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Chapitre 2. La justice organisationnelle

3. La mesure de justice

Composées d’abord d’un seul item, les mesures de la justice organisationnelle se sont progressivement étoffées avec les avancées théoriques du concept et les hypothèses des chercheurs. Les premières mesures de la justice organisationnelle ont été apportées par les différents auteurs en commençant par la dimension distributive (Deutch, 1975, Leventhal, 1976), puis la dimension procédurale (Leventhal, 1980; Thibaut et Walker, 1975) et interactionnelle (Bies et Moag, 1986). C’est Greenberg (1993) et Colquitt (2001) qui vont distinguer la justice interactionnelle (respect et sincérité montrés aux subordonnées) de la justice informationnelle (degré d’honnêteté des procédures et explications adéquates données lors de la mise en place des décisions). La méta-analyse de Colquitt et al. (2001) réalisée sur 183 études en 25 années de recherche en justice organisationnelle et qui examinent les 4 facteurs de justice organisationnelle, conclut aussi que les dimensions distributive, procédurale, interactionnelle, et informationnelle sont des construits distincts et empiriquement distinguables les uns des autres. Pour mesurer le concept de justice il faut tenir compte d’un certain nombre de préconisations que nous allons définir dans le prochain paragraphe. En effet, Colquitt et Shaw (2005), rappellent que la mesure de la justice organisationnelle dépend de certains critères, comme la source de justice, le contexte de justice et le fait d’utiliser des mesures directes et indirectes.

3.1. La source de justice

Concernant les différentes sources de justice qu’il faut considérer pour la mesure de justice (Blader et Tyler, 2003 ; Colquitt, 2001) elles proviennent de l’organisation elle-même, et plus largement des politiques de management (émises par le système et/ou par le superviseur direct). Lorsque la source de justice est l’agent, les perceptions de justice vont avoir tendance à se faire à partir des relations interpersonnelles. Par contre, lorsque la source est le système

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organisationnel, les jugements ont tendance à se faire par la justice des distributions des ressources et la justice des procédures (Colquitt et Shaw, 2005).

3.2. Le contexte de justice

Un autre critère à considérer dans la mesure de justice selon Colquitt et Shaw (2005) c’est le contexte. En effet, si l’on mesure un événement précis et spécifique de justice (e.g., une procédure, ou une note d’évaluation) les jugements de justice vont se porter sur des comportements précis voire contextuels en lien avec les personnes concernées par l’événement. Lorsqu’il s’agit de juger une entité ou une situation globale de justice, le jugement sera aussi plus global et aura tendance à se porter sur les caractéristiques globales de la personne évaluée, ses caractéristiques personnologiques et le contexte perdra de son importance (Cropanzano, Byrne, Bobocel et Rupp, 2001). Selon Colquitt et Shaw (2005), il faut tenir compte aussi du type d’organisation. En effet, il y a des organisations où le système formel est très actif et gouverne les décisions importantes pour les salariés, donc il faudra en tenir compte dans la mesure de la justice tandis que dans certaines organisations où il manque de formalisations, ce sont les superviseurs qui prennent la majorité des décisions significatives, et les mesures de justice devront alors être davantage portées sur l’agent comme source de justice.

3.3. Les mesures directes et indirectes

Enfin, un autre critère à considérer dans la mesure est l’utilisation de mesures directes et indirectes de la justice (Lind et Tyler, 1988). Un exemple de mesure directe est le fait de poser directement la question aux participants si l’événement ou la situation leur semble juste. Par exemple : « est-ce que les procédures qui distribuent les allocations sont justes selon vous ? » (Tyler et Caine, 1981). Une mesure indirecte va intégrer une des règles de justice dans la question, par exemple, au sujet de l’évaluation d’une politique nationale (Tyler et al., 1985) la question sera : « est-ce que le président considère le point de vue de tous avant de prendre ses décisions selon vous ? ». Ainsi, les mesures directes mesurent le jugement de justice global sur un événement ou une entité mais sans distinguer quelle règle de justice a été violée. Alors que dans le cas de mesures indirectes la question permet de savoir quelles règles de justice a été violée (règles d’équité de Leventhal, 1976 ; règles de la justice procédurale de Thibaut et Walker, 1975 ; Leventhal, 1980 ; règle de la justice interactionnelle de Bies et Moag, 1986). Lorsque l’on utilise des mesures indirectes cela implique de mesurer toutes les règles de justice (consistance, précision, biais, etc…) sinon les questions ne représentent pas l’intégralité des dimensions de justice mesurée.

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Même si l’utilisation de ces deux types de mesure directes et indirectes est interchangeable, la méta-analyse de Colquitt et al. (2001) montre bien que ce sont les mesures indirectes (contrôle du processus, règles de Leventhal, 1980, règles de Bies et Moag, 1986) qui sont les meilleurs prédicteurs des variables conséquentes. De plus, comme le préconisent Colquitt et Shaw (2005), le choix des mesures doit être guidé par les questions de recherche. Ces auteurs en faisant référence à Campbell (1989, 1990), rappellent que les théories ne peuvent pas être testées sans des mesures adéquates.

Ainsi, il est nécessaire au sujet des mesures de justice que la question de recherche guide l’utilisation de la mesure adéquate. Enfin, il est préférable de mesurer toutes les dimensions de justice à chaque fois que cela est possible (Colquitt et al., 2001 ; Colquitt et Greenberg, 2003 ; Cropanzano et al., 2001) car cela permet de disposer de plus d’informations pour mettre en place des interventions de terrain par exemple mais aussi pour faire des liens avec les différentes variables étudiées.

3.5. La mesure de Colquitt (2001)

Colquitt, à partir d’une revue de la littérature sur la justice organisationnelle propose et valide une mesure en 20 items des 4 dimensions de justice (Colquitt, 2001). Sa validation repose sur des analyses factorielles confirmatoires sur deux échantillons (des étudiants et des employés d’usine automobile) qui montrent que la justice organisationnelle est mieux conceptualisée en 4 dimensions distinctes (distributive, procédurale, interactionnelle et informationnelle). En effet, selon Colquitt le fait de fusionner la justice procédurale avec la justice interactionnelle conduit à masquer d’importantes différences. Il en est de même avec les deux dimensions interactionnelle et informationnelle qui ont des effets différents. La mesure de Colquitt (2001) permet de discriminer les 4 facteurs différents de la justice organisationnelle en séparant statistiquement les construits qui dans les études antérieures étaient combinés du fait de leurs hautes intercorrélations (e.g., Mansour-cole et Scott, 1998 ; Skarlicki et Latham, 1997). De plus, les résultats de ces deux études montrent que la mesure de justice peut prédire différentes variables comme la satisfaction, l’investissement, l’évaluation du leader, l’acceptation des règles et l’estime collective. Cette mesure de Colquitt (2001) a reçu aussi du support avec l’étude de Judge et Colquitt (2004) ce qui confirme ses qualités psychométriques même si cette mesure n’est pas toujours systématiquement utilisée dans les publications (Colquitt et Shaw, 2005). Pour finir, la mesure de Colquitt (2001) en donnant la possibilité d’adapter les consignes, s’ajustent à différents contextes de mesure (e.g., évaluation des performances, compensation, sélection du personnel, etc…) en tenant compte des variables conséquentes à mesurer et des différentes sources de justice. Dans le cadre de nos recherches

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nous avons le parallèle entre justice organisationnelle et qualité de vie au travail comme nous allons le voir ci-dessous.

4. Justice organisationnelle et qualité de vie au