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La migration mésenchymale ou amiboide et leur

Indépendance vis-à-vis de Src

2.2 Les différentes stratégies de migration des cellules tumorales invasives

2.2.2 La migration mésenchymale ou amiboide et leur

interconversion : transition mésenchymal-amiboide (MAT) et transition amiboide-mesenchymale (AMT)

La mise en évidence de la transition mésenchymal-amiboide a été faite pour la première fois par l’équipe de P. Friedl en 2003. Ils ont montré, in vitro, que des cellules tumorales HT1080 (fibrosarcome) et MDA-MB-231 (carcinome mammaire) migrent dans une matrice de collagène de type I fibreux 3D selon un mode mésenchymal (phénotype en épingles, clustering des β1-intégrines, dégradation de la matrice extracellulaire). Ils ont alors observé que ces mêmes cellules peuvent compenser un blocage de la protéolyse en adoptant un mode migratoire amiboide (phénotype arrondi, déplacements par propulsion du corps cellulaire, absence de clusters d’intégrines) et poursuivre ainsi leur course sans perte de vitesse (Wolf et al., 2003a). Ce résultat a été également observé par une autre équipe en 2006 (Carragher et al., 2006). Dans la même veine, E. Sahai et C.J. Marshall ont montré, in vitro dans du Matrigel™, que certaines lignées tumorales migraient en utilisant un mode amiboide dépendant de ROCK, que d’autres lignées migraient en utilisant un mode mésenchymal indépendant de ROCK et que, parmi ces dernières, seulement certaines lignées pouvaient effectuer la transition mésenchymal- amiboide après inhibition de la protéolyse (Sahai and Marshall, 2003).

Depuis, beaucoup d’études in vitro ont été menées et ont montré que l’inhibition de la protéolyse, le renforcement du chemin métabolique de Rho/ROCK et parfois l’inhibition des interactions MEC/intégrines pouvaient induire la transition MAT et à l’inverse que l’inhibition de protéines impliquées dans la contractilité de l’acto-myosine (chemin Rho/ROCK) pouvait induire la transition AMT (revues dans (Friedl, 2004; Pankova et al., 2010)).

En effet, le mode migratoire depend largement de l’activité des petites GTP-ases. Nous avons vu dans le paragraphe « III-1.1 La migration 2D in vitro » qu’il existait une boucle de rétro- contrôle entre Rac et Rho/ROCK et l’activité de chacune peut inactiver l’autre pour favoriser un phénotype. Ainsi Rac régule négativement Rho/ROCK et inhibe le phénotype amiboide tandis que Rho/ROCK limite Rac inhibant le phénotype mésenchymal (Sanz-Moreno et al., 2008).

Récemment, un problème concernant la relevance des modèles in vitro utilisés a été soulevé (Sabeh et al., 2009). En effet, les auteurs affirment que les cellules tumorales requièrent absolument la dégradation de la matrice (via MT1-MMP) afin d’envahir la matrice

Figure 31 : Crosslinking du collagène I

Le collagène natif dispose de ponts covalents qui ne peuvent plus se former après extraction à la pepsine : les flèches indiquent les sites de cassure du traitement. Echelle : 5µm

Adaptée de Sabeh F, J Cell Biol 2009

Collagène Natif Collagène Extrait à la pepsine Ponts covalents entre 2 molécules de collagène

environnant la tumeur. Selon eux, la migration selon un mode amiboide protéases- indépendant n’est plausible que lorsque la matrice n’est pas cross-linkée et ne serait donc liée qu’aux matrices utilisées in vitro (Sabeh et al., 2009). En effet, le collagène le plus couramment utilisé in vitro (Bovine Collagen I – Nutragen) n’est pas natif et les traitements qu’il a subi à la pepsine ont supprimé certains liens covalents présents in vivo (figure 31). De plus, le Matrigel™ n’est également plus cross-linké une fois reconstitué. Ils ont argumenté leurs propos en utilisant un modèle de sphéroides (masse de cellules tumorales mimant une tumeur) incorporé dans du collagène natif ou pepsinisé et en évaluant l’invasivité des cellules tumorales (mesure de l’ex-filtration (sortie) des cellules dans la matrice de collagène). Cette expérience a été réalisée avec des sphéroïdes de MDA-MB-231 ou de HT1080. Ils ont montré, à l’aide de SiRNA que MT1-MMP était absolument requise pour l’envahissement de la matrice de collagène native et non celle de collagène pepsinisé. Ils concluent donc que la migration n’est MT1-MMP indépendante que lorsque certains ponts covalents de la matrice ont été éliminés (Sabeh et al., 2009). Cependant ils n’ont pas testé dans leur modèle la migration de cellules décrites pour migrer selon le mode amiboide, ce qui ne peut donc en exclure l’existence (Pankova et al., 2010). De plus, le modèle sphéroïde qu’ils utilisent est, certes plus proche des conditions in vivo, mais est totalement différent de celui utilisé par P. Friedl et coll. (Wolf et al., 2003a) ou E. Sahai et C.J Marshall (Sahai and Marshall, 2003) : observer des cellules se détacher d’un sphéroïde est différent que d’observer des cellules individuelles migrer au sein d’une matrice.

Malgré cela, la question de savoir si de telles transitions interviennent in vivo reste importante. En effet, l’échec des thérapies basées sur les inhibiteurs de MMPs en essais cliniques suggère que les cellules tumorales continuent à migrer selon un mécanisme indépendant des MMPs.

A ma connaissance, pour l’instant deux équipes ont initié ensemble l’étude in vivo des transitions. Ils ont généré des tumeurs sous cutanées avec des cellules tumorales amiboides (A375m2) et montrent que l’inhibition du chemin métabolique Rho/ROCK réduit la motilité des cellules (en l’occurrence, les cellules ont tendance à rester au sein de la tumeur) mais qu’elles favorisaient une morphologie mésenchymale des cellules. Par ailleurs, les auteurs ont remarqué que les cellules contrôles présentaient des phénotypes et des mouvements différents selon leur position. En effet, au sein même de la tumeur, les cellules évoluent entre elles selon un phénotype plutôt mésenchymal, tandis que dans l’environnement direct autour de la tumeur, les cellules adoptent soit un mouvement amiboide rapide, soit un mouvement

Figure 32: Les différents types de migration des cellules tumorales invasives

Si l’environnement le permet, les cellules peuvent migrer selon un mode amoeboide (basé sur la formation de blebs (blebby) ou de courtes protrusions (pseudopodal). Dans un environnement plus dense, les cellules adoptent un mode mésenchymal de migration, dépendant de la dégradation de la matrice. Si plusieurs cellules suivent une cellule « leader » dans un tunnel de dégradation, on assiste à la formation d’une chaîne de migration pouvant évoluer vers une migration collective avec la maintien de jonctions cellule/cellule.

Adapté ede Friedl P, J Cell Biol, 2010

Migration