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Les grands mystères

Dans le document LES DIEUX (Page 73-90)

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La violence est partout sous la paix des champs. La foudre, l'éclair, la tempête, le torrent sont des excès. L'homme contourne cette démesure ; il apprend à ne pas la craindre ; il apprend à la craindre en lui-même ; il s'y joue quelquefois, et c'est un jeu sauvage. Il faut comprendre que la religion n'a pu tourner de ce côté-là sans revenir honteuse et secrète. Il faut maintenant toucher à ce fond trouble des passions, qui est dans toutes, et qui les punit toutes. L'esprit s'y immole comme sur un bûcher. Contre quoi le sacrifice est une précaution. Rite, tremblant rameau. Je descends aux enfers ; que les dieux de marbre me protègent, car l'esprit n'y peut rien.

L'esprit s'est perdu par l'orgueil ; et l'orgueil n'est pas principalement ni premièrement un sentiment contemplatif ; il est un élan irrité, un mouvement indomptable, une colère qui s'augmente de soi, mais une suffisance plutôt qu'une dépendance, et d'une certaine manière une domination par l'excès.

Telle est la passion du tyran, et chacun est tyran. Je prends donc l'orgueil par la matière, et c'est bien la première apparition de l'esprit. Le sentiment populaire est que les esprits ne sont pas tous bons. Ici donc l'esprit recherche l'extrême malheur, et se console par une frénésie qui est son œuvre. Mais il faut commencer par les mouvements les plus mesurés.

Il y a démesure dans la nature, soit par l'énorme tempête, soit par l'immen-sité des sables, soit par les glaciers et les pics neigeux, soit par l'exubérance végétale ou animale, soit par l'excès des masses humaines en effervescence.

En toutes ces circonstances, l'homme se sent petit et faible ; mais il rebondit de tout son esprit ; il essaye son pouvoir de braver et d'oser ; il le trouve sans limites. La peur est vaincue. La mort est vaincue. Tel est le sentiment du sublime, et il y a du sublime dans tous les excès. L'ivresse ne peut être médio-cre dans un être qui pense. Tel est le genre de folie qui nous porte au spectacle des choses effrayantes et inhumaines. Nous voudrions un pic plus sauvage, des vagues plus hautes, une solitude plus terrible. Essaie, univers, essaie ! Ce mouvement nous porte au risque, à l'ascension, au vol, à la guerre, à tous les genres d'exploration, Ce genre de courage réside certainement plus bas qu'on ne croit. Car l'orgueil n'est jamais d'esprit seulement ; le héros sent tout au moins une provision de tempête et un monstre indomptable ; et, comme Platon l'a vu, il tient toujours une colère prête à soutenir l'audace d'esprit. Par là non seulement l'homme se juge roi, mais encore il produit de lui-même une force de nature non moins merveilleuse que les forces environnantes ; et l'accroisse-ment de cette colère retenue promet toujours plus ; d'où il se sent invincible et immortel, même comme nature.

La danse des forcenés est un exemple bas, mais d'autant plus remarquable, de ce déchaînement pour le plaisir ; l'esprit joue alors purement à se perdre ; et je mettrais dans mon enfer, si j'en voulais décrire un, cette danse démoniaque, bien plutôt que le supplice de Tantale, où l'homme est moqué. La danse furieuse des Tourneurs est bien au-dessus des désirs ; elle est plutôt défi à la douleur. Le suicide se trouve par là, et sans doute violent sous des formes tranquilles, comme la manie des alpinistes. Le délire guerrier est du même ordre, et ni plus ni moins honorable ; ce n'est toujours pas peu. On doit rendre justice ici à une espèce de cruels, et, qui sait, à toutes les espèces de cruels.

Car les uns ne s'épargnent pas eux-mêmes, et reçoivent les coups comme ils les donnent ; mais tous essaient leurs propres forces contre la pitié, qui est, en son plus bas et plus fort degré, une grande honte ; car on se sent défaillir à la vue d'une plaie. La victoire sur la pitié est redoutable C'est un genre de fécondité. D'où l'on approche de comprendre, et même de ressentir un peu, les

enfers de l'ancien Mexique, où par milliers on égorgeait les captifs ; telles étaient leurs fêtes. C'est une prodigalité de nature, qui veuf s'égaler au soleil et au volcan. Et c'est bien une vengeance de faiblesse, mais de force aussi. Bien au-dessus de l'animal, qui tue pour manger, et fuit sans cérémonie. Je laisse seulement apparaître ici les sacrifices humains médités et préparés ; ils ne sont qu'un reste ; ils ne sont qu'un rite ; et le dieu y est extérieur. Au niveau où je veux me tenir maintenant, le dieu est intérieur ; et, si l'on regarde bien, C'est déjà l'esprit.

La fécondité est un excès ; le printemps est un excès. Ce moment ne va jamais sans ivresse, et le propre de l'ivresse est de s'enivrer par soi, c'est-à-dire de mouvement et d'audace, et d'excès sur excès. Le vin est un moyen d'éveiller ces forces dormantes ; et il y a du généreux dans le buveur. Un vin est dit généreux ; mais l'esprit n'aime pas recevoir sans donner. Aussi le plaisir de boire est-il peu de chose auprès du pur plaisir d'avoir encore plus de plaisir, je dirais presque de vaincre encore plus de plaisir. Dans l'ancien langage des corporations, le plus hardi buveur était nommé Sublime ; ces manières de parler sont des lueurs. Ici encore un rite. Ici encore Bacchus. Mais dessiner Bacchus, c'est déjà l'éloigner de soi. On ne nomme point le dieu des grands mystères, on ne peut. Cérès, mère des moissons, est un dieu qui ne peut.

Je crois que l'homme n'a pu éloigner de soi ni dessiner le puissant dieu des animaux et des hommes. Éros et Aphrodite sont des politesses. L'art indien exprime quelque chose de plus fort par l'entassement et entrelacement des formes animales ; aussi par la multiplication des jambes et des bras. Le dieu de la fécondité, c'est l'organe même, et les religions supérieures ne l'ont pas vaincu sans peine. Par un retour de réflexion il se montre une sorte de manie, même dans l'archéologue, de retrouver partout ce symbole, si aisément con-fondu avec l'arbre, avec la colonne, avec l'obélisque. Et cette confusion est en nous, puisqu'il est évident que toute notre force est dans toutes nos victoires.

Sans doute le sublime de l'homme s'exerce à vaincre la pudeur comme la pitié, et n'y parvient que par une ivresse qui est la plus difficile à avouer ; d'où vient qu'on ose tout. Le sabbat, plus familier à nous que les mystères d'Éleusis, est une sorte de délivrance, par la représentation de ce diable à forme de bouc.

Nous feignons que le diable et les sorcières sont un monde séparé et maudit.

Ce qui est, comme chacun le sent, se séparer par politique de la partie exces-sive de soi, et renoncer au bien comme au mal. Mais rien n'est maudit, et le génie de Platon a su mêler de nouveau le ciel et la terre, ce qui nous remet en épreuve, tous. On oublie quelquefois que Socrate parlait à Alcibiade ; manière de parler à soi.

Ces délires sont agrestes. La ville n'en donnerait pas l'idée. Ménades et sorcières retournent au champ et à la montagne, comme pour lutter de plus près avec l'énorme nature. Et c'est bien là que ces impétueux mouvements, qui dépensent, conservent et propagent, trouvent un autre remède que la folie et la

mort. Car là l'homme gagne continuellement sa propre vie par travail et fatigue. Là périssent guerre et luxure, après de brefs soubresauts. La vierge porte des fleurs à l'autel de Vénus, et rougit ; ce mouvement du sang en dit assez. Les foins mûrissent ; la vache attend aussi, le nez sur la barrière ; les poules s'agitent ; le renard guette. C'est ainsi que la fécondité amortit ses pro-pres vagues ; et surtout dans nos pays tempérés où le printemps n'est qu'une aventure, et où commande l'avarice à la coiffe noire. Le dieu Terme est le plus fort.

Les dieux (1934) Livre deuxième: Pan

Chapitre VI

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Le rite

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L'homme se retient. Il ne mange pas comme les bêtes, car il voudrait alors être pire qu'elles. Il ne tue point non plus comme les bêtes. Le sacrifice d'un bœuf à Jupiter ou à Neptune est absurde à première réflexion ; car Jupiter vit d'ambroisie ; et, au reste, après avoir brûlé quelques poils, on mange très bien l'animal. C'est que le sacrifice est moins une offrande qu'une manière de tuer ; et ce qui est sacrifié, comme il convient, c'est l'ivresse de tuer, le bain de sang et d'entrailles, et autres horreurs qui tuent le tueur. Par meilleure réflexion il faut donc admirer au contraire, comme une pratique de raison, ce prélude du repas, et cette franchise d'amener au jour la boucherie et la cuisine, et de les faire cérémonieusement. Et ce n'est qu'artifice, non pas tout à fait artifice, si l'on imagine que le dieu politique est le témoin et l'ordonnateur de ces choses.

C'est porter la politesse jusqu'à son extrême contraire ; et la politesse, en cette situation difficile, est toujours très ornée. C'est pourquoi les cornes de la génisse sont dorées, pourquoi les bandelettes sont nouées, pourquoi c'est le prêtre ou le chef qui porte le coup ; et c'est mauvais présage si le coup ne tue pas net. La force est prise à ce piège, et civilisée au plus près. Nous sommes barbares à côté, par hypocrisie ; nous ne voulons pas voir tuer ; nous mettons toute notre politesse dans le manger. Toutefois elle est encore la même ; car il n'est pas séant d'empoigner son couteau comme pour tuer encore une fois le bœuf en daube ou le poulet rôti. Découper les viandes était un haut emploi du palais, il n'y a pas longtemps ; et c'est encore un geste de danseur.

La danse villageoise est un rite d'amour. J'y admire le sérieux, et l'écono-mie des mouvements ; on dirait que la folie guette et que l'emportement guette ; et c'est vrai qu'ils guettent. Le paysan ne croit pas tant à la civilisa-tion ; il en sauve ce qu'il peut, ce qui et mieux qu'y croire. Les révérences, les avancées et les reculs, et surtout cette lente farandole où chacun est tenu par tous, sont la négation même de toute bacchanale. Mais aussi ne conte-t-on pas que les bacchantes ont tué Orphée ? Ces mythes ont un sens très riche et très clair, dès que l'on veut bien recevoir, comme hypothèse de travail, que l'homme est le seul ordonnateur des danses et des cultes. C'est qu'il n'a jamais cessé de lutter contre soi. L'alignement au cordeau et le cercle du compas sont des triomphes de la réelle philosophie ; et la danse déjà. Sans compter la musi-que, qui, en la danse tout au moins, ne fait d'abord que marquer le bruit des pieds, toujours par une précaution contre la violence, car qui frappe du pied déjà s'irrite. Le chant règle les cris, qui iraient d'eux-mêmes à la fureur, comme la dispute le fait voir.

Le spectacle aussi est un rite. Et souvent les trop abstraits philosophes s'étonnent qu'on se plaise à exciter en soi-même et par industrie, la pitié, la crainte, et même l'horreur. On se plaît à les éprouver parce qu'on se plaît à les vaincre, et encore en foule, dans la presse d'hommes où ces émotions grandissent comme une tempête. Mais aussi la foule est immobile, silencieuse, et rangée de façon à se voir elle-même ; en outre, et par surcroît de précaution, les anciens interposaient encore entre le Prométhée enchaîné et les spectateurs assis, une autre foule composée et dansante, qui apprenait à la grande foule comment il convient de contempler le malheur des hommes et le courroux des dieux. Un théâtre est de religion. Ou bien alors c'est le très irréligieux comique qui délivre les hommes, par le spectacle même de leur très sérieuse sottise.

Car le rire désarme toutes les fureurs, même voluptueuses ; et la plus ancienne expérience a toujours jugé que le rire est sain. C'est vaincre les dieux précisé-ment où ils sont, dans le thorax et le ventre. C'est délier l'animal pensant.

L'esprit ne peut pas plus ; et c'est peut-être assez.

La poésie, la prose, le beau langage sont des rites. On s'étonne quelquefois de n'obtenir presque rien des nouveautés, comme de ces inventions souvent

expressives qui font l'argot. Il suffit de remarquer que l'improvisation prend aisément la forme de l'injure, par un oubli d'être homme. Et au contraire la prière délivre, par la sécurité qu'on y trouve, comme aux jardins ; on ne se lasse point de la sérénité ; c'est qu'aussi elle est promptement perdue. Les gestes rituels ne sont jamais vifs ni imprévus ; au reste le vif et l'imprévu sont presque tout dans l'impolitesse. Et comme il faut parler au cheval avant de le toucher, encore bien plus évidemment pour l'homme, qui est de loin l'animal le plus ombrageux. Il y a de l'oraison dans toutes les œuvres d'importance, et même dans les romans de Voltaire. Observez maintenant les gestes d'oraison ; on n'y trouve rien de violent. On devine de loin le mouvement, qui exprime toujours la sublime confiance, par exemple dans les bras levés.

Les rites, quels qu'ils soient, tiennent toujours à l'utile des travaux, et à cet autre utile, plus caché, contre les passions ; en quoi ils conservent l'être et la structure, et au total la santé. Ils sont aussi peu de hasard que les chaumières.

Horace promet à sa fontaine le sang d'un chevreau. L'esprit rêve d'abord follement devant cette eau profanée ; mais ce chemin ne mène nulle part. Il faut premièrement apaiser la misanthropie ; alors l'idée se montre, qui est que le sérum du sang est un moyen de filtrer l'eau. On m'a cité, comme un exemple d'absurde superstition, le respect pour les toiles d'araignée aux petites fenêtres des étables ; l'explication est devant les yeux, en ces cadavres de mouches suspendus. Que le hasard vous serve ; mais préparez-vous aussi à l'accueillir. Un rite s'est offert à mon regard, il n'y a pas longtemps, émouvant par l'apparence, et plus beau encore en sa vérité. Comme je remarquais un vieux grand-père qui ne pouvait plus que se promener de champ en champ, je le vis immobile sur un genou, et je pensai qu'il priait. Mais une paysanne à qui je le montrais dit seulement : « C'est ainsi qu'on se repose par ici » ; depuis j'ai remarqué plus d'une fois cette attitude, convenable surtout au printemps et à l'automne, convenable aussi à l'âge, convenable aux pensées. Je ne veux point dire par là que ce vieil homme ne priait point ; bien au contraire.

Les dieux (1934) Livre deuxième: Pan

Chapitre VII

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L’oracle

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La nature ne cesse d'annoncer. Arbres, fleurs, oiseaux, fourmis, tout nous conseille. L'homme des villes observe le nuage et la fumée ; et cette vieille femme devinait la pluie d'après la cage aux serins, car ils répandent l'eau quelquefois, et c'est signe de pluie. En cet exemple si simple l'imagination ne peut que s'égarer, et les signes se trouvent magiques par ressemblance ; ces serins parlent par gestes, à n'en pas douter. Dans le fait les abreuvoirs d'oiseaux à niveau constant sont des baromètres fort sensibles, et l'eau descend quand la pression de l'air diminue. C'est ainsi qu'on peut dire vrai et être soi-même dans le faux. Occasion de remarquer encore une fois que l'expérience, qui ne trompe jamais, trompe aussi toujours. Descartes a trouvé qu'il ne fallait

jamais s'y fier, quoiqu'il fallût s'y fier finalement. Mais Descartes lui-même est de conquête difficile. C'est encore un oracle, et beaucoup iront à sa maison comme d'autres au chêne de Dodone. De toute façon, l'oracle vaudra ce que tu vaux, et c'est ce que le fronton de Delphes disait : « Connais-toi. »

Il est hors de doute que l'esprit citadin a administré les oracles comme tout. Les poulets sacrés étaient fonctionnaires, c'est pourquoi Cicéron se permettait d'en rire. De tout temps la religion agreste vint mourir à la ville ; ce mouvement est éternel comme celui de la mer. Je ne fais pas ici d'histoire, et l'ordre est seulement comme des racines à l'arbre. Si la ville ne peut vivre que de la campagne, il est vrai aussi que la vie paysanne ne fut jamais rien de saisissable sans la ville, car la police est de ville. Il y eut donc toujours une théologie de l'oracle. Mais l'âme de l'oracle reste errante dans les champs ; c'est là qu'elle reprend vie. C'est là que le vol des oiseaux signifie saison, tempête, ou reptile, ou chat ; c'est là que l'appel de la poule aux poussins fait qu'on cherche au ciel l'épervier. C'est dans les bois que le cri du geai d'arbre en arbre permet de suivre pas à pas l'invisible chasseur. C'est là qu'un lièvre traversant veut qu'on s'arrête, qu'on hésite, que l'on change ses projets, qu'on aille peut-être chercher d'autres armes ; car cela signifie poursuite, c'est-à-dire chasse faite, ou bien animal plus dangereux. Le vrai paysan se meut dans les oracles ; il tourne autour du signe ; il compose les signes ; il infléchit son action d'après eux. Cette interprétation est pleine de ruses, et la volonté y trouve passage. Il reste un doute ; il reste permis d'oser. Le citadin, au con-traire, prendrait absolument les signes, parce qu'il a perdu le fil des signes aux choses. Aussi ne croit-il aux signes que par un désespoir de décider ; il jette la pièce en l'air, et l'effigie de César décide, comme il est convenable.

Le vol des oiseaux finit par décider absolument, comme le décret de César décide absolument du vendredi et du dimanche. Mais l'esprit de l'oracle est plus souple, et du même pli que les choses. Il reste vrai, pour les choses loin-taines, incerloin-taines, périlleuses, qu'il est plus sage de se retenir. On comprend que le modèle viril n'éclaire pas assez les superstitions de l'enfance, pour laquelle tout est ou permis ou défendu. Sans compter que la crainte travaille pour l'oracle, même dans les esprits forts ; car la seule pensée d'un oracle qu'on a bravé fait dévier la flèche un peu ; non pas toujours parce qu'elle est contraire, mais seulement parce qu'elle est une pensée. On a prédit à ce paysan qu'il mourrait d'une fourche, à la même place que son père. Si cette pensée lui vient en cette place, et dans un périlleux équilibre, le voilà embroché. Et, parce que le récit de veillée emporte ces choses merveilleuses selon une autre

Le vol des oiseaux finit par décider absolument, comme le décret de César décide absolument du vendredi et du dimanche. Mais l'esprit de l'oracle est plus souple, et du même pli que les choses. Il reste vrai, pour les choses loin-taines, incerloin-taines, périlleuses, qu'il est plus sage de se retenir. On comprend que le modèle viril n'éclaire pas assez les superstitions de l'enfance, pour laquelle tout est ou permis ou défendu. Sans compter que la crainte travaille pour l'oracle, même dans les esprits forts ; car la seule pensée d'un oracle qu'on a bravé fait dévier la flèche un peu ; non pas toujours parce qu'elle est contraire, mais seulement parce qu'elle est une pensée. On a prédit à ce paysan qu'il mourrait d'une fourche, à la même place que son père. Si cette pensée lui vient en cette place, et dans un périlleux équilibre, le voilà embroché. Et, parce que le récit de veillée emporte ces choses merveilleuses selon une autre

Dans le document LES DIEUX (Page 73-90)