate. Ces androgènes participent également à la spermatogenèse ainsi qu’à la maintenance et l’homéostasie des tissus sexuels chez l'adulte (Dohle et al, 2003). Par ailleurs, ils jouent un rôle important dans le développement et la

Figure 18 : Processus de développement de la prostate.

Dans la prostate normale, la croissance et la maintenance de l’épithélium sont sous contrôle d’andromédines FGF, IGF, TGFb…). Elles sont produites par les cellules stromales en réponse aux androgènes apportés par le sang, qui activent le RA. Ces facteurs de croissance et de survie agissent sur les cellules épithéliales afin de stimulerla prolifération et la différenciation.

D’après Yin Sun et al, 2009 (Sun et al., 2009b)

49 progression des pathologies prostatiques associées à l'âge comme l'hyperplasie bénigne et le cancer de la prostate (CaP).

La testostérone est produite essentiellement par les testicules et en plus faible quantité par les glandes surrénales, sous l’effet d’une neuro-hormone, la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone). La GnRH est libérée dans l'hypothalamus à proximité de l'hypophyse qui constitue son organe cible. Les cellules gonadotropes de l'hypophyse sécrètent en retour l’hormone lutéinisante LH et l'hormone folliculo-stimulante FSH, qui sont transportées dans la circulation sanguine jusqu’aux cellules de Leydig des testicules où elles stimulent la production de spermatozoïdes et de testostérone.

Dans la prostate, la testostérone est généralement convertie en dihydrotestostérone (DHT), un androgène plus puissant que son précurseur, sous l'action de l’enzyme 5-α- réductase, (Askew et al., 2007; Feldman and Feldman, 2001; Zhu and Imperato-McGinley, 2009).