• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. La justice organisationnelle

2.3 Les justices interactionnelle et informationnelle

Bies et Moag (1986) à partir d’une étude analysant les plaintes des étudiants envers les employés de l’université, vont introduire la dimension de la justice interactionnelle qui est un construit différent de la dimension distributive et procédurale. En effet, les auteurs montrent que les personnes sont sensibles à la qualité du traitement interpersonnel qu’elles reçoivent lors du déroulement des procédures organisationnelles et indépendamment des décisions prises par l’organisation. Bies et Moag (1986) ont identifié 4 règles qui conduisent les personnes aux jugements de justice interactionnelle envers l’autorité. Il s’agit d’abord de l’honnêteté lors des communications interpersonnelles durant la mise en place des procédures, qui conduit l’autorité à être ouverte, honnête et franche en évitant la tromperie. Ensuite, il s’agit de la qualité des justifications, c'est-à-dire que l’autorité devrait fournir des explications adéquates et au bon moment sur l’issue des procédures et des prises de décision concernant les distributions. Puis, la troisième règle est que l’autorité devrait traiter les individus avec sincérité et dignité en s’abstenant d’être impolie ou agressive. Enfin, une dernière règle selon les auteurs est la droiture ou bienséance. En effet, l’autorité devrait s’abstenir de faire des déclarations préjudiciables ou poser des questions déplacées ou indécentes.

Ces nouvelles règles de justice sont clairement distinctes des règles de justice procédurale identifiées par Thibaut et Walker (1975) et Leventhal (1980) ou encore des règles liées aux perceptions des distributions. En effet, des études empiriques, entre autres celles à partir de récits d’incidents critiques de salariés faisant une demande à leur supérieur hiérarchique qui sera refusée ou non traitée, ont permis de montrer que les justifications et le respect exprimés ont des effets uniques sur les jugements de justice (Bies, 1987). Par exemple, une étude de Greenberg (1990) sur la diminution dee taux des vols et du turnover dans une usine avant, pendant et après une phase de réduction de 15% du montant des salaires a été mise en évidence. C’est lorsque dans la condition expérimentale où des explications adéquates sont données par les autorités aux salariés (justifications détaillées sur cette réduction de salaire et

41

données selon des règles de bienséance et de respect), que les vols et le turnover sont significativement moindres comparativement aux conditions où des explications inadéquates sont données (être simplement informé de la réduction de salaire mais sans donner plus de détails) ou dans une condition contrôle (neutre). Par ailleurs, Greenberg (1993) en laboratoire a montré aussi sur des participants qui reçoivent moins que le paiement attendu en faisant varier les justificiations et les interactions (respect et sincérité) qu’il faut distinguer la dimension informationnelle de justice de la dimension interactionnelle. Ces études ont montré que la justice interactionnelle et informationnelle ont chacune des effets uniques et séparées sur le vol (Greenberg, 1993). De même que des études sur le licenciement menées par Brockner et collègues (1990, 1994) montrent que les salariés qui restent dans l’organisation suite à des licenciements sont davantage attachés à l’organisation et consacrent plus d’effort à leur travail lorsqu’ils ont reçu des explications et des justifications adéquates sur les raisons de ces licenciements car cela augmente leur perception de justice informationnelle. De manière consistante avec les travaux de Greenberg (1993), Colquitt (2001) amène une autre preuve du bien-fondé de la distinction entre les deux dimensions : interactionnelle et informationnelle. En effet, dans une étude qui a validée une nouvelle mesure des 4 dimensions de la justice organisationnelle, cet auteur trouve à partir d’analyses factorielles confirmatoires menées sur deux échantillons (des étudiants et des salariés en usine) que la meilleure adéquation des modèles présentés est obtenue en séparant la dimension informationnelle, qui comprend l’honnêteté et les justifications, de la dimension interactionnelle, qui est composée du respect et de la bienséance (droiture). Il faut citer aussi la méta-analyse de Colquitt, Colon, Wesson, Porter et Ng (2001) réalisée sur 183 études qui montre que la relation entre la justice interactionnelle et informationnelle est de même ampleur que la relation entre justice distributive et procédurale. Tous ces éléments sont en faveur de l’idée qu’il faut distinguer les 4 dimensions de justice comme des dimensions de justice indépendantes qui ont une origine et des conséquences propres.

Ainsi, la justice interactionnelle réfère à la qualité de la communication et des interactions que les superviseurs entretiennent envers leurs salariés lors des décisions prises (respect, politesse, sincérité, considération, dignité). L’autorité est perçue comme juste dans ses relations interpersonnelles lorsqu’elle respecte les individus dans leur dignité et exerce une bonne sensibilité interpersonnelle (traitement digne, sincère et respectueux). Par contre, la justice informationnelle est liée aux perceptions de la valeur (en qualité et en quantité) des informations et des explications données par rapport aux décisions prises (cf. Bagger et al., 2006). Cette dimension de justice informationnelle est définie par l’honnêteté, l’ouverture et la sincérité dans la communication des décisions prises et la qualité des justifications, c'est-à-

42

dire le caractère adéquate de ces justifications basées sur des informations exactes et correctes, et données dans des délais raisonnables (Masterson et al., 2005). Cependant, selon Colquitt et al. (2001), cette dimension de justice informationnelle informe indirectement les individus du respect des règles procédurales dans les prises de décision et ces informations vont donc générer des réactions en lien avec la justice des procédures. Pour mieux comprendre le concept de justice, il nous faut présenter les façons de le mesurer, ce que nous allons développer maintenant.