CHAPITRE III : Le psoriasis
3. Les infiltrats leucocytaires présents dans les lésions psoriasiques
Le psoriasis est caractérisé par la présence d’un infiltrat leucocytaire au niveau des
lésions cutanées. Dans cette partie seront décrites les principales cellules immunitaires résidentes et recrutées au sein de cette lésion : ce sont les DC, LT, macrophages, NK et NKT.
Les cellules dendritiques
Les DC sont des cellules présentatrices d’antigènes dites « professionnelles »
(« Professional Antigen Presenting Cells », APC). Ce sont des acteurs à part entière du
système immunitaire dans la mesure où elles font le lien entre l’immunité innée et adaptative.
Elles orchestrent finement l’intensité et la direction des réponses immunes adaptatives contre les pathogènes via l’amorçage et l’activation des LT selon les circonstances particulières de l’environnement. Les DC sont classifiées en diverses sous-populations selon les marqueurs de surface qu’elles expriment, les localisations anatomiques, et les spécificités fonctionnelles.
Elles sont retrouvées dans le sang, les tissus lymphoïdes, et dans presque tous les organes périphériques, y compris la peau où elles jouent un rôle important dans la surveillance immunitaire. Un grand nombre de marqueur sont utilisés pour identifier les différentes populations de DC ainsi que leurs modifications fonctionnelles.
Les DC jouent un rôle central dans le développement d’un certain nombre de maladies
inflammatoires telles que le psoriasis. Ainsi le derme de patient souffrant de psoriasis contient un grand nombre de DC myéloïdes CD11c+ suggérant un rôle important dans la pathogenèse
de cette maladie (Zaba et al., 2007a). Neslte et al., ont montré que les mDC présentes dans
des lésions psoriasiques sont capables de stimuler les LT et d’induire la production d’IL-2 et d’IFN, contribuant ainsi à la définition initiale du psoriasis comme une maladie de type Th1
(Nestle et al., 1994). De plus les mDC CD11c+ sont les majeures sources de médiateurs de
l’inflammation tels que le TNF et l’ « Inducible Nitric Oxide Synthase (iNOS) dans les
l’activité biologique du TNF), réduit significativement la sévérité de cette maladie
(Leonardi et al., 2003) et celle-ci est associée à la diminution de l’expression des nombreux
gènes de cytokines proinflammatoires, notamment des cytokines Th17 (Zaba et al., 2007).
Les mDC produisent également de l’IL-23 qui est fortement exprimée dans la peau
psoriasique (Zaba et al., 2007). Par l’intermédiaire de cette production d’ILβγ ainsi que de
l’IL-1β elles sont capables d’induire respectivement la polarisation des LT CD4+ en LTh1 ou
en LTh17 (Nestle et al., 2009a ; Nestle et al., 2009b ; Wilson et al., 2007 ; Yawalkar et al., 2009).
Une augmentation du nombre de pDC est également observée dans la peau psoriasique
par rapport à la peau saine. En effet, Gilliet et al., ont identifié un nombre élevé de pDC dans
les lésions psoriasiques basé sur la co-expression de marqueurs tels que BDCA2 et CD123
(Gilliet et al., 2004). De plus, l’application topique d’un agoniste TLR7 chez la souris induit
un phénotype de type psoriasique accompagné d’une augmentation du nombre de pDC
infiltrant le derme (van der Fits et al., 2009). Il a été montré que la cathélicidine LL-37, qui est fortement produite dans les lésions psoriasiques, se lient avec un ADN ou un ARN
autologue libérés par les kératinocytes stressés afin d’activer les pDC en passant
respectivement par TLR7 ou TLR9 (Ganguly et al., 2009; Lande et al., 2007).
Les lymphocytes T
Il y a plus de LTh CD4+ (1,2 à 2 x 106 cellules/cm2) dans la peau normale que dans la
circulation (Clark et al., 2006). Les lymphocytes épidermiques représentent seulement 2% de
la population totale de lymphocyte de la peau, et dont la majorité sont les LT CD8+ . Ces
LT sont localisés dans la couche basale et suprabasale de l’épiderme à proximité des LC
(Foster et al., 1990). Dans le psoriasis, les LT CD4+ sont retrouvés principalement dans le
derme, et les LT CD8+ cytotoxiques dans l’épiderme (Nestle et al., 2009a). Depuis plusieurs
années, le psoriasis est considéré comme une maladie de type Th1 dans lequel l’IFN et le
TNF sont les cytokines primordiales, par opposition à la dermatite atopique plutôt de type Th2. Cependant ces nomenclatures sous-estiment la plasticité intrinsèque des LTh et ont été mises à jour à la suite de la découverte des sous-populations de lymphocytes Th17 et Th22 (Zhou et al., 2009). Notre laboratoire a mis en évidence que la différenciation des LTh17
présents dans les lésions psoriasiques était induite par l’IL-βγ et l’IL-1 ; et que ces cellules produisent de l’IL-17A, IL-17F, IL-22, IL-26, IFN, la chimiokine CCL20 et expriment le
cellules T naïves en présence de TNF et de l’IL-6, et produisent principalement de l’IL-22
(Kagami et al., 2010). Ainsi, de nombreuses cytokines telles que l’IFN, le TNF, l’IL-17A et
l’IL-22 stimulent les kératinocytes, induisant leur prolifération et la production de cytokines proinflammatoires et d’effecteur de l’immunité innée tels que les PAMS et les chimiokines, amplifiant ainsi l’inflammation chronique.
Les polynucléaires neutrophiles
Les polynucléaires neutrophiles sont présents en grand nombre dans l’épiderme des
patients souffrant de psoriasis, et forment les microabscès de Munro (Steffen, 2002). Les kératinocytes sont des sources importantes de chimiokines telles que CXCL1, CXCL3,
CXCL5 ou CXCL8 permettant le recrutement de neutrophiles dans l’épiderme des patients
souffrant de psoriasis. Une récente étude a montré que les PN recrutés dans lésions
psoriasiques produisent une grande quantité d’IL-17 par rapport à la peau non lésionnelle,
suggérant ainsi le rôle joué par les PN dans le développement du psoriasis (Lin et al., 2011).
Les macrophages
Dans les lésions psoriasiques, ils sont présents au niveau de l’interface entre le derme et l’épiderme (Vestergaard et al., 2004). Wang et al., ont démontré que les lésions cutanées contiennent une grande quantité de macrophages et que ces cellules sont une source
importante de TNF dans la peau (Wang et al., 2006). De plus, le bocage de la signalisation
du TNF par l’étanercept réduit le nombre de macrophages dans les lésions cutanées en
parallèle d’une diminution de la production du TNF. Les macrophages produisent de l’IL-12 ainsi que de l’IL-23 plus important dans la peau psoriasique par rapport à la peau saine, suggérant ainsi l’implication de ces cellules ainsi que ces cytokines dans cette pathologie
(Yawalkar et al., 2009). Toutes ces observations suggèrent le rôle joué par les macrophages dans le développement et le maintien du phénotype psoriasique.
Les cellules NK et NKT
Les cellules NK sont des lymphocytes qui sont en général considérés comme faisant partie du système immunitaire inné. Elles sont phénotypiquement définies par la présence de marqueurs de surface particuliers tels que NKp46 ou CD56+CD3-, et sont présentes dans les infiltrats inflammatoires des lésions psoriasiques. Il a été montré que le phénotype
(Ottaviani et al., 2006). Les kératinocytes produisent des chimiokines telles que CXCL10, CCL5 et CCL20 qui sont responsables du recrutement des NK au sein de la lésion, puisque les récepteurs de ces chimiokines (CXCR3, CCR5 et CCR6 respectivement) sont fortement
exprimés sur les NK dans le contexte de cette maladie (Ottaviani et al., 2006). Dunphy et
Gardiner ont répertorié les principales cytokines capables d’activer et d’induire la
prolifération des NK. En effet les NK répondent à l’IL-β, l’IL-12, l ‘IL-15 et l’IL-18 pour
produire des cytokines proinflammatoires telles que l’IFN et le TNF (Dunphy and Gardiner,
2011). De plus, il a été découvert récemment une nouvelle population de cellules NK,
nommée NKββ qui produit principalement de l’IL-22 (Cella et al., 2009). Elles se
différencient en cellules NKββ en réponse à une stimulation par l’IL-23
Les NKT sont un sous-type de lymphocytes exprimant des récepteurs des LT en même temps que ceux des cellules NK, comprenant CD56, CD16, CD161 et CD94 (Dunphy and
Gardiner, 2011). Ils sont activés après reconnaissance d’un glycolipide présenté par le CD1d.
En parallèle les kératinocytes expriment également CD1d qui est fortement induite dans les lésions psoriasiques (Bonish et al., 2000).