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Les lncRNAs comme cibles thérapeutiques potentielles

CHAPITRE I : INTRODUCTION

5 LES LONGS ARN NON CODANTS COMME BIOMARQUEURS ET CIBLES

5.2 Les lncRNAs comme cibles thérapeutiques potentielles

5.2.1 Généralités

En raison de leur rôle central dans la régulation de l’expression des gènes et de leur spécificité cellulaire, les lncRNAs pourraient représenter des cibles thérapeutiques potentielles prometteuses. Le ciblage des lncRNAs peut être réalisé en utilisant plusieurs approches, incluant l’invalidation médiée par les siRNAs, le blocage fonctionnel utilisant de petites molécules, des inhibiteurs oligonucléotidiques empêchant les interactions entre les lncRNAs et des protéines et la désorganisation de leur structure par de petites molécules ou des inhibiteurs oligonucléotidiques modifiant ou mimant leur structure secondaire de manière à les empécher de se fixer à leurs partenaires (Sanchez and Huarte, 2013; Fatemi et al., 2014; Takahashi and Caminci, 2014a). Les stratégies actuellement employées pour cibler les lncRNAs sont issues de procédés utilisant des acides nucléiques. Parmi celles ci, les techniques basées sur l'interférence par l’ARN (ARNi) sont sans doute les méthodes les plus couramment utilisées pour inhiber les lncRNAs dans les cellules cancéreuses. Les siRNAs et shRNAs présentent habituellement une grande sélectivité et sont dans l’ensemble efficaces dans l’inactivation des RNAs. Cependant, d'autres méthodes incluant les oligonucléotides antisens (ASO), les ribozymes, les aptamères et les petites molécules inhibitrices peuvent également être efficaces pour moduler les lncRNAs et présentent des avantages par rapport aux siRNAs. Néanmoins, si certains essais thérapeutiques sur des modèles murins laissent entrevoir des espoirs, de nombreux lncRNAs sont spécifiques des primates ou des humains et ne peuvent être étudiés in vivo par des modèles classiques de knockdown/knockout. En outre, s’il est actuellement bien établi que la dérégulation des lncRNAs est associée à de nombreux cancers, la question demeure quant à la signification de cette dérégulation, cause ou conséquence de la maladie.

5.2.2 Techniques de ciblage thérapeutique des lncRNAs

5.2.2.1 SiRNAs

Les petits ARNs interférents (siRNAs) sont de courtes séquences (19-30 nt) d’ARN double brin qui ciblent les molécules d'ARN par leur complémentarité avec des séquences non

qui sont ensuite clivées au niveau d’une simple liaison phosphodiester située près du centre de la séquence complémentaire de celle des siRNAs. Ils présentent un rendement d’inactivation élevé vis-à-vis de nombreux lncRNAs oncogéniques surexprimés dans les cellules cancéreuses et induisent des effets antitumoraux à la fois in vitro et in vivo.

HOTAIR est un biomarqueur diagnostique et pronostique potentiel surexprimé dans les cancers du sein, du poumon, du foie et du colon (Yao and Yang, 2014). Son inhibition par des siRNAs diminue le caractére invasif des cellules cancéreuses mammaires et inhibe la croissance tumorale des xénogreffes de carcinomes pancréatiques (Bhan et al., 2013 ; Kim et al., 2013b). L’inhibition de HOTAIR est également associée à une sensibilité accrue des cellules cancéreuses au TNFα induit par la réponse immune et au cisplatine et à la doxorubicine (Yang et al., 2011c).

MALAT1 est un biomarqueur pronostique potentiel pour divers types de cancers et son inhibition par des siRNAs peut s’accompagner d’une réduction partielle de la viabilité et de la migration des cellules cancéreuses et d’un accroissement de l’apoptose (Lai et al., 2012).

PCA3, PCAT1, PCGEM et PRNCR1 sont considérés comme des biomarqueurs potentiels surexprimés dans les carcinomes prostatiques aggressifs. Leur inactivation par des siRNAs induit un arrêt de la prolifération et provoque une apoptose via l’inhibition du récepteur androgénique (Cui et al., 2013 ; Crea et al., 2014b ; Yang et al., 2014b).

H19, HULC, HEIH et MVIH apparaissent surexprimés dans les hépatocarcinomes et leur inhibition par des siRNAs se traduit par une réduction de la croissance tumorale des xénogreffes (Yang et al., 2011a ; Du et al., 2012).

H19, CUDR et HIF1A-AS sont des biomarqueurs des carcinomes de vessie dont l’activité oncogénique est réduite suite à l’utilisation de siRNAs (Dorsett et al., 2004 ; Bertozzi et al., 2011 ; Wang et al., 2012).

Des essais cliniques de phase I et II utilisant des siRNAs sont en cours d’évaluation, de même que des thérapies combinant des siRNAs et des chimiothérapies conventionnelles (Dorsett et

al., 2004 ; Burnett et al., 2011). Toutefois, le principal obstacle des thérapies utilisant les siRNAs reste leur faible biodisponibilité. En particulier, les siRNAs utilisant des acides ribonucléiques sont sensibles à la dégradation par la nucléase et ont de ce fait une pharmacocinétique peu performante.

5.2.2.2 ASO

Les oligonucleotides antisens (ASO) sont de courtes molécules d’ADN ou d'ARN simple brin (8 à 50 nt) dotées de séquences spécifiques destinées à cibler entre autres des lncRNAs. Les ASOs s’hybrident directement aux transcrits des gènes codant pour les lncRNAs par appariement des bases et les hybrides ainsi formés sont ensuite reconnus par la RNase H1 endogène, résultant en un clivage des molécules de lncRNAs (Bennett and Swayze, 2010). Les ASOs sont plus aisés à utiliser que les siRNAs qui sont plus instables et dont les capacités de ciblage sont moins performantes in vivo (Veedu and Wengel, 2010). Parmi les ASOs, les antagoNATs sont dirigés contre les lncRNAs antisens et utilisés pour majorer l’expression de mRNAs spécifiques via l’inhibition du lncRNA antisens correspondant (Modarresi et al., 2012). L'inhibition de MALAT1 par les ASOs atténue divers phénotypes malins via l'arrêt du cycle cellulaire dans les cellules cancéreuses du col utérin (Tripathi et al., 2013). Dans des modèles xénogreffés de cancers pulmonaires, l'injection d’ASOs dans des tumeurs sous- cutanées de souris nude inhibe efficacement MALAT1 in vivo et bloque l’apparition de métastases (Gutschner et al., 2013a). Certains ASOs sont l’objet de premiers essais cliniques (Watts et al., 2012). Globalement, les ASOs peuvent être utilisés contre les NATs (AntagoNATs), les interactions lncRNAs-complexes de remodelage chromatinien (PRC2), les eRNAs et les facteurs de transcription.

5.2.2.3 Ribozymes

Les ribozymes sont des molécules d'ARN produites naturellement qui présentent des fonctions intracellulaires catalytiques, parmi lesquelles la dégradation des molécules d'ARN (Citti and Rainaldi, 2005). Parmi les différents types de ribozymes, les ribozymes « en tête de marteau » (Hammerhead ribozyme, HamRz) semblent présenter un intérêt thérapeutique majeur car ils possèdent des actions inhibitrices efficaces tout en ayant le plus petit motif d'ARN endoribonucléolytique (Ruffner et al., 1990 ; Tedeschi et al., 2009).

5.2.2.4 Aptamères

Un obstacle à l’utilisation des thérapies antisens est la présence de structures secondaires étendues au sein des molécules de lncRNAs, qui réduisent l’efficacité des siRNAs, des ASOs et des ribozymes (Luo and Chang, 2004 ; Gredell et al., 2008). Les aptamères sont de courts oligonucléotides d’ADN, d'ARN ou de peptides qui ont une structure tridimentionnelle stable

in vivo (Watrin et al., 2009). Ils présentent un large spectre de cibles moléculaires dont les

protéines, l’ARN et de petites molécules (Mayer et al., 2007). Ils se lient spécifiquement aux lncRNAs via leur structure tridimentionnelle. Des données récentes suggèrent que les aptamères pourraient constituer des agents thérapeutiques prometteurs par la dégradation ou l’inhibition des fonctions des lncRNAs (Darfeuille et al., 2006 ; Kotula et al., 2012).

5.2.2.5 Petites molécules inhibitrices modulant l’activité des lncRNAs

Ces petites molécules sont synthétisées de manière à se lier de façon compétitive aux lncRNAs et à bloquer les interactions avec leurs partenaires protéiques (Fatemi et al., 2014). L’action de ces petites molécules peut également induire un changement conformationnel dans les lncRNAs et perturber la formation de structures secondo-tertiaires dotées de fonctions importantes. Ainsi, l’inhibition de l’interaction de HOTAIR avec PRC2/LSD1 par ces molécules pourrait réduire la survenue de métastases dans les carcinomes mammaires (Tsai et al., 2011).

5.2.2.6 Plasmides

Une nouvelle approche thérapeutique non spécifique utilisant un plasmide, BC-819/DTAH19, permet d’injecter aux cellules tumorales une sous-unité de la toxine diphtérique et de la placer sous le contrôle du promoteur du lncRNA H19. La production de toxines diphtériques dans les cellules cancéreuses urothéliales, pulmonaires, coliques, ovariennes et pancréatiques s’accompagne plutôt d’une réduction de la taille des tumeurs que de l’inhibition de lncRNAs (Mizrahi et al., 2009 ; Gibb et al., 2011).

5.2.2.7 Thérapie génique

Des essais de thérapie génique pourraient être proposés pour compenser la baisse du niveau d’expression de certains lncRNAs dont l’activité onco-suppressive est inhibée au cours de la cancérogénèse (Wahlestedt, 2013): PTCSC3 dans les carcinomes papillaires de la thyroïde (Fan et al., 2013), PTENP1 dans les carcinomes coliques (Poliseno et al., 2010), MEG3 dans les méningiomes et les glioblastomes (Zhang et al., 2010), LincRNA-p21 dans les carcinomes colo-rectaux, les carcinomes pulmonaires et les lymphomes (Huarte et al., 2010).

5.2.2.8 LncRNAs circularisés

La dérégulation du niveau d’expression de nombreux lncRNAs circulaires dans les tissus tumoraux par rapport au tissu sain, a été récemment observée au cours de la cancérogénèse (surexpression de ciRS-7 dans les neuroblastomes, les astrocytomes, les carcinomes rénaux et pulmonaires ; sous-expression de cir-ITCH dans les carcinomes oesophagiens et colorectaux). Certains circRNAs sont associés à des miRNAs liés au cancer (ciRS-7 et/ miR- 7/miR671 dans les cancers du sein, les hépatocarcinomes et les cancers du col utérin). Les circRNAs régulent des voies de signalisation associées au cancer (ciRS-7 et voie EGFR) et la majorité d’entre eux sont régulés par l’EMT. Des translocations génèrent des circRNAs de fusion oncogéniques (F-circRNAs) en plus des oncoprotéines de fusion et contribuent à la transformation cellulaire et à la résistance aux thérapies (MLL/AF9 et f-circM9) (Guarnerio et al., 2016). Les circRNAs pourraient représenter des biomarqueurs pertinents (circRNAs circulants dans le sérum, le plasma, la salive, les urines) et des vecteurs thérapeutiques innovants (circularisation des « éponges » à miRNAs).