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La concentration des terres aux mains de quelques familles

Dans le document L’abandon du canton de Jiloca (1950-1970) (Page 49-52)

Chapitre 2 : La terre au cœur des relations familiales des sociétés rurales

B) Dispersion de la terre et concentration de la propriété, le paradoxe de la propriété du canton

2) La concentration des terres aux mains de quelques familles

Pour définir la place des propriétaires au sein du canton, il nous a fallu mettre en place une typologie proche de sa réalité sociale et foncière. Rappelons que la taille des parcelles agricoles de Collados et Olalla sont contraintes par la moyenne montagne du Cucalon.

Après avoir identifié le facteur de richesse, nous avons hiérarchisé par village les propriétaires en fonction de leur production (grands propriétaires céréaliers) puis identifié combien chacun possédait en hectares. Cette répartition exclu les pouvoirs publics (commune, Etat) et l’Eglise. Nous les avons à cette occasion trié par prénoms et noms puis supprimé les doublons afin d’évaluer la dispersion de la surface possédées par personne.

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Surface / propriétaire céréalier Olalla (a) Collados (b)

Minimum 0,0154 0,0055 25%> 1,4775 1,439375 50%> 7,494 6,13615 75%> 23,7905 19,55005 Maximum 1275,65 120,19 N(a)= 126 et N(b) = 50

Figure 10 : Dispersion de la surface possédée par propriétaire en 1953

Il en résulte que la population étudiée est hétérogène et faite de très petits et très grands propriétaires. Au village d’Olalla, les très grands semblent bien plus conséquents qu’à Collados, où le plus important possède 120 hectares, contre 1 275 pour Olalla. De plus, environ la moitié de la population des deux villages possède moins de 10 hectares, traduisant d’abord la forte présence de propriétaires de taille moyenne, puis, les inégalités en leur sein. Celles-ci mettent en valeur les différences de niveaux de vie au sein des agriculteurs détenteurs, dont les plus petits doivent avoir une vie plus proche de celle d’un travailleur journalier que d’un possédant de taille moyenne.

Si l’on reprend la typologie de Georges Duby, est considérée comme petit propriétaire toute personne possédant moins de 10 hectares et comme moyen toute personne en possédant entre 20 et 50. Or, à échelle du canton, une personne détenant entre 5 et 20 hectares est plutôt bien dotée et considérée comme un propriétaire de taille moyenne. Il en résulte la typologie suivant : les tous petits sont les mêmes que ceux de l’Histoire de la France rurale119 et possèdent moins d’un hectare, les petits possèdent entre un et cinq hectares et se situent entre le premier et le deuxième quart. Viennent ensuite les moyens qui s’échelonnent entre six et vingt hectares, puis les grands qui appartiennent au dernier quart et possèdent plus de vingt hectares. Enfin, nous avons tenus à conserver la distinction entre les grands et les très grands, qui possèdent eux plus de cinquante hectares.

119 Duby, Georges, « Le salaire, l’enfant, la terre » dans Duby, Georges et Wallon Armand, Histoire de la France

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Classification des propriétaires en fonction de la taille des parcelles possédées

Tout petit propriétaire Inférieur à 1 ha

Petit propriétaire agricole Entre 1 et 5 ha

Moyen propriétaire agricole Entre 5 et 20 ha

Grand propriétaire agricole Entre 20 et 50 hectares

Très grand propriétaire agricole Plus de 50 hectares

Figure 11 : Classification des propriétaires en fonction de la taille des parcelles possédées Nous avons ensuite détaillé au sein des exploitants céréaliers les spécificités de la production. Chaque détenteur est caractérisé par sa taille en suivant la catégorie ci-dessus puis par le type de production en sa possession. Ceux en possession de productions céréalières et de terres irriguées sont indiqués comme mixtes.

A Olalla comme à Collados les exploitations de moyenne et petite taille sont dominantes, mais pas majoritaires. Dans le premier, les petits propriétaires sont majoritaires et représentent presque un tier de l’ensemble (Annexe 5), contrairement au second où ce sont les exploitations de taille moyenne qui représentent plus d’un tiers de la population (Annexe 6). Les possédants moyens sont présents dans une même proportion dans les deux villages à hauteur de 34%. La différence vient des grands qui représentent une part plus importante de la population qu’à Olalla (18% contre 13%). Ces derniers possèdent plus de cinquante hectares de céréales auxquels s’ajoutent une parcelle de terre irriguée et parfois un peu de vigne. Un seul seulement détient un espace de montagne qui accroît fortement la taille de son domaine. L’absence de cohérence dans la répartition de la terre et sa dispersion montre que le patrimoine de chacun s’est construit au grés des opportunités et résulte de l’agrégation de petites parcelles, conséquence directe d’un long processus de recomposition foncière. A long terme, en France comme en Espagne, la fin du XVIIIème siècle est marqué par la redistribution des terres du Clergé et de la Noblesse qui aboutit un siècle plus tard en France à la disparition des toutes petites et très grandes exploitations au profit des moyennes. Familiales, ces exploitations sont assez grandes pour subvenir aux besoins de la famille, mais en même temps trop petites pour que soit employée une main d’œuvre extérieure à la familiale et deviennent le mode d’exploitation dominant120. En Espagne, les terres improductives sont vendues aux enchères entre 1798 et 1924, au cours d’un processus appelé

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dezamortiacion. Le rachat des parcelles favorise la petite bourgeoise et la privatisation des terres

communales121. L’accumulation devient une stratégie d’enrichissement pour les ménages du début du siècle, qui par un système de rachat et d’héritage, agrandissent le patrimoine familial. A court terme, la guerre civile espagnole favorise l’exploitation directe de la terre et les propriétaires voient leurs bénéfices revalorisés par le marché noir. Les locataires sont expulsés et de nombreuses terres, confisquées à la sortie du conflit, sont rachetées122. La concentration des terres du canton aux mains d’un nombre réduit de famille, nuance l’idée d’une répartition égale des terres, souvent évoquée lors de nos entretiens.

Dans le document L’abandon du canton de Jiloca (1950-1970) (Page 49-52)