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Analyses fibroscopiques et photoglottographiques

LA GEMINATION CONSONANTIQUE

L A TENSION ET LA GEMINATION

1.2.3 Analyses fibroscopiques et photoglottographiques

Il y a très peu d’études sur les ajustements glottaux durant la production des géminées. Certaines études traitent néanmoins de cet aspect mais les données analysées sont assez limitées. Les études que nous avons pu consulter traitent plus souvent des géminées

hétéromorphémiques dans le cadre plus global de l’analyse des séquences d’obstruantes successives. L’objet principal de ces analyses est de déterminer le nombre de gestes d’ouverture glottale pendant la réalisation des géminées ou des séquences d’obstruantes sourdes, la vélocité de l’ouverture et de la fermeture de la glotte, le degré maximal de l’ouverture glottale ainsi que le rapport temporel entre les articulations glottales et supraglottales. Nous présenterons, ci-dessous, un aperçu très succinct sur les études qui ont traité aussi bien des géminées tautomorphémiques, hétéromorphémiques que des séquences d’obstruantes sourdes. Nous allons avoir l’occasion de traiter de ces sujets avec plus de détail tout au long de ce travail.

A partir de l’enregistrement de 4 sujets japonais, Sawashima & Niimi (1974) rapportent que le geste d’ouverture glottale pendant les géminées tautomorphémiques présente souvent une seule courbe avec un seul sommet d’ouverture glottale. Yoshioka et al. (1981) ont examiné les gestes d’ouverture glottale dans diverses séquences d’obstruantes sourdes (dont des géminées hétéromorphémiques) en combinant les techniques de l’électromyographie, de la photoglottographie et de la fibroscopie. Les résultats obtenus montrent que les gestes d’ouverture glottale se caractérisent par un, deux ou plus de deux sommets d’ouverture selon la nature phonétique des segments ; chaque obstruante ou géminée sourde accompagnée d’aspiration ou de bruit de friction requiert un sommet séparé d’ouverture glottale. La géminée /s#s/ se caractérise par une vélocité plus lente de sa phase fermante. L’ouverture glottale pendant la géminée atteint son maximum aussi rapidement que pendant une simple, mais la largeur de l’ouverture diminue plus lentement jusqu’à la fin de la friction prolongée. Le signal acoustique indique que la géminée /s#s/ est produite avec un bruit de friction prolongée et continue. Concernant les différents types de la vélaire /k/, le signal acoustique indique que la géminée se réalise avec une occlusion orale plus longue suivie d’un degré d’aspiration semblable à celui d’une occlusive simple aspirée. La courbe correspondant à l’ouverture glottale pour la géminée /k#k/ se caractérise par un seul geste glottal semblable à celui de l’aspirée initiale [k], même si une frontière de mot sépare les deux parties de la géminée. L’ouverture de la glotte atteint son maximum pendant la période de l’aspiration pour l’occlusive simple. Pour la géminée, l’ouverture maximale est atteinte juste avant ou pendant le relâchement. D’un autre côté le /k/ non aspiré final présente une configuration totalement différente. Les figures glottographiques montrent en effet que ce segment se réalise avec une ouverture glottale très réduite, probablement à cause de la glottalisation dans cette position. Pour Yoshioka et al., ces différents résultats et observations sont en corrélation avec les

impératifs aérodynamiques nécessaires pour la production des obstruantes : une glotte largement ouverte pendant la tenue de ces segments est indispensable pour le flux d’air qui fournit la source d’aspiration et du bruit de friction. (e.g. Stevens, 1971).

Un autre travail ayant traité des géminées a été fourni par Benguerrel et al. (1978). Cette étude a examiné entre autres les ajustements glottaux pendant la production des occlusives et fricatives du français à partir d’un corpus réalisé par deux locuteurs. L’étude fournit une analyse acoustique, fibroscopique et électromyographique en examinant plus particulièrement les dimensions suivantes : voisé vs. sourde, accentué vs. non accentué, position initiale vs. position finale et simple vs. géminée. Les géminées examinées par Benguerrel et al. sont des géminées séparées par des frontières de mot, puisque, hormis quelques exceptions, le français n’oppose pas les simples aux géminées à l’intérieur du mot. Benguerrel et al. ont analysé, entre autres, le quadruplet suivant :

(6) terrible c’est éristique c’est terrible sept terrines

Concernant l’opposition simple vs. géminées, les observations de Benguerrel et al. font état d’une différence assez nette en terme de degré de l’ouverture de la glotte. Les géminées se réalisent avec une glotte plus ouverte que les simples. L’ouverture maximale de la glotte pendant l’occlusion orale des occlusives sourdes simples est une fonction de la durée de l’ouverture glottale ( et de la durée de l’occlusion orale qui est concomitante). Autrement dit, plus la durée entre l’initiation du geste d’abduction et la fin du geste d’adduction est longue, plus la largeur maximale atteinte sera grande. Pour les géminées par contre, l’ouverture maximale atteinte n’est pas liée, selon les auteurs, à la durée de l’ouverture glottale ou de l’occlusion orale. « Up to an upper bound, the peak width reached during the abduction gesture appears to be a function of duration […] Once the upper bound is reached, no further abduction is possible and seperation of the folds is maintained until the adduction is initiated. » Ils ajoutent : « The duration of geminated consonants […] is such that in almost all instances, glottal width reaches its upper bound ; thus, in this case, the maximum width reached during the glottal gesture is not a function of time. » (ibid : 181).

Cette affirmation soulève deux questions importantes. Comment peut-on définir et délimiter cet « upper bound » ? Si la durée n’est pas responsable du degré d’ouverture glottale atteint pendant la tenue des géminées, à quoi d’autres l’attribuer ? Benguerrel et al. n’ont donné aucune réponse à aucune de ces deux questions. Nous allons revenir sur ces conclusions dans la section (4.8.1).