• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 – [La présentation et l’analyse des résultats]

5.2. L’analyse des résultats

5.2.2. Les liens entre précarité économique et immigration

Rappelons que Benes et Dyotte (2001) ont souligné différentes études qui ont démontré que souvent les difficultés scolaires étaient moins influencées par l’acquisition d’une nouvelle langue que par le statut socioéconomique du jeune (Benes et Dyotte, 2001 : 154). En effet, plus le jeune vit dans des conditions précaires, plus il est susceptible de rencontrer des difficultés scolaires.

La pauvreté est certainement un obstacle à l’intégration, car cela peut entrainer également une stigmatisation et menée à une marginalisation :

La pauvreté est une des formes de marginalisation les plus dévastatrices. Manque à gagner, affaiblissement des liens sociaux et perte d'estime de soi ne sont que quelques-unes des difficultés auxquelles sont confrontés des fragments de plus en plus divers de la population, que ce soit en fonction de leur statut d'emploi, de l'âge, du sexe ou encore, du fait d'être nouvel immigrant ou réfugié (Montgomery et al., 2000 : 91).

La pauvreté établit un rapport entre ceux qui ont accès aux ressources du système et ceux qui s’en trouvent privées. Elle engendre du stress et a des conséquences ainsi que des répercussions importantes sur la famille notamment en ce qui concerne l’insécurité alimentaire, les coûts du matériel scolaire, les frais reliés aux activités parascolaires, des logements trop petits ou pas assez sécuritaires, etc. (TCRI, 2011 : 34). Il s’agit certainement d’un facteur de risque, dans une perspective d’écologie humaine (Malo, 2000), donc une embûche supplémentaire au bon développement et à une intégration harmonieuse. Soulignons que Verbunt (2009) croit que « l’extrême précarité produit une déculturation plutôt qu’une acculturation » (Verbunt, 2009 : 37). En effet, si la famille doit répondre à ses besoins primaires, nécessaire à sa survie, comme manger ou se loger, il lui est impossible de s’intégrer pleinement dans toutes les sphères de la société québécoise. La lutte contre la pauvreté doit, de ce fait, mettre l’accent sur les structures de la société qui renforcent et font perdurer ces inégalités et doit agir sur les multiples facettes de l’exclusion que vivent les personnes en situation de pauvreté.

Les intervenants scolaires rencontrés ont, par ailleurs, mentionné qu’il y avait une concentration des personnes immigrantes dans les quartiers les plus défavorisés de Sherbrooke. Cette

distribution inégale des ressources en fonction des quartiers peut mettre en lumière un phénomène de ghettoïsation et une accentuation de la marginalisation des personnes immigrantes. La matérialisation et la collectivisation de ces inégalités, dans une perspective structurelle, doivent pouvoir mener à des changements individuels et sociaux importants, dans le but d’établir des rapports de force plus égalitaires.

Des intervenants scolaires ont, de plus, souligné que les impacts de la pauvreté sur le développement social et scolaire des jeunes avaient au final les mêmes conséquences sur les adolescents nouvellement arrivés au pays que sur les adolescents d’origine québécoise. Toutefois, il y a lieu d’apporter des nuances à ces propos. Bien qu’une situation financière précaire puisse avoir un impact sur tout jeune dans le besoin, la pauvreté des nouveaux immigrants et des réfugiés s’ajoute à d’autres facteurs d’exclusion liés notamment à son statut d’immigration, à la non reconnaissance de son diplôme, à la méconnaissance de la langue d’accueil, à la perte de réseaux liés au processus migratoire ou encore à l’ignorance de certains services ou de manières de faire (Montgomery et al., 2000 : 91). Or, il y a lieu de spécifier que

la pauvreté n'est pas un phénomène « ethnique » en tant que tel. Cependant, le fait d'être nouvel immigrant ou réfugié peut renforcer d'autres formes d'exclusion et, ce faisant, accroître les risques d'appauvrissement. C'est donc le cumul de statuts de marginalité qui rend précaires les situations de vie des nouveaux immigrants et réfugiés (Montgomery et al., 2000 : 91).

Les intervenants scolaires ont souligné qu’il y avait un accompagnement et des services disponibles pour soutenir et appuyer les familles moins nanties dans leurs dépenses liées notamment au matériel scolaire ou pour des vêtements. Cette aide agit comme un diachylon et doit mener à des questionnements supplémentaires, car elle ne parviendra pas à atténuer la problématique à long terme, ni même à modifier les structures et les politiques en place. Il a même été mentionné lors des entrevues que les personnes immigrantes pouvaient parfois obtenir plus d’aide à cet effet que les Québécois dits de souche. Ces propos mettant en opposition ces deux groupes renforcent les clivages entre les adolescents et ne peuvent qu’accentuer les tensions. Il apparait nécessaire de favoriser la cohésion sociale et une harmonie au sein des différents systèmes, et ce, au bénéfice de tous.

Par ailleurs, Sophie, Charles, Isabelle et Sylvie ont tous donné l’exemple des familles immigrantes qui quittent, après peu de temps à Sherbrooke, vers Toronto afin de trouver plus facilement un emploi. Pourquoi ces familles doivent-elle quitter Sherbrooke pour se trouver un emploi plus rapidement à Toronto ? Y a-t-il davantage de barrières ou de discrimination à l’embauche et à l’emploi en Estrie qui décourage les personnes immigrantes ou est-ce lié à des enjeux linguistiques ? Il y aurait lieu de se questionner davantage sur cette question soulevée par plusieurs intervenants et cela pourrait même faire l’objet d’une recherche complète sur le sujet. Ceux-ci sont découragés par ces départs car ils investissent des efforts importants sur un jeune qui, finalement, ne va rester que quelques mois seulement dans la ville d’accueil, avant de quitter à nouveau pour une autre ville. Pensons également aux impacts sur les adolescents qui devront, encore une fois et en peu de temps, s’intégrer à une nouvelle école, et ce, dans un autre milieu, très différent. Il pourrait ainsi être pertinent d’avoir plus de sensibilisation et de conscientisation à cet égard, afin d’en diminuer les conséquences.