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Chapitre 2 – [La revue de la littérature]

2.2. L’intégration

2.2.1. L’intégration : un concept aux multiples facettes

Vers les années 1950, le concept d’intégration fait son entrée dans la littérature (Gauthier et al., 2010 : 17). Il s’avère toutefois une notion difficile à bien définir. En effet, il n’existe pas de consensus au sein de la littérature scientifique concernant la définition d’intégration, « sans doute à cause de ses nombreuses implications d’ordre normatif, idéologique et ethnocentrique, ainsi que du flou théorique entourant la question de l’intégration » (Gauthier et al., 2010 : 17).

D’ailleurs, certains chercheurs (Benes et Dyotte, 2001; Vatz-Laaroussi, 2001) évacuent totalement la définition de ce concept, et ce, même s’il est à la base de leur texte, tenant pour acquis que le lecteur possède la même compréhension de ce concept qu’eux. Or, comme l’explique Gauthier et al. (2010), il y a autant de manières d’intégrer une société qu’il existe des individus impliqués dans ce processus. « L’intégration signifie donc différentes choses pour différentes personnes. Ce concept a été utilisé de différentes manières, à des endroits différents et à des moments différents » (Gauthier et al., 2010 : 18). L’intégration présente alors une difficulté supplémentaire à être définie.

En contrepartie, des auteurs ainsi que des organisations apportent des éléments définitionnels au concept d’intégration en contexte d’immigration. Tout d’abord, pour Legault et Fronteau (2008), l’intégration « est un processus à long terme, dynamique, qui s’inscrit dans le temps et requiert un engagement tant de l’immigration que de la société d’accueil » (Legault et Fronteau, 2008 : 51). Pour Verbunt (2009), il s’agit d’un processus multidimensionnel et il y a différentes sphères d’intégration : sociale, économique, culturelle et politique. Il ne s’agit pas d’un « acquis statique, mais un processus actif, dynamique, jamais achevé » (Verbunt, 2009 : 32).

Kanouté et Duong (2007), de leur côté, a une vision plus économique de l’intégration qui, selon elle, « comporte plusieurs aspects, notamment l’apprentissage de la langue, la compréhension des codes culturels de la société d’adoption et l’accès à un réseau social, c’est souvent l’obtention d’un premier emploi qui sera l’élément déterminant de ce processus » (Kanouté et Duong, 2007 : 68).

Selon Jacquet et ses collaborateurs (2008) :

sur le plan idéologique, l’intégration est un mode de gestion des rapports entre groupes majoritaires et minoritaires qui se distingue du modèle assimilationniste par la centralité accordée à la reconnaissance symbolique et matérielle des groupes minorisés et de leur participation à la construction de la société (Jacquet, et al. : 2008 : 9).

Pour le Haut Conseil à l’intégration, en France, l’intégration se définit « comme un processus, inscrit dans la durée, d’une participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés […] tels qu’[ils] s’expriment dans des droits égaux et des devoirs communs » (Legault et Rachédi, 2008 : 61).

Pour Winnemore et Biles, « Integration in Canada is described as a two-way street, requiring accommodation and adjustments, and rights and responsibilities, on the part of both newcomers and the host society » (Winnemore et Biles, 2006: 50).

Le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), dans sa Politique d’intégration sociale et d’éducation interculturelle, définit l’intégration comme

un processus d’adaptation à long terme, multidimensionnel et distinct de l’assimilation qui, elle, renvoie à l’adoption intégrale de la culture de la société d’accueil et à la fusion avec le groupe majoritaire. Le processus d’intégration, qui postule l’acceptation de références à l’identité culturelle d’origine et dans lequel la maîtrise de la langue de la société d’accueil joue un rôle essentiel, n’est achevé que lorsque la personne immigrante ou ses descendants participent pleinement à l’ensemble de la vie collective de la société d’accueil et ont développé un sentiment d’appartenance à son égard (MEQ, 1998 : 1).

Le MICC (1990) offre aussi une interprétation du concept d’intégration dans le cadre de son Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration. Ainsi, pour ce ministère, l’intégration est « avant tout un processus dynamique qui s’inscrit dans le temps, dont la progression n’est pas nécessairement linéaire et qui nécessite de l’immigrant, comme de la société d’accueil, un engagement à long terme. En effet, la démarche d’intégration est avant tout matière d’individus » (MICC, 1990 : 52). D’ailleurs, Simard (1998) croit que le gouvernement du Québec conceptualise l’intégration comme étant trois processus coexistant dont « l’utilisation plus fréquente du français, l’accroissement de la participation à la vie économique, sociale, culturelle et institutionnelle du Québec, et l’amélioration des relations intercommunautaires » (Simard, 1998 : 11-12). Notons au passage que bien que la définition d’intégration se trouve dans quelques documents placés sur le site Internet du MIDI, elle ne se retrouve pas très facilement dans les différentes pages du site Web du ministère traitant de l’intégration (MIDI, 2019) qui donne de plus en plus de place au concept d’inclusion. Le gouvernement du Québec définit d’ailleurs l’inclusion de la manière suivante : « L’inclusion s’appuie sur le principe de l’égalité réelle et sur le sentiment d’appartenance qui se développe lorsque les personnes se côtoient, apprennent à se connaître et à se reconnaître comme parties prenantes d’une même société, et ce, dans leurs ressemblances, différences, accords et désaccords » (MIDI, 2015 : 15).

Par ailleurs, dans sa Politique d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes, la Ville de Sherbrooke offre une définition de l’intégration qu’elle qualifie de

processus dynamique et évolutif, dans lequel le temps joue un rôle essentiel; le résultat d’un processus multidimensionnel (dimensions linguistique, économique, sociale, culturelle et politique) qui affecte l’individu sur plusieurs plans; il faut noter que sous l’intégration culturelle, on retrouve notamment le rapprochement interculturel; le lieu d’une interaction entre la personne immigrante et la société d’accueil (adaptation réciproque); un processus d’adaptation réalisé à plus long terme dont le rythme et les modalités varient selon les caractéristiques des groupes concernés et la nature des obstacles à surmonter (Ville de Sherbrooke, 2009 : 10).

La CSRS, quant à elle, dans sa Politique d’intégration scolaire et de l’éducation interculturelle, propose de définir l’intégration comme étant

(…) un processus d’adaptation à long terme, multidimensionnel et distinct de l’assimilation qui, elle, renvoie à l’adoption intégrale de la culture de la société d’accueil et à la fusion avec le groupe majoritaire. Le processus d’intégration, qui postule l’acceptation de références à l’identité culturelle d’origine et dans lequel la maîtrise de la langue de la société d’accueil joue un rôle essentiel, n’est achevé que lorsque la personne immigrante ou ses descendants participent pleinement à l’ensemble de la vie collective de la société d’accueil et ont développé un sentiment d’appartenance à son égard (CSRS, 2002: 1).

Il s’agit néanmoins de la seule définition recensée avec celle du MEQ (1998) qui évoque de manière claire et précise « l’achèvement » possible du processus d’intégration. Or, Verbunt (2009) décrit l’intégration comme n’étant pas un « acquis statique, mais un processus actif, dynamique, jamais achevé » (Verbunt, 2009 :32). La plupart du temps, ce concept est défini comme étant inscrit dans le temps comme le mentionnent Legault et Fronteau (2008), MICC (1990) et le Haut Conseil à l’intégration (Legault et Rachédi, 2008), mais il n’est pas question de « finalité ». L’intégration apparaît alors comme étant dynamique et non figée dans le temps.

Par ailleurs, plusieurs auteurs (Legault et Fronteau, 2008; Verbunt, 2009; Legault et Rachédi, 2008; Gauthier et al., 2010) s’entendent et font référence au mot « processus » pour définir le concept d’intégration. Cela est d’ailleurs pratiquement unanime dans les différentes définitions proposées par les chercheurs, mais aussi par des organisations comme le Haut Conseil à l’intégration (Legault et Rachédi, 2008 : 61), le MICC (1990), la Ville de Sherbrooke (2009) et la CSRS (2002).

Pour des auteurs comme Gauthier et al. (2010) et Verbunt (2009) ainsi que des organismes comme le MICC (1990) et la Ville de Sherbrooke (2009), il apparaît évident que l’intégration est multidimensionnelle, puisqu’elle s’effectue à travers différentes sphères de la société, qu’elles soient économiques, sociales, politiques ou culturelles, qui sont reliées, mais pas nécessairement interdépendantes. Gauthier et al. (2010) résument bien cet aspect en mentionnant que le processus d’intégration

se déroule simultanément dans une multitude de dimensions qui, tout en étant reliées, ne sont pas pour autant systématiquement interdépendantes. De même, il importe de noter que les étapes d’intégration ne font pas partie

d’un processus linéaire, qu’elles sont vécues différemment par les personnes réfugiées selon leur profil et leur singularité, et pas nécessairement selon le même ordre (Gauthier et al., 2010 : 18).

Le MICC (1990) illustre ces propos en donnant l’exemple d’une personne immigrante intégrée économiquement, mais qui est à la fois socialement marginalisée. À l’inverse, celle-ci pourrait aussi très bien parler la langue du pays d’accueil tout en étant victime de discrimination sur le marché du travail (MICC, 1990 : 53).

Souvent, il est aussi question de réciprocité entre la société d’accueil et la personne immigrante comme le précisent Legault et Fronteau (2008), Kanouté et Duong (2007), Li (2003), Gauthier et al. (2010) et la CSRS (2002). D’ailleurs, Kanouté (2002) mentionne que l’intégration est vue comme un mélange des codes culturels de la société d’accueil et ceux de la société d’origine (Kanouté, 2002 : 177).

Li (2003) apporte, toutefois, une notion intéressante, peu mise de l’avant dans la littérature recensée, qui mentionne davantage la participation pleine et entière des personnes immigrantes:

Integration is about giving newcomers the right of contestation, the legitimacy of dissent, and the entitlement to be different, in the same way that old-timers enjoy such legitimacy, rights and entitlements. Integration is about incorporating newcomers to a democratic process of participation and negotiation that shapes the future, and not about conforming and confining people to pre-established outcomes based on the status quo (Li, 2003: 14).

En somme, le concept d’intégration est polysémique et complexe à cerner. Il existe autant de manières de s’intégrer qu’il existe de personnes en processus d’intégration (Gauthier et al., 2010 : 18).