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Les journaliers agricoles : entre aide et pauvreté

Dans le document L’abandon du canton de Jiloca (1950-1970) (Page 34-36)

Chapitre 1 : La vie aux villages du canton de Jiloca, un mode de vie

A) La travail de la terre, clef de voûte de la société villageoise du canton de Jiloca

3) Les journaliers agricoles : entre aide et pauvreté

Parfois en manque de main d’œuvre, un journalier, souvent issu de la famille est employé pour aider. Les ouvriers agricoles permettent aux familles de s’adapter et jouent un rôle essentiel à la survie du monde rural. Minoritaires, ils représentent 9% des actifs des villages (Annexe 1). En d’autres termes, 9% des personnes en âge de travailler, sont des travailleurs qui vivent grâce au travail salarié80. Les travailleurs journaliers sont majoritairement des enfants directs et les chefs de familles ne représentent que 36% d’entre-eux (Annexe 2). De plus, les étrangers et les membres de la famille élargis sont aussi majoritairement journaliers. Présents dans la totalité des liens de parenté, ces derniers montrent que le monde agricole ne se restreint pas à la figure du paysan vivant du travail de la terre et que la société des villages du canton de Jiloca n’est pas aussi fermée qu’elle ne le laisse paraître. Les travailleurs journaliers peuvent ainsi être une aide saisonnière, un appoint, qui constitue le principal va-et-vient au sein du village et qui participe à la modification, parfois temporaire de la vie des maisonnées. Ce besoin de main d’œuvre est l’expression d’une forme d’ouverture de la communauté paysanne vers l’extérieur et ce sont presque un tiers des travailleurs journaliers qui sont nés en dehors du village (Annexe 3). La société du canton de Jiloca n’est pas à considérer ici comme un espace isolé et auto-suffisant81. La présence des journaliers vient remettre en question l’idée d’une homogénéité sociale, souvent citée lors des entretiens, de l’absence de pauvres et de riches au sein du canton. Ceux enregistrés comme enfants directs (52%, Annexe 2) sont clairement dans une phase de transition et vivent au sein d’une famille dont le père est agriculteur. Il est tout à fait possible de travailler la terre de leurs parents, dans l’attente de l’héritage, ou de partir à la recherche d’un emploi en basse saison. Leur situation est pour la plupart une transition. Les chefs de famille eux sont dans une situation

78 Dumont René, Les excédents démographiques de l’agriculture méditerranéenne. Italie et Espagne, Population,

6ème année, n°4, 1951, pp 587 – 600

79 Yusta Rodrigo, Mercedes, La guerra de los vencidos: el maquis en el Maestrazgo turolense (1940 – 1950), prólogo

de Julio Llamazares, Publicación de la Institución Fernando el Católico, Zaragoza, 2001

80 Victor Perez Diaz, Pueblos y clases … op.cit

81 Otegui, Rosario, Estrategias e identidad. Un estudio antropológico sobre la provincia de Teruel, Instituto de

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pérenne. Sans terre, leur situation est précaire puisqu’ils travaillent le lopin d’un autre, en échange d’une partie des récoltes ou d’un loyer. Certains bergers s’occupent du bétail du village. Leur situation dépend ainsi du bon fonctionnement de la société villageoise. La fragilité de leur statut est d’autant plus visible que la période étudiée est une phase de transition, de démantèlement de la « société traditionnelle agricole »82. En France à la veille de la seconde guerre mondiale, les travailleurs journaliers sont presque tous partis en ville pour devenir exploitants83 et sont, aussi, en Espagne, les premiers à partir en 195084.

B) « La paysanne (…) grande méconnue de l’histoire »85

Peu d’études se sont penchées sur le rôle des travailleuses de la terre86. Au cœur de la vie du village, les femmes contribuent à l’économie paysanne et au maintien du foyer, activité à laquelle elles sont officiellement assignée. Les activités connexes à l’agriculture et la domesticité, tâche genrée par excellence, leurs sont réservées. L’analyse statistique des registres de population est complétée ici par des photos, essentielles à la visibilisation des femmes du monde rural87. Cette figure de la femme au champ contraste d’ailleurs avec l’image de la femme au foyer véhiculée par l’idéologie dominante.

Nous avons fait le choix de considérer les femmes « au foyer » d’entre 15 et 69 ans comme actives. La plupart « sans activités », il est tout même intéressant de souligner la présence de femmes agricultrices, commerçantes ou employées dans la fonction publique. Les deux graphiques qui suivent nous éclairent sur la place qu’occupe les femmes dans le canton de Jiloca au sein de la famille, mais aussi au sein de la société villageoise.

82 Concept employé pour la première fois par José Manuel Naredo dans Evolución de la agricultura en España

(1940 – 1990), Biblioteca del Bolsillo, Universidad de Granada, 1996 (reed)

83 Duby Georges et Wallon Armand (dir.), Histoire de la France rurale … op.cit 84 Le thème de l’exode rural est traité dans la deuxième partie du mémoire

85 Teresa María Ortega, “Introducción”, p14 dans Teresa María Ortega (ed), Jornaleras, Campesinas e agricultoras,

la historia agraria desde una perspectiva de género, Monografía de historia rural n°11, SEHA, Universidad de

Zaragoza, 2011

86 Teresa María Ortega, “Introducción”, op.cit

87 Cristóbal Gómez Benito, “La mujer en la agricultura tradicional, una mirada desde la historia y la sociología rural”

dans María Ortega (ed), Jornaleras, Campesinas e agricultoras, la historia agraria desde una perspectiva de género, Monografía de historia rural n°11, SEHA, Universidad de Zaragoza, 2011

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Type de

profession Mariée Célibataire Veuve

Total par ligne Part des femmes actives mariées Part des femmes actives célibataires (%) Part des femmes actives veuves (%) Total ligne (%) Agriculteur 4 38 42 10% 90% 0% 8% Commerce, services, artisanat et industrie 1 19 1 21 5% 90% 5% 4% Fonction publique et emplois à statut 1 4 5 20% 80% 0% 1% Sans activité 319 113 34 466 68% 24% 7% 87% Total général 325 174 35 534 61% 33% 7% 100%

N = 534 (le nombre de femmes actives)

Figure 5 : Répartition des femmes actives en fonction de leur profession et de leur état civil

Dans le document L’abandon du canton de Jiloca (1950-1970) (Page 34-36)