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Les invadopodes des cellules tumorales invasives.

Migration individuelle

IV. Les invadosomes

2. Les invadopodes des cellules tumorales invasives.

Le terme invadopode (contraction de pseudopodes invasifs) a tout d’abord qualifié les rosettes de podosomes induites par l’oncoprotéine v-Src dans les fibroblastes (détaillées dans le paragraphe suivant). Désormais ce terme désigne davantage les structures de dégradation des cellules tumorales invasives, de part leur architecture particulière : invagination membranaire dans la matrice sous jacente pouvant atteindre 200nm de diamètre et 3µm de profondeur et pouvant parfois pénétrer plus profond sous la forme de filipodes lorsque la matrice le permet. (figure 45) (Schoumacher et al., 2010a; Vignjevic and Montagnac, 2008).

L’organisation de l’invadopode diffère des podosomes : si certaines des protéines typiques des podosomes sont bien retrouvées aux invadopodes (actine-F, cortactine, protéines phosphorylées sur tyrosine (tyr), intégrines β1 et β3) (figure 46) la structure coeur/anneau ne l’est pas (pour revue (Linder, 2009)). De plus, la vinculine n’est pas retrouvée aux invadopodes et semble donc être spécifique des podosomes ce qui soulève la question de savoir si les invadopodes ont réellement une fonction d’adhérence (Gimona et al., 2008). La formation des invadopodes relève de mécanismes similaires à celle des podosomes avec l’implication des Rho GTPases, (pour revue : (Gimona and Buccione, 2006)) de Src (Bowden et al., 2006), de la polymérisation d’actine branchée (ex :Arp2/3, (Schoumacher et al., 2010a)) et de la polymérisation de cables d’actine (ex : formines (Lizarraga et al., 2009) et fascine-1

Figure 47 : Modèle de formation des invadopodes (sur la membrane basale)

A- Au stade 1, les cellules tumorales invasives forment des invadopodes et dégradent la membrane. Au stade 2, ils s’allongent pour permettre à la cellule d’infiltrer le tissu interstitiel (stade 3).

B- La formation des invadopodes du stade 1 requière l’assemblage d’un réseau d’actine branché et non branché (1a). L’élongation est permise par la croissance des cables d’actine (rouge) ainsi que le maintien de la polymérisation sous forme branchée (1b et 2a). Enfin, les microtubules et les filaments intermédiaires permettent à l’invadopode de s’infiltrer plus profondément (2b) Tirée de Schoumacher M, J Cell Biol, 2010

Figure 48 : Modèle de mesure d’élongation des invadopodes

A- Modèle expérimental : les cellules sont déposées sur une fine couche de Matrigel elle même reposant sur un filtre avec des pores de 1µm

B- La prise de photos à différents plans xy permet la reconstruction en xz et donc de mesurer l’élongation des invadopodes. Echelle 5µm

Tirée de Schoumacher M, J Cell Biol, 2010

Invasive cells

Matrigel xy1

xy2

(Schoumacher et al., 2010a)). En effet, cette dernière étude montre via des expériences par ARN interférence et d’inhibition chimique que les deux types d’organisation de l’actine-F sont nécessaires à la formation et à l’activité dégradative des invadopodes (Arp2/3, fascine-1, myosineX) mais aussi que le réseau de microtubules et les filaments intermédiaires (vimentine) participent à l’élongation des invadopodes. Les auteurs proposent que les invadopodes se forment puis s’invaginent par la polymérisation d’un réseau branché d’actine suivie de celle de cables d’actine dans le filipode. Cette étape se poursuit par l’entrée des microtubules et des filaments intermédiaires (figure 47). Afin de mesurer l’élongation des invadopodes, les auteurs ont développé un modèle de chambre de migration particulier où la membrane en polycarbonate épaisse de 11µm contient des pores d’1µm (ce qui permet le passage des invadopodes mais pas de la cellule). Elle est recouverte d’une fine couche de Matrigel™ fluorescent et la matrice remplit également partiellement les pores. Les cellules sont attirées par la présence d’un chimioattractant dans le compartiment inférieur. Dans ces expériences, les auteurs ont pu constater que l’élongation des invadopodes pouvait atteindre 12µm (figure 48) (Schoumacher et al., 2010a). La dynamine 2 (qui se lie à la cortactine) a également été localisée aux invadopodes et s’avère importante dans le processus de dégradation (Baldassarre et al., 2003). Enfin, il a été démontré un rôle de la contractilité du cytosquelette dans la formation et l’activité des invadopodes. En effet, sous l’effet de la rigidification de la matrice, il existerait un signal médié par la myosine II et des protéines de mécano-sensing qui aumenterait l’activité dégradative des invadopodes. Cela pourrait apporter un élément de réponse à la corrélation existant entre l’agressivité d’un cancer et la densité du tissu (Alexander et al., 2008). Un résultat similaire avait été obtenu dans une matrice 3D in vitro où la rigidité de la matrice induisait le clustering d’intégrines, la formation d’adhérences focales, la contractilité via le chemin Rho/ROCK et la croissance tumorale (Paszek et al., 2005).

Le nombre d’invadopodes par cellule (<10) est largement inférieur au nombre de podosomes qu’un macrophage peut comprendre (>100). De même la dynamique est très différente : les invadopodes sont très stables et ont une durée de vie pouvant s’étendre à 1h (Linder, 2007). Cette stabilité permet à ces structures de dégrader de manière plus profonde et plus focalisée alors que la dégradation des macrophages est souvent incomplète mais très étendue (figure 49).

A la base des projections filipodiales, au niveau de la membrane, se trouve un cœur riche en actine–F, cortactine, phospho-paxilline et protéines tyr-phosphorylées appelé le complexe

Figure 49 : Comparaison de la dégradation des posodomes et des invadopodes sur fibronectine- Alexa488

a-f : Les macrophages humains primaires (rouge pour la F-actine) dégradent le support de manière étendue mais incomplète. Sur la représentation en xz, on voit que la dégradation n’est pas profonde g-i : Les cellules tumorales invasives (MTLn3) dégradent le support de manière très localisée mais plus profondément que les macrophages. Sur la représentation en xz, on voit que toute la matrice a été dégradée sous l’invadopode.

Tirée de Linder S, Trends Cell Biol, 2007

Complexe invadopodial - riche en Cortactine, P-tyr, P-paxilline - Lieu de la dégradation Matrice fine Matrice épaisse

Figure 50 : Le complexe invadopodial

Le complexe invadopodial se situe au niveau de la base des filipodes émanant de ce complexe. Sur une matrice épaisse, les invadopodes peuvent pénétrer profondément dans la matrice ce qui n’est pas le cas sur une matrice fine

invadopodial. Dans ce modèle, établi en 2D, le site de dégradation est situé au niveau du complexe invadopodial (Artym et al., 2010; Bowden et al., 2006). Ce modèle a été confirmé en 3D, in vitro dans une matrice issue de derme (Tolde et al., 2010) ou en Matrigel™ (Lizarraga et al., 2009). O. Tolde et coll. montrent par ailleurs que de multiples filipodes peuvent émerger de ce complexe et s’engouffrer dans la matrice ; les filipodes sont dépourvus de cortactine, de paxilline et d’activité dégradative (figure 50) (Tolde et al., 2010). Certains de ces résultats diffèrent de ceux obtenus par M. Schoumacher et coll. qui montrent que la cortactine se localise sur toute la longueur du filipode. En revanche ils remarquent comme O. Tolde et coll. que l’activité dégradative (dans leur cas médiée par MT1-MMP) est localisée à la base du filipode.

Si la nécessité ou non de la dégradation le long du filipode n’est pas encore claire, la capacité dégradative de ces structures est un processus qui a été beaucoup étudié. Ainsi plusieurs MMPs (MT1-MMP, MMP-2, MMP-9) semblent impliquées mais aussi des sérine-protéases (séprase et son recepteur uPar) (pour revue : (Linder, 2007)).