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L ’A MAZONIE DES FLEUVES À L ’A MAZONIE DES ROUTES

1.2.2.3.2. Les fazendas

Les fazendas se caractérisent par leur extension sur des surfaces de plusieurs milliers d’hectares, recouvertes principalement de pâtures. Les systèmes d’élevage sont extensifs avec peu d’intrant, le pâturage est la seule alimentation des bovins et les charges varient de 0,5 à 2 têtes à l’hectare. La graminée Brachiaria brizanta, comme pour l’agriculture familiale, représente plus de 90% des pâturages implantés. Le produit final visé est un taurillon de 3 à 4 ans prêt à l’abattage. On distingue deux grands types de systèmes de fazendas :

ƒ Le naisseur : il fournit des veaux pour l’embouche ;

ƒ L’éleveur/engraisseur : il achète des veaux au sevrage (6-8 mois) ou des taurillons et les élève jusqu’à l’abattage.

Le dernier système dépend des marchants pour fournir soit des veaux, soit des taurillons à engraisser. Les propriétaires de fazenda ont souvent fait fortune dans le commerce ou l’industrie et l’achat de fazendas est un moyen sûr de réinvestir leur argent (Ferreira, 2001 ; Poccard-Chapuis, 2004).

1.2.2.3.3. Conclusion

On constate une délocalisation des activités agricoles du Sud vers le Nord. Deux principales caractéristiques expliquent cela, les conditions agro-écologiques et économiques très favorables à l’agriculture (sols fertiles, soleil et eau en abondance toute l’année, possibilité d’acheter de la terre en grande quantité et à bon prix et enfin une main-d’œuvre bon marché). Selon des études de la Fondation Getulio Vargas, en 2003, le prix moyen de la terre dans l’état du Pará était de 287 R$/ha alors que le prix moyen de la terre sur l’ensemble du Brésil était de 1.644 R$/ha (soit plus de cinq fois supérieur). Ces conditions foncières, écologiques, économiques favorables engendrent des productions élevées à coûts très faibles. Ce contexte alimente aussi une forte spéculation foncière, qui est, sans aucun doute, le meilleur moyen de

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s’enrichir rapidement33. L’Amazonie est aujourd’hui une terre agricole qui contribue pour beaucoup aux bons résultats de l’agro-industrie brésilienne. L’agriculture, avec en tête le soja, les bovins, porcs et volailles constitue le véritable moteur du succès commercial brésilien. Les ventes à l’étranger du secteur sont en expansion de 35,6% au premier semestre 2004 par rapport à la même période de 2003. Le soja compte pour 42,6% du total des exportations du pays, soit 18,5 Millions US$ sur le premier semestre 2004. Le soja, le bois, la viande, le cuir et le sucre représentent trois quarts des ventes à l’étranger du secteur agro-industriel (Ambassade de France au Brésil - Mission économique, 2004). Les systèmes de production ont su s’adapter aux contraintes du milieu et aux exigences de marché et pour une partie d’entre eux, ils se sont fortement modernisés et intensifiés (notamment l’agriculture de grains). Aussi bien les grandes fazendas que l’agriculture familiale se sont consolidées et obtiennent de bons résultats économiques. Même si les chiffres sont des approximations, le Tableau 1.2 1 permet de mettre en évidence l’importance économique et l’emprise sur le territoire des activités agricoles par rapport aux activités extractivistes. L’extrativisme rapporte de deux à vingt fois moins que les autres activités avec des surfaces de deux à dix fois plus grandes.

Tableau 1.2-1 : Importance des principales activités économiques en Amazonie

Données : IBGE/SIDRA, 2004. Pour les cultures annuelles il est pris en compte l’autoconsomm ation ce qui n’est pas le cas pour les autres produits. * estim ation Imazon (Lentini, 2005) ; ** estimation grossière faite à partir de Wunder (1999), *** estim ation IBGE/SIDRA.

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Voir les livres : « A luta pela terra » de Otavio Ianni (1978) ou encore « Frontier Expansion in Amazonia » de Marianne Schm ink et Charles Wood (1992).

1.2.2.4 RÉPARTITION DES PRESSIONS ANTHROPIQUES EN AMAZONIE

Nous avons vu qu’au cours de son histoire l’Amazonie a subi des occupations et des transformations croissantes. Une étude de l’Imazon montre qu’aujourd’hui 47% de l’Amazonie souffrirait d’une pression anthropique plus ou moins forte, allant de la destruction totale de l’écosystème forestier, à son exploitation par les forestiers ou les activités extractivistes (Barreto, 2005). Nous allons tenter de localiser et d’estimer ces pressions en reprenant une méthodologie mise au point par ISPN34 en 1999. Il s’agit d’un indice synthétique35 qui combine la pression des activités de productions (agriculture et élevage) et la pression démographique (Indice de Pression Anthropique ; IPA). Cet indice prend en compte à la fois les valeurs de « stock », quantitatives d’une activité anthropique mais aussi son évolution au cours de la période étudiée : les valeurs « flux ». Par la suite, les indices de stock et de flux sont additionnés et classés en cinq catégories en fonction de leur importance : très faible, faible, moyen, fort, très fort. L’indice de pression anthropique a été calculé pour toutes les communes Amazoniennes sur la période 1996-2003. Nous avons subdivisé l’IPA en quatre indices de pression anthropique correspondant à : la population (nombre de résidents), l’agriculture (nombre d’hectares implantés en cultures annuelles et cultures pérennes), l’élevage (nombre de têtes de bovin) et l’exploitation forestière (nombre de mètres cubes exploités). Il est important de noter qu’il y a sans doute un décalage entre l’indice tiré de données officielles et la réalité notamment pour la production de bois, sans doute positionnée plus vers l’ouest, sur les fronts pionniers.

Les zones de pressions anthropiques faibles sont situées au centre de l’Amazonie dans des zones difficiles d’accès (Ouest du Pará, l’Amazonas, le Roraima et l’Acre). Il existe aussi des points de faibles pressions anthropiques dans le Sud-Est du Mato Grosso, correspondant au Parc national de la Chapada dos Guimarães, à la zone du Pantanal du Mato Grosso et au fleuve Araguaia.

Les zones de pressions anthropiques fortes sont situées dans l’Est et le Sud de l’Amazonie (États du Pará, du Mato grosso et du Rondônia). Pour le Pará, ces pressions sont principalement le fait de l’élevage bovin dans le Sud et de l’industrie forestière le long de la

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ISPN, Institut, Société, Population et Nature.

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Cet indice est construit à partir de données secondaires sur les m icrorégions, les principales sources d’inform ation sont de l’IBGE : Censos Dem ográficos, Censos Agropecuários, Produção Agrícola Municipal (PAM) e Produção da Pecuária Municipal (PPM).

route Belém-Brasília. Dans le Centre et le Sud du Mato Grosso les pressions sont dues à l’agriculture mécanisée notamment le soja. Dans les zones éloignées, sans infrastructure pour exporter les récoltes (le Nord à la frontière avec le Pará) ou dans les zones impropres à la mécanisation car trop humides (le Sud Ouest à la frontière avec le Rondônia) l’élevage s’est développé.

Les pressions démographiques sont concentrées autour des capitales des états comme São Luis, Belém, Macapá, Manaus ou Campo Grande. En dehors de ces grands centres urbains les densités de population sont faibles. Les états du Maranhão et du Tocantins ont des indices de pressions anthropiques faibles car sur la période 1996-2000, les activités humaines ont tendance à diminuer. Ceci s’explique par le fait que ces États ont été colonisés bien avant la période d’étude et les activités et populations ont tendance à se déplacer vers l’Ouest et le Nord.

Nous avons une forte polarisation des pressions anthropiques, qui se concentrent sur le pourtour du bassin amazonien, le long des principaux axes routiers que sont la Belém-Brasília et la Brasília-Rio Branco (Amazonie des routes). Le Centre et le Nord de l’Amazonie sont assez protégés, seule l’exploitation forestière et l’élevage, fer de lance de la colonisation, engendrent des pressions importantes (Amazonie des fleuves36).

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Cette notion d’Amaz onie des fleuves et routes a été fortement développée par Martine Droul ers et Hervé T hér y (voir bibliographie).

Carte 1.2-10 : Indice de Pression Anthropique en Amazonie (IPA)

Pression de l’agriculture

Pression de la population Pression de l’élevage bovin

Pression Anthropique Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible

Pression de l’exploitation forestière

0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km Pression de l’agriculture

Pression de la population Pression de l’élevage bovin

Pression Anthropique Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible Pression forte Pression moyenne Pression très forte Pression faible Pression très faible

Pression de l’exploitation forestière

0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km 0 500 km

1.2.2.5 LA DÉFORESTATION EN AMAZONIE :CONSÉQUENCE DE 30 ANS DE COLONISATION

Selon la FAO, le Brésil est recouvert à 65% de forêt, soit 5,51 millions km2, dont 90% se trouvent en Amazonie (Lele et al., 2000). La partie la plus visible de trente ans de colonisation et de pression anthropique est la déforestation. La déforestation a explosé avec l’usage de techniques modernes comme la tronçonneuse ou le bulldozer, qui permet de déforester de grandes surfaces en peu de temps. Avec une hache un homme défriche 1 ha en 36 à 48 jours, il met seulement 2 à 3 jours avec une tronçonneuse. Avec un bulldozer une équipe de 5 hommes défriche 40 ha en une journée. Enfin avec un avion qui répand du défoliant on arrive à défricher 200 ha en une journée37 (Droulers, 2004). Aujourd’hui la main-d’œuvre n’est plus un facteur limitant pour l’expansion de l’agriculture.