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Les finalités de l’intensité

3. Les variations d’intensité

3.4. Les finalités de l’intensité

L’intensité d’un message va également s’adapter à l’intention de communication du message : - à qui il s’adresse ?

o à un public

o à un groupe de personnes, conversation o à une seule personne, échange, confidence o à personne en particulier

o à soi-même

- à la réaction attendue par rapport à l’énonciation de ce message

o Le locuteur s’attend-il à une réaction/action de son interlocuteur ? - quelle est la forme du message ?

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o parole spontanée

o récitation

o lecture à haute voix o psalmodie

Nous allons dans ce paragraphe d’abord présenter les trois comportements vocaux définis par François Le Huche29 [19], puis nous donnerons des exemples de situations concrètes pour plusieurs niveaux d’intensité. Enfin, nous parlerons du risque d’utiliser une intensité trop forte qui peut conduire à l’échec de l’intention de communication.

3.4.1. Trois comportements vocaux

Nous allons dans ce paragraphe tenter d’identifier des intentions de communication qui vont amener le locuteur à utiliser une intensité plus ou moins forte de sa voix. Le locuteur adapte sa voix pour produire un effet sur son interlocuteur ou sur son auditoire. Nous pouvons parler de pragmatique de l’action vocale entreprise.

François Le Huche30 [19] définit trois comportements d’expression qu’il relie aux modes de respiration : - comportement d’expression simple et souffle thoracique supérieur

- comportement de voix implicatrice dite de projection vocale et souffle abdominal - comportement de la voix d’insistance et souffle vertébral

Il ajoute à ces trois modes d’expression la voix de détresse et la voix de l’émerveillement qui utilisent toutes deux le souffle vertébral et dont le comportement se rapproche de la voix d’insistance (cf. tableau ci- dessous).

Cette approche nous semble intéressante pour comprendre les intentions de communication et nous voyons qu’il est difficile de dissocier le paramètre de l’intensité des autres paramètres acoustiques et même plus généralement du comportement vocal en particulier du souffle et de l’attitude corporelle.

Selon Le Huche, lorsque le locuteur est dans une action vocale d’expression simple, il est plus préoccupé du contenu dont il parle que de la manière dont son interlocuteur va le recevoir. « La parole est au service de

ce qui vient à l’esprit au gré des associations (…). La ou les personnes qui écoutent ne se sentent pas tenues de s’impliquer », de donner leur avis sur ce qui vient d’être dit.

Le Huche préfère le terme de voix implicatrice à celui de voix projetée. En effet, lorsque l’on utilise le terme « voix projetée », on imagine aisément une voix forte, d’intensité acoustique élevée. Or, Le Huche affirme que la voix projetée ne peut être que chuchotée. Ce qui la distingue de la voix d’expression simple

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LE HUCHE, 2012

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est l’effet qu’elle va induire sur le ou les interlocuteurs : elle va les amener à s’impliquer. Cette voix nécessite donc une importante mobilisation d’énergie qui va s’observer dans le comportement du locuteur. La voix d’insistance ne peut être maintenue qu’une dizaine de minutes, au-delà elle entraîne fatigue et danger pour l’organe vocal.

Au contraire, pour François Le Huche, les deux autres types de voix, voix d’expression simple et voix implicatrice sont infatigables même pour la voix implicatrice de forte intensité.

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Expression simple Voix implicatrice Voix d’i sista e

Action sur autrui Aucune intention particulière Agi su aut ui ave la volo t d’ t e efficace

I p essio d’ t e + ou – dépassé par uel ue hose d’i p vu

Actes de communication

Raconter un événement Evoquer un souvenir

Faire part de ses impressions Parler tout seul

Chanter pour soi

Donner un ordre Interroger

Appele uel u’u Affirmer

Informer

Se produire publiquement

Appele uel u’u u e 2èmefois pa e u’il

ne vous a pas entendu la 1ère fois. Appeler un enfant qui est en danger. Exprimer un fort agacement, de l’exasp atio .

Paramètres acoustiques

Grande variabilité Dynamique particulière

Se satio d’ e gie o ilis e et ai te ue jus u’à la fi de la ph ase

Intensification de certaines syllabes

Hauteur Tonalité monte et descend Pas de particularité

Intensité Du chuchotement à une voix généreuse Parfois très importante mais pas nécessairement

Renforcements ponctuels répétés

Pas nécessairement de modification d’i te sit

Timbre Variation plus ou moins marquées

Posture Indifférente, debout ou assis, droit ou avachi

Sursauts de verticalisation du corps P oje tio du visage ve s l’ava t

Regard Dans le vague, mobile, rencontre l’i te lo uteu au o e t des pauses

Regard en face, droit dans la direction du destinataire

Regard en face en général orienté dans la même direction que le visage

Respiration Souffle thoracique supérieur Souffle abdominal Souffle vertébral

Autres Articulation plus précise

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3.4.2. Exemples : intentions de communication et intensités associées

A partir de ce tableau, nous pouvons donner des exemples d’intention de communication et du niveau d’intensité le plus souvent associé.

Intensité faible Intensité moyenne Intensité forte adoucir

calmer

se faire écouter partager un secret ne pas déranger

ne pas se faire entendre (élèves dans une salle de classe)

converser s’exprimer agresser commander se mettre en colère se défendre appeler prévenir

parler dans un milieu bruyant avoir peur

douleur

Tableau 8. Intensité et intentions de communication associées

Klaus Scherer31 [31] a réalisé une étude qui consistait à choisir des extraits de voix et à faire varier différents paramètres acoustiques. Les extraits étaient ensuite écoutés par des personnes qui devaient déterminer l’état émotionnel du locuteur pour chacun des extraits. Au cours de cette étude, Scherer a observé que l’intensité forte est généralement associée à des sentiments négatifs ou des attitudes agressives :

« High intensity was interpreted in terms of negative affects or aggressive speaker attitudes ».

Au contraire, une intensité faible serait plutôt associée à de la douceur, du calme. Par exemple, la mère qui va chanter une berceuse à son enfant le soir le fera avec une voix de faible intensité. Deux personnes qui s’échangent un secret le feront avec une voix chuchotée.

Nous verrons dans la partie II plus en détail le lien entre les émotions et l’intensité.

3.4.3.

Echec si la dose d’intensité est trop forte

Nous avons vu dans les paragraphes précédents que le locuteur adapte l’intensité de son message à son intention de communication. Nous souhaitons montrer dans ce paragraphe l’importance de l’adéquation entre la dose d’intensité fournie et le message. Il existe des situations au cours desquelles une trop forte dose d’intensité va nuire au sens porté par le message.

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François Le Huche32 [19] décrit les risques de l’augmentation de l’intensité vocale liée à la poussée de l’énergie de détermination. Le locuteur s’implique dans son discours, il souhaite appuyer son propos ou faire preuve de fermeté. Pour cela, il parle plus fort, « donne de la voix » parfois sans même s’en rendre compte.

« Si l’énergie est mal dominée, il arrive que la voix s’enfle trop » : le locuteur se met à « gueuler ». L’intensité vocale devenue excessive compromet le plus souvent le résultat cherché. Au lieu de convaincre, il incommode son auditeur et lui donne envie de protester, de se boucher les oreilles ou de se révolter. L’intensité, paramètre acoustique qui doit normalement être au service du message, dégrade dans ce cas la qualité du message transmis et compromet l’intention de communication.

Cette situation peut se rencontrer chez certains enseignants. L’enseignant d’une classe bruyante va augmenter son intensité vocale dans le but de mieux se faire entendre. Les élèves vont être fatigués et dérangés par cette voix trop forte et ne vont plus porter attention au message. C’est un échec de la communication.

Un autre désordre possible est le forçage vocal que nous verrons dans la partie II.

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