• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 – [La revue de la littérature]

2.4. Des acteurs d’influence dans le processus d’intégration

2.4.2. La famille

« La finalité biologique d'une famille est de se produire, se maintenir et se reproduire en tant que famille. Si les relations changent de façon telle que la famille ne peut plus accomplir cette finalité, ce n'est plus une famille » (Barudy, 1992 : 47). La famille a ainsi un rôle de socialisation et de

soutien essentiel pour le jeune. La Politique de la réussite éducative du MEES souligne d’ailleurs que

le rôle décisif des parents et de la famille dans le développement global des enfants, leur parcours scolaire et leur cheminement vers la réussite est un autre grand consensus qui a été dominant dans les consultations publiques. L’engagement parental et l’enrichissement de l’expérience parentale étant reconnus par la recherche comme des déterminants majeurs de la réussite, il est jugé prioritaire de prendre tous les moyens nécessaires pour les valoriser et les soutenir dès la petite enfance (MEES, 2017 : 64).

Les parents ne sont pas les seuls à jouer un rôle dans les études du jeune. En effet, la vision de la famille ne doit pas uniquement être nucléaire, mais plutôt prise dans un sens plus large. Des membres de la famille présents au Québec et même ceux se trouvant dans un autre pays peuvent intervenir dans la scolarité du jeune, lui donner des conseils ou encore représenter un modèle de réussite scolaire (Kanouté et al., 2008 : 282). Ils doivent eux aussi affronter de nouvelles réalités liées à un statut social différent.

Le profil de la famille immigrante peut être varié, divers et complexe selon différentes conjonctures en lien avec le processus migratoire : la prémigration, la migration et l’établissement dans le pays d’accueil L’immigration amène la famille à revoir son système de croyances « pour, d'une part, pouvoir maintenir sa cohésion et son sentiment d'appartenance à son groupe d'origine et, d'autre part, s'ouvrir et dialoguer avec des groupes appartenant à la société d'accueil, afin d'établir des consensus permettant de vivre ensemble » (Barudy, 1992 : 49). Avant la migration, Barudy (1992) affirme que la famille « avait une structure familiale plus ou moins stable où chaque membre appartenait à un sous-système déterminé (grands-parents, parents, couple, fratrie, etc..) avec une répartition de rôles, tâches et fonction de façon à assurer le fonctionnement de l'ensemble » (Barudy, 1992 : 50).

L’impact du changement pour une famille qui vient tout juste de s’installer dans un nouveau pays est d’autant plus considérable si celle-ci ne parle pas la langue d’accueil, si son statut social se voit déniveler, si les équivalences des parents ne sont pas reconnues, si le statut d’immigration restreint l’accès à différents services (Kanouté et al., 2008 : 270). La valeur de cet impact dépend

d’une multitude de facteurs différents d’une famille à une autre. On peut penser aux raisons qui ont poussé la famille à quitter son pays d’origine, les conditions socioéconomiques dans le pays d’origine, les stigmates et les préjugés auxquels est confrontée la communauté d’origine, etc. Si la famille a dû quitter dans l’urgence à cause d’une guerre, de tensions ethniques ou de persécutions et vivre dans des conditions éprouvantes comme des camps de réfugiés et la clandestinité, il peut y avoir des conséquences négatives sur l’ensemble des membres de la famille. Si la famille a, par contre, planifié son processus d’immigration et que la conjoncture économique est favorable, elle fait face à des conditions plus favorables d’intégration sociale et économique (Kanouté et al., 2008 : 271).

Plusieurs familles nouvellement arrivées sont aussi confrontées à des enjeux économiques. Ses membres doivent se trouver un travail, mais ils font face à la précarité économique. En effet, pour les familles réfugiées prises en charge par l’État, leur dette de transport envers le gouvernement constitue un facteur de stress supplémentaire (TCRI, 2011 : 34). En plus du stress, la pauvreté a des conséquences et des répercussions importantes sur la famille relativement à l’insécurité alimentaire, les coûts du matériel scolaire, les frais reliés aux activités parascolaires, des logements trop petits ou pas assez sécuritaires, etc. (TCRI, 2011 : 34). Pour Verbunt (2009), « l’extrême précarité produit une déculturation plutôt qu’une acculturation » (Verbunt, 2009 : 37). Ainsi, la famille devant répondre à ses besoins primaires pour survivre ne caresse pas le projet de s’intégrer pleinement dans toutes les sphères de la société d’accueil.

Les membres de la famille ont des trajectoires d’adaptation différentes. Certains peuvent s’adapter rapidement, alors que pour d’autres c’est plus difficile. Cela peut occasionner des conflits importants au sein de la cellule familiale. Les rôles dans la famille peuvent être chambardés et cela peut être exacerbé par des difficultés à trouver un emploi pour les parents. Cela peut occasionner un stress au sein de la famille (Barudy, 1992; Kanouté, 2002). Chaque personne de la famille relève, en effet, des défis d’adaptation majeurs et doit réussir à se repositionner dans les différentes sphères de leur vie (TCRI, 2011 : 6). Ces réalités auront un impact sur l’accompagnement offert à l’adolescent qui fréquente l’école et campent le quotidien

auquel est confronté le jeune. Puisque l’adaptation de chaque membre composant la famille se fait à un rythme différent, la cohésion familiale peut s’en trouver menacée. Par exemple, les enfants peuvent apprendre la langue d’accueil plus rapidement, étant immergés tous les jours à l’école. Ils peuvent alors servir d’interprètes à leurs parents. Cela peut avoir comme conséquence de déstabiliser la famille; le jeune se retrouvant en situation de pouvoir face à ses parents (TCRI, 2011 : 16).

Les parents immigrants qui ne possèdent que très peu de connaissances sur le système scolaire peuvent rencontrer des difficultés dans l’accompagnement de leurs enfants. (Verbunt, 2009 : 164). D’ailleurs, comme le soulignent Vatz-Laaroussi, Kanouté et Rachédi (2008) et Mc Andrew (2015), différentes études mettent en lumière des malentendus entre les membres de la famille et les établissements d’enseignement. La recension des écrits met en relief l’espoir que les parents immigrants ont envers le système scolaire relativement à la scolarisation et à la réussite de leurs enfants dans leur projet migratoire, et ce, même s’ils doivent effectuer des sacrifices (Vatz-Laarousi et al., 2008 : 293)

« Quand des mesures éducatives, administratives ou judiciaires sont prises par les autorités, l’annonce de ces mesures aux familles ne tient généralement pas suffisamment compte de leur système de valeurs et de leurs habitudes sociales. Faute d’explications suffisantes, ces mesures sont souvent vécues comme des atteintes à l’intimité familiale » (Verbunt, 2009 : 164). Devant cette incompréhension, les parents peuvent donc se retirer et laisser le soin de l’éducation de leurs enfants à l’école. Ils peuvent croire qu’il s’agit d’une situation qui les dépasse et pour laquelle ils ne sont pas suffisamment outillés. Ils croient que les enseignants sont les mieux placés pour soutenir le jeune. Or, le capital social familial doit s’unir à l’école pour bien soutenir le jeune. Souvent par manque de connaissance du système scolaire du pays d’accueil, certaines familles immigrantes ne réagissent pas assez vite à des anomalies dans l’orientation scolaire de leur enfant. Pour bien accompagner leur enfant et faire les liens nécessaires avec l’école, les parents doivent comprendre le fonctionnement du réseau scolaire et ses nuances. Ils doivent s’impliquer et établir des liens de communication entre le jeune et l’école. Par ailleurs, les jeunes peuvent

avoir une perception différente de leurs parents, due à leur déqualification. Cela peut aussi les conduire à avoir une vision différente d’eux relativement à leurs capacités d’assurer leurs compétences parentales (TCRI, 2011 :16).