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I. 2.3.2 Le « Steady State »

I.3 Vers une compréhension plus fine des mécanismes de l’oxydation

I.3.4 Les mécanismes initiaux à faible recouvrement

Nous présentons ici l’état de l’art suivant une perception chronologique du mécanisme de l’oxydation du substrat de silicium.

I.3.4.1 Les sites réactionnels du substrat initial

Une des techniques expérimentales qui permet d’observer localement et d’identifier les sites réactionnels sur la surface de silicium est la microscopie à effet tunnel (STM). Par une technique de balayage à proximité d’un substrat à l’aide d’une sonde, c’est-à-dire une pointe métallique, la densité électronique des états libres ou occupés des atomes de la surface est mesurée localement pour reconstituer la topographie de la surface. Une tension est appliquée entre la pointe et la surface. Cette tension peut être positive ou négative, suivant que l’on mesure des états inoccupés ou des états occupés de la surface : les électrons circulent alors de la pointe vers la surface ou de la surface vers la pointe respectivement, un courant tunnel est ainsi créé. En maintenant le courant tunnel constant, la surface est balayée puis reconstituée (une autre technique similaire, consiste à garder constante la distance pointe-surface). Les mesures STM sont réalisées dans une enceinte ultra-vide pour s’affranchir de toutes sortes de contaminations. Il faut spécifier que cette technique expérimentale permet d’identifier « uniquement » les premières étapes de l’oxydation, car dès que la surface est recouverte d’une monocouche d’oxyde, la résolution à l’échelle nanométrique est perdue.

Aux tous premiers stades de l’oxydation d’une surface de silicium Si(111), il a été identifié très tôt que l’oxydation se déroule sur les atomes les plus en surface. La configuration possédant deux atomes d’oxygène, un incorporé en liaison arrière et le second en position brin, est la configuration la plus probable, devant les configurations à un seul atome d’oxygène (en liaison arrière ou incorporé dans le dimère) qui existent mais ne sont pas majoritaires [124-126]. p(2x1) p(2x1) asym p(2x2) c(4x2) p(1x1) 0,002 eV/dimère 0,02 eV/dimère 0,2 eV/dimère 2 eV/dimère

Sofield [2] met en évidence que les sites de réaction lors de l’oxydation sont uniformément répartis sur la surface et qu’ils ne dépendent pas de la présence ou non de défauts sur celle-ci. Les défauts les plus fréquemment rencontrés sur ce type de surface sont les dimères manquants. Après cette première réaction d’absorption en surface, l’oxydation continue aux abords des parties déjà oxydées.

I.3.4.2 L’adsorption de l’oxygène atomique et moléculaire

Dans la littérature, depuis une vingtaine d’années, l’adsorption de l’oxygène aussi bien moléculaire qu’atomique a été considérablement étudiée, expérimentalement [127-130] et théoriquement.

Les calculs théoriques ab initio, puis de DFT à partir de 1990, y ont alors largement apporté leur contribution. Dès 1990, Miyamoto et Oshiyama [120, 131] observent déjà le caractère dissociatif lors de l’adsorption d’une molécule d’oxygène quand celle-ci se fait au-dessus d’un dimère de la surface. De plus, ils affirment et confirment des travaux précédents de calculs ab initio [132] notamment que la position pontée est la position la plus favorable et la plus probable énergiquement pour l’atome d’oxygène sur une surface de silicium.

L’étude de Widjaja et Musgrave [123] supporte l’idée acquise expérimentalement [129, 130] qu’il existe un état de préadsorption avant que les atomes d’oxygène ne soient pleinement incorporés dans la surface de silicium : l’oxygène moléculaire adsorbé est donc un intermédiaire dominant dans les tous premiers stades de l’oxydation.

Le travail complet et remarquable de Koichi Kato [119, 133, 134] montre également que l’adsorption de la molécule d’oxygène est dissociative dans le sens où les atomes d’oxygène sont dissociés, puis incorporés pleinement dans la surface et qu’il n’existe pas de barrière d’activation apparente pour incorporer ces atomes : les sites préférentiels d’adsorption résultant de cette dissociation sont alors les atomes d’oxygène incorporés dans les liaisons Si- Si formant des ponts Si-O-Si, en position de dimère ou de liaison arrière. Ces positions sont les plus stables énergiquement pour un seul atome d’oxygène [121, 135, 136]. Koichi Kato révèle aussi que le caractère dissociatif associé à une incorporation directe et complète des atomes d’oxygène dans les liaisons arrières, est uniquement observé pour des positions particulières d’arrivée de la molécule d’oxygène. Il existe ainsi une faible probabilité pour qu’une molécule d’oxygène soit à la fois directement et complètement incorporée dans les liaisons Si-Si de la surface. Cette faible probabilité est liée à des « canaux étroits » comme définis par Koichi Kato et Heiji Watanabe [134, 137], en termes de position et d’orientation de la molécule d’oxygène arrivant au-dessus de la surface. L’oxydation des liaisons Si-Si se fait alors en deux étapes sans barrières apparentes. Le rôle du spin de la molécule d’oxygène est également détaillé dans cette étude théorique : avant de se chimisorber la molécule d’oxygène doit subir une transition de l’état de spin triplet à l’état de spin singulet, confirmé par les études de Widjaja [123] et Fan [138]. Cette conversion crée une barrière qui pourrait expliquer le faible pouvoir de « collage » des molécules d’oxygène sur la surface observé expérimentalement [139-141].

Uchiyama et al. [122, 135] par dynamique moléculaire proposent trois positions stables ou métastables dans le cas de l’oxygène atomique. Ces structures sont présentées sur la Figure I. 12.

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- la position en liaison arrière d’un dimère de surface étant la plus stable présentant des

liaisons asymétriques,

- suivie par la position en dimère (0,12 eV moins stable),

- et la position de brin.

D’autres structures possédant deux atomes d’oxygène positionnés en brin sur un seul atome de silicium de la surface et en position de pont peroxy Si-O-O-Si ont également été identifiés comme structures résultantes de l’adsorption de l’oxygène moléculaire sur la surface du substrat de silicium (Figure I. 12).

Figure I. 12 : Structures obtenues après adsorption d’une molécule d’oxygène sur une surface de silicium (les atomes de silicium sont en blanc) identifiées par Uchiyama et al. [122]. Les atomes d’oxygène en noir sont respectivement incorporés : dans une liaison dimère, dans une liaison arrière, un atome d’oxygène positionné est en brin, deux atomes d’oxygène sont positionnés en brin sur un seul atome de silicium et les

deux atomes d’oxygène forment un pont peroxy.

Quand on s’intéresse à la stabilité des structures comportant deux atomes d’oxygène dissociés suite à la chimisorption, la structure la plus stable obtenue est celle avec un atome d’oxygène en dimère et le deuxième atome en liaison arrière du dimère de surface [117, 123, 135] similaire à la configuration la plus stable pour un substrat non reconstruit Si(111) avec un atome en liaison arrière et un atome en brin au-dessus de la surface [124, 142].

L’utilisation de la spectroscopie infrarouge couplée à des calculs ab initio par comparaison des spectres théorique et expérimental ont permis d’identifier les configurations et les positions des atomes d’oxygène sur la surface [78, 143-145]. Notamment, Yves J. Chabal et ses collaborateurs [117] ont identifié expérimentalement une nouvelle configuration appelée « silanone », par spectroscopie InfraRouge in situ couplée à des calculs théoriques sur les modes de vibrations. Cette espèce apparaît comme étant un nouvel élément essentiel à la compréhension de l’oxydation initiale du silicium.

La silanone représentée sur la Figure I. 13 sous deux de ses formes consiste en l’agglomération de deux atomes d’oxygène autour d’un seul atome de silicium d’un dimère de la surface : ces deux atomes d’oxygène sont stabilisés, le premier en liaison arrière et le second en position de brin (sur la Figure I. 13 à droite, les liaisons Si-O formant le dimère

sont asymétriques, la liaison Si-O la plus à droite est en réalité cassée). La liaison dimère dans cette structure est brisée.

Figure I. 13 : La structure silanone comme définie par Yves J. Chabal [117]. Les atomes d’oxygène sont en noirs et les atomes de silicium sont en gris.

A.M. Stoneham [146] démontre que le contrôle de l’état de charge de l’oxygène moléculaire et atomique est capital dans l’étude des films fins d’oxydes. C’est un paramètre à prendre en considération afin d’améliorer la qualité de l’oxyde formé, ce qui a son importance dans le contexte actuel.

Il a été démontré que lorsqu’un ou plusieurs atomes d’oxygène sont incorporés dans la surface ou dans le substrat, des transferts de charges importants affaiblissent les liaisons proches environnantes [147]. Ces transferts de charge apportent des modifications notables pour les arrivées des molécules qui vont suivre : il y a une délocalisation des électrons des voisins environnants sur les dimères adjacents, qui vont influencer l’adsorption de la nouvelle molécule arrivant à proximité. Ce type d’étude a été réalisé par Widjaja [148] dans le cas de

l’adsorption de molécule NH3 sur un substrat de silicium.

I.3.4.3 Les diffusions

L’oxydation repose sur la dissociation de l’oxygène moléculaire, l’adsorption, l’incorporation des atomes d’oxygène dans les couches les plus hautes, mais aussi sur les diffusions de l’oxygène atomique, qui créent et brisent des liaisons entre les atomes d’oxygène et de silicium près de la surface et à l’interface.

Les diffusions ont été considérées dans de nombreuses études, par exemple la diffusion de l’espèce oxydante dans la silice par l’intermédiaire de structures peroxy Si-O-O-Si [146, 149- 153], ou à l’interface [154], avec des techniques Monte Carlo ou par dynamique moléculaire grâce à des structures avec des atomes d’oxygène tricoordinés [155, 156], toutes utilisant des oxydes de silicium déjà formés sur le substrat. D’autres encore, comme Lee [157] ont étudié la migration en chaîne de O2→O9.

De même, quand l’oxyde est déjà présent sur le substrat de silicium, Akiyama [154] affirme qu’après la diffusion de l’oxygène moléculaire dans la silice, c’est la réaction de l’oxygène atomique qui a lieu. La réaction de l’oxygène atomique est très exothermique et énergiquement la plus favorable, surtout sur les liaisons les plus en surface. La contrainte à l’interface, pour Kageshima [158], joue un rôle important dans les mécanismes microscopiques de la réaction interfaciale. Ainsi le pont peroxy Si-O-O-Si présent dans la silice, n’a plus lieu à l’interface. La réaction se fait avec l'oxygène atomique et permet de former deux liaisons Si-O, énergiquement plus favorables que la conservation du pont peroxy Si-O-O-Si [159].

Koichi Kato [134] a étudié la diffusion d’un atome d’oxygène en dimère vers une liaison arrière par l’intermédiaire de la position en brin : il apparaît alors que la diffusion des atomes d’oxygène suite à la chimisorption dissociative se fait sans barrière d’activation tout du moins dans la première couche [119, 137] ; le processus exact est une première réaction d’adsorption

45 avec la surface sans barrière énergétique qui n’attaque pas les liaisons arrières, puis la diffusion des atomes d’oxygène dissociés dans la première couche. Ces migrations possèdent en réalité de faibles barrières énergétiques mais compte tenu du gain d’énergie acquis lors de l’adsorption sur la surface, ces barrières apparaissent comme inexistantes.

Il en va autrement pour la diffusion vers les couches les plus profondes. Contrairement aux idées reçues, Jiang [160] prouve que le point le plus difficile à franchir dans le cas de diffusion dans le volume, appelé point de col, ne se situe pas exactement au « centre » de la liaison Si-Si, mais lorsque l’angle Si1Si2O forme un angle de 78°, car il est nécessaire de briser une liaison Si-O. La diffusion requiert alors des barrières énergétiques plus importantes comme le confirment les études de Kato et al. [134, 137].

L’augmentation de la température lors de l’oxydation thermique a pour effet de faciliter la diffusion des atomes d’oxygène grâce à la présence des liaisons pendantes sur la surface. Le résultat est une agglomération rapide des oxygènes [144, 161]. Pour Ramamoorthy, [162] la difficulté quant à la compréhension de la diffusion des atomes d’oxygène, vient du fait qu’il faille briser, recréer, recombiner les liaisons. Il ne suffit pas de voir la diffusion comme un simple saut d’une liaison Si-Si à une autre liaison Si-Si. Il faudrait pouvoir étudier chaque migration suivant sa configuration de départ et d’arrivée, mais différencier le cas d’une diffusion d’interface ou d’une diffusion dans le volume de silicium.