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Leucémie chronique

2. Exemples de pathologies associées à l’infiltration tissulaire des phagocytes

2.2 Le cancer : les tumeurs solides

Les cellules du système immunitaire, en particulier les macrophages, ont normalement le potentiel de reconnaitre et éliminer les cellules cancéreuses. Cependant, un nombre croissant d’études montrent une corrélation entre densité de macrophages dans le micro-environnement tumoral et mauvais pronostic (Bingle et al., 2002; Pollard, 2004).

En effet, le micro-environnement tumoral est composé entre autres de cellules de l’immunité (Joyce and Pollard, 2009) et les macrophages peuvent représenter jusqu’à 50% des cellules d’une tumeur (Solinas et al., 2009).

 TAMs et tumeur primaire

Les études histologiques indiquent que les macrophages sont présents dès les premiers stades de la tumorigenèse jusqu’au développement métastatique (Lewis and Pollard, 2006). Deux raisons expliquent cette présence. Tout d’abord, les tissus tumoraux sont des zones hypoxiques qui constituent des lieux d’attraction pour les monocytes circulants qui les infiltrent alors de façon continue (Lewis and Murdoch, 2005). De plus, les cellules cancéreuses et les fibroblastes de l’environnement tumoral sont sources de chimioattractants comme le CSF-1, le VEGF, et les chimiokines CC (CCL2 (MCP-1), CCL3-5, CCL8) (Lewis and Pollard, 2006). Ces facteurs favorisent la différenciation des monocytes en macrophages associés aux tumeurs (TAMs pour Tumour Associated Macrophages). En fait, il existe un véritable dialogue moléculaire entre TAMs et cellules tumorales, dont l’issue dépend du type de cytokines libérées. Ainsi, si la libération de cytokines pro-inflammatoires dans certains types de cancers peut favoriser les activités cytotoxiques et la présentation d’antigènes par les

Membrane basale

Cellules tumorales

(M-CSF…)

Figure 15 : Les fonctions pro-tumorales des macrophages

Les macrophages sont recrutés sur le site tumoral (attraction des zones hypoxiques et des cytokines libérées, entre autres, par les cellules tumorales) où ils stimulent l’angiogénèse (sécrétion de VEGF, ANG2). Ils recrutent également d’autres cellules comme les neutrophiles qui rempliront les mêmes taches. De plus, les TAMs sécrètent des protéases qui facilitent l’évasion des cellules tumorales vers le milieu environnant et par la suite dans la circulation. Enfin ils sécrètent aussi de nombreux facteurs prolifératifs et anti- apoptotiques.

Adaptée de Pollard JW, Nat Rev Cancer, 2004

Macrophage associé aux tumeurs IL8, TGFβ, TNFα (facteurs de croissance et de survie) et protéases

TAMs, dans la majorité des cas, les facteurs sécrétés par les cellules tumorales sont immunosuppressifs (TGF-β, le CSF-1, le VEGF, l’IL-4 et IL-10). En retour, les TAMs sécrètent une batterie de facteurs favorisant la prolifération tumorale et l’angiogénèse (VEGF, IL-10, TGF-β, EGF…) (Mantovani et al., 2002; Sica et al., 2008; Solinas et al., 2009).

Les équipes de J. Pollard et de J. Condeelis ont détaillé ce processus à travers l’étude du rôle de facteur de croissance CSF-1. En effet, dans un modèle de cancer mammaire, la déplétion du gène codant pour le CSF-1 chez la souris réduit la progression tumorale et la formation de métastases pulmonaires, alors que sa surexpression accélère le processus métastatique (Lin et al., 2001). L’étude de la co-migration entre macrophages et une lignée de cellules issues d’une tumeur mammaire a permis de mettre en évidence une boucle paracrine faisant intervenir la production de CSF-1 par la cellule cancéreuse et d’EGF par le macrophage (Wyckoff et al., 2004), alimentant ainsi une activation mutuelle de ces cellules. Enfin, il a été proposé que cette boucle paracrine est également impliquée dans la formation de structures de dégradation de la matrice extracellulaire (podosomes et invadopodes, structures détaillées dans le chapitre III.2) qui faciliterait l’invasion tumorale (Yamaguchi et al., 2006).

 TAMs et métastases

L’activation des TAMs stimule 1) l’angiogénèse, 2) la migration des cellules tumorales (Solinas et al., 2010; Wyckoff et al., 2004), et 3) la sécrétion de protéases qui permettent de remodeler la matrice extracellulaire du micro-environnement tumoral (Gocheva et al., 2010; Littlepage et al., 2010). Ces manifestations facilitent ainsi l’invasion des tissus adjacents par les cellules tumorales et contribuent à la dissémination métastatique (Grivennikov et al., 2010; Joyce and Pollard, 2009) (figure 15).

Les cellules tumorales acquièrent des capacités migratoires lors du processus métastatique. L’origine de cette acquisition est classiquement expliquée par la transition épithélio- mésenchymale qui sera abordée dans le chapitre III de cette introduction.

La tumeur primaire a une grande influence sur le devenir métastatique. Elle sécrète des facteurs (S100A8 et 9) qui attirent des cellules myéloïdes sur des lieux distants avant l’arrivée des cellules tumorales circulantes (Kaplan et al., 2005). Ces lieux ont été appelés les niches pré-métastatiques. Ces cellules myéloïdes n’ont pas été complètement identifiées mais elles sont VEGFR+, une caractéristique déjà identifiée dans des cellules mononuclées phagocytaires (Hiratsuka et al., 2002; Kaplan et al., 2005). De plus, il a été montré que la

lysyl-oxydase ponte covalemment les fibres de collagène au site pré-métastatique et que cela est nécessaire au recrutement des cellules myéloïdes (Erler et al., 2009). Il est proposé que ces niches servent de réservoir de cellules monocytaires qui peuvent être ainsi rapidement mobilisées lors de l’arrivée des cellules tumorales pour favoriser l’implantation d’une nouvelle tumeur (Qian and Pollard, 2010). Il est par ailleurs proposé qu’une sous-population spécifique de macrophages soit recrutée au site métastatique (Metastasis-associated macrophages) pour faciliter l’extravasion des cellules tumorales (Qian et al., 2009).

Une autre hypothèse expliquant le rôle des macrophages dans la mise en place de métastases repose sur la fusion macrophage/cellule tumorale. Ce processus pourrait se produire lors de la tentative de phagocytose des cellules tumorales par les macrophages mais les mécanismes ne sont pas encore identifiés. La fusion entre cellules hôtes de souris et cellules cancéreuses implantées a déjà été montrée in vivo et ce processus accroisserait le pouvoir métastatique (Pawelek and Chakraborty, 2008). A la vue de l’infiltration massive de la tumeur primaire par des macrophages, les auteurs suggèrent que les cellules hôtes impliquées dans la fusion étaient des macrophages sans, cependant, en donner une véritable preuve. Ainsi les macrophages transféreraient leur capacité migratoire aux cellules tumorales via ce processus de fusion (Lu and Kang, 2009; Vignery, 2005). Cependant ce concept manque encore de preuves pour être complètement validé.

L’ensemble de ces données suggère que les macrophages peuvent être détournés de leurs fonctions dans le micro-environnement de la tumeur et ainsi contribuer à la progression tumorale en acquérant au contact des tumeurs les propriétés des macrophages de type M2 (Mantovani and Sica, 2010; Mantovani et al., 2002).

L’infiltration de TAM semble donc avoir dans la plupart des cas un effet dramatique sur la progression tumorale. Aussi, l’inhibition spécifique de l’infiltration des macrophages est devenue une évidence thérapeutique pour compléter les stratégies anti-cancéreuses conventionnelles (Coffelt et al., 2009; Mantovani, 2010; Pollard, 2009; Qualls and Murray, 2010; Ruhrberg and De Palma, 2010; Sica et al., 2008). Or, à notre connaissance, aucune cible pharmacologique répondant à ce critère n’est identifiée. En effet, l’altération de la migration des lymphocytes serait extrêmement délétère, ce qui implique que la cible soit strictement phagocytaire. De plus, les macrophages seraient des cibles de choix puisqu’ils ne sont pas sujets à mutations, et donc au développement de résistances, comme les cellules tumorales (Grivennikov et al., 2010; Qian and Pollard, 2010).