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Les fricatives sourdes.

A NALYSES F IBROSCOPIQUES

3.3 Méthode et sujets

3.3.3 Les fricatives sourdes.

Nous allons organiser cette partie de la même manière que la précédente. Nous allons d’abord traiter du cas des fricatives sourdes selon leurs positions dans le mot. La deuxième partie traitera des fricatives sonores en comparaison avec leurs contreparties géminées. Comme pour les occlusives sourdes, la comparaison entre les fricatives sourdes simples et géminées sera traitée dans la partie photoglottographique.

3.3.3.1 Position initiale

La comparaison entre la configuration glottale des différents points d’articulation a révélé quelques différences importantes. Les fricatives /f, s, , S/ sont réalisées avec quasiment les mêmes ajustements glottaux. La figure (3.22) pour la fricative /s/ illustre les mêmes ajustements glottaux observés durant la tenue des trois autres fricatives. Cet ensemble de segments s’oppose à // principalement en terme de degré d’ouverture glottale. En effet, l’uvulaire fricative sourde présente une ouverture maximale de la glotte plus important comme l’illustre la figure (3.23)

Figure 3.22. La configuration de la glotte pendant la réalisation de la fricative /s/ dans [sin].

Une autre différence entre l’uvulaire et les quatre autres lieux d’articulation concerne la vélocité de la fermeture glottale et celle du rapprochement des cartilages aryténoïdiens. Il semble en effet, au vu de nos différentes sessions des films fibroscopiques, que la glotte maintient un degré d’ouverture important pendant longtemps pour l’uvulaire fricative et se referme ensuite assez rapidement. Les aryténoïdes restent aussi écartés plus longtemps,

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comparés à la dentale /s/, par exemple, et entament un approchement rapide ensuite. La fermeture glottale semble lente et progressive pour les autres fricatives. Rappelons que les mêmes ajustements caractérisant la fricative // ont aussi été observés pendant la tenue de sa contrepartie occlusive /q/.

Figure 3.23. La configuration de la glotte pendant la réalisation de l’uvulaire // dans [is].

La configuration de la glotte durant la réalisation de la pharyngale // est, quant à elle, très marquée. La figure (3.24) illustre cette particularité articulatoire de la pharyngale. En effet, dés le début de cette consonne, on observe une sorte de compression antérieure-postérieure au niveau du sphincter aryépiglottique, qui se manifeste par un rapprochement important entre les sommets des aryténoïdes et le tubercule de l’épiglotte.

Figure 3.24. La configuration de la glotte pendant la réalisation de la pharyngale // dans [id].

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Le degré de l’ouverture glottale pendant la tenue de cette fricative est aussi très important. Nos observations soulèvent essentiellement deux questions importantes. La première concerne l’ouverture glottale plus importante de l’uvulaire // et de la consonne // et les raisons qui sous tendent une telle amplitude. La deuxième concerne la caractérisation exacte du lieu d’articulation principal de la consonne //, que nous continuerons d’appeler, par commodité, une pharyngale. Nous reviendrons sur ces questions à la fin de cette section quand nous aurons traité des autres contextes. Cela nous permettra aussi de savoir si les configurations observées en position initiale sont les mêmes qu’en positions intervocalique et finale.

3.3.3.2 Position intervocalique

Les mêmes observations que nous avons faites concernant les fricatives initiales s’appliquent aussi pour la position intervocalique. En effet, dans cette position aussi, /f, s, , S/7 se réalisent avec des ajustements glottaux quasi identiques. La glotte, qui était fermée pendant la voyelle précédente, s’ouvre lentement pour atteindre un degré maximal vers le milieu de la fricative. La glotte se referme ensuite d’une manière progressive pour atteindre une fermeture complète au début de la voyelle qui suit. La figure (3.25) illustre ces ajustements durant la tenue d’une de ses fricatives, en l’occurrence l’alvéopalatale //.

Figure 3.25. La configuration de la glotte pendant la réalisation de l’alvéopalatale // dans [iib].

7 Parmi ces quatre fricatives, l’alvéopalatale // semble se réaliser avec un degré d’ouverture glottale un peu plus

important. /S/, de son côté, semble avoir le même degré d’ouverture glottale que /s/.

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La fricative uvulaire //, comme le montre la figure (3.26), se distingue de ces quatre fricatives aussi bien en terme de degré d’ouverture glottale qu’en terme de vélocité des gestes d’abduction et d’adduction des cordes vocales. Comme en position initiale, l’uvulaire est produite avec une amplitude d’ouverture glottale plus importante. La glotte s’ouvre plus rapidement après la voyelle précédente. Elle se referme aussi plus rapidement après avoir maintenu un degré d’ouverture important pendant assez longtemps.

Figure 3.26. La configuration de la glotte pendant la réalisation de l’uvulaire // dans [iil].

De son côté, // se réalise, comme en position initiale, avec un rapprochement entre les sommets des aryténoïdes et la base de l’épiglotte (fig. 3.27 ) .

Figure 3.27. La configuration de la glotte pendant la réalisation de la pharyngale // dans [iid].

Voy Voy Voy Voy

Ce rapprochement semble plus important en position intervocalique qu’en position initiale. Une autre caractéristique de cette position concerne l’état de la glotte pendant la tenue des voyelles qui précèdent et qui suivent la consonne //. En effet, à environ deux images avant l’offset de la voyelle, le locuteur entame déjà un rapprochement entre les sommets des aryténoïdes et la base de l’épiglotte. Ce rapprochement se maintient aussi pendant la première moitié de la voyelle qui suit.

3.3.3.3 Position finale

Comme pour la position initiale et intervocalique, les fricatives /f, s, , S/ sont produites avec pratiquement les mêmes ajustements laryngaux. La glotte qui était fermée pendant la voyelle précédente s’ouvre, souvent un peu plus rapidement que pendant la position intervocalique, et semble atteindre son degré d’ouverture maximale une image après. Nous avons observé d’une manière quasi systématique que la glotte semble maintenir ce même degré d’ouverture maximale au moins jusqu’à l’image suivante. La glotte n’est pas statique pour autant car un mouvement, parfois très minime, est toujours produit. Les cartilages aryténoïdiens s’écartent assez rapidement et atteignent généralement une séparation très éloignée deux images après l’offset de la voyelle précédente. Paradoxalement, l’état de la glotte après la fin des fricatives, loin de s’ouvrir encore d’avantage, semble d’abord entamer un léger geste de fermeture et de rapprochement des aryténoïdes ; ce n’est qu’une ou deux images après que la glotte reprend la configuration qu’elle a pendant la phase respiratoire. La figure ci-dessous, illustre l’état de la glotte pendant la tenue de la dentale /s/.

Figure 3.28. La configuration de la glotte pendant la réalisation de la dentale /s/ dans [ifis].

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Les quatre fricatives /f, s, , S/ se distinguent de // (figure 3.29) principalement en termes de vélocité et d’amplitude de l’ouverture glottale. Comme pour la position initiale et intervocalique, l’uvulaire // est produite avec une amplitude d’ouverture glottale plus importante. Aussi, et ce juste une image après la voyelle, la glotte atteint déjà un degré d’ouverture très important, supérieur à l’ouverture maximale atteinte durant la tenue de /s/ par exemple. La glotte s’ouvre encore d’avantage juste après, et semble maintenir ce même degré important jusqu’à la fin de la fricative, malgré un très léger mouvement des cartilages aryténoïdiens et de la glotte. Après la fin de la fricative, comme pour les autres segments, le larynx s’abaisse légèrement avec un léger mouvement d’adduction des cordes vocales et un léger rapprochement des aryténoïdes.

Figure 3.29. La configuration de la glotte pendant la réalisation de l’uvulaire // dans [ini].

Figure 3.30. La configuration de la glotte pendant la réalisation de la pharyngale // dans [ili].

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La pharyngale // est produite, comme dans les autres positions, avec une compression antérieure-postérieure au niveau du sphincter aryépiglottique qui se manifeste par un rapprochement entre les sommets des aryténoïdes et la base de l’épiglotte. Quelques différences avec les autres positions sont à signaler. Selon nos observations des différentes réalisations de cette consonne dans cette position, le rapprochement entre les aryténoïdes et la base de l’épiglotte semble moins important et dure moins longtemps. En effet, deux images après la voyelle précédente, qui se réalise elle aussi avec un rapprochement notable, l’écartement semble déjà entamé et s’accentue d’avantage après. La glotte reprend une posture quasi « normale » tout de suite après le relâchement.

3.3.3.4 La comparaison entre les trois positions

Les figures ci-dessous illustrent l’amplitude de l’ouverture glottale selon les trois positions pour chacune des cinq fricatives sourdes /f, s, , , /. Il s’agit de la moyenne des mesures effectuées sur 5 répétitions pour chaque forme lors d’une même session. La dentale emphatique /S/ présente globalement les mêmes caractéristiques que /s/.

/f/ /s/ // // // Positions Initiale Intervocalique Finale

Ces figures montrent, comme pour les occlusives sourdes, que les gestes d’abduction et d’adduction des cordes vocales sont prédictibles en fonction du contexte. En position initiale et finale, seuls les gestes d’adduction et d’abduction respectivement sont visibles à cause de l’absence d’un segment voisé les suivant ou les précédant. Les fricatives en position intervocalique, par contre, sont produites avec un geste balistique d’abduction et d’adduction des cordes vocales. Cette figure illustre aussi les différences d’amplitude d’ouverture glottale entre /f, s, , S/ d’un côté et /, / de l’autre. Elle met aussi en évidence les différences qui existent entre les trois positions pour un même segment. Ces différences, comme nous l’avons déjà indiqué, sont le résultat de l’absence d’un segment voisé suivant ou précédant les segments en position finale ou initiale respectivement.