METHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.4.2. LES ELEVES DANS L’ENSEIGNEMENT SPECIALISE
Actuellement, en considérant l’enseignement spécialisé dans les différentes classes spéciales, les heures de logopédie et de psychomotricité, les statistiques bernoises disponibles sur le site de la DIP indiquent que 8,7% des écoliers du canton bénéficient de mesures spécialisées. Un tiers (36%) sont des filles et deux tiers (64%) des garçons, comme ailleurs en Suisse et dans les pays occidentaux en général. Un peu plus de la moitié des heures est attribuée, dans le canton, à l’enseignement dans les classes spéciales, l’autre moitié se répartit entre les leçons de soutien ambulatoire, la logopédie et le soutien pour la langue de l’école (soit l’allemand, soit le français), la psychomotricité, ainsi que la dyslexie et la dyscalculie.
Figure 12 : Répartition des leçons consacrées aux mesures spécialisées dans le canton de Berne / août 2006/ (Mussi 2007).
soutien péd. spé.
12%
dyslexie/dyscal. 4%
logopédie 12%
psychomotricité 4%
soutien allophones 8%
all. langue seconde à l'EE 8%
classes spéciales
52%
Toutefois, il faut rappeler que le nombre d’écoliers concernés par les mesures spécialisées n’est pas identique dans tous les cantons et que les pourcentages se modifient au cours des années. Dans la partie francophone du canton de Berne, les premières classes spéciales se sont ouvertes après les années 50. Durant une vingtaine d’années, les effectifs scolaires n’ont cessé d’augmenter ce qui a favorisé l’ouverture de classes ordinaires mais également un nombre important de classes spéciales. Dès les années 70 et jusqu’en 1980, face à une forte dénatalité, les effectifs habituels diminuent.
La crise pétrolière qui s’ajoute à cela réactive les vieux démons xénophobes sous forme d’initiatives. La politique plus restrictive qui en découle décide de nombreux étrangers travaillant en Suisse à quitter le pays.
Sous le double effet de la dénatalité et des départs, les classes spéciales sont les premières à se fermer par manque d’effectifs. Dans les années 80, des vagues de migrations amènent de nouvelles populations d’élèves sur les bancs d’école, mettant les enseignants aux prises avec de nouveaux types de difficultés principalement liées à la langue d’apprentissage. Les mesures compensatoires font leur apparition. Une fois les effectifs stabilisés, de nouvelles classes spéciales s’ouvrent sans pour autant provoquer de diminution dans les mesures compensatoires. Au contraire, durant ces années, le nombre d’élèves orientés vers les classes spéciales ne cesse de croître. C’est le cas dans
le canton de Berne qui, à l’instar de ce qui se passe en Suisse dans les mêmes périodes, voit les pourcentages des élèves scolarisés dans ses classes spéciales augmenter continuellement (Figure 13). Cette augmentation étonne les autorités scolaires et contraste avec la nouvelle Loi sur l’école obligatoire (LEO), rédigée en 199282 sous l’impulsion des déclarations et du mouvement international en faveur de l’intégration de tous les élèves, qui promeut une école ouverte à tous et stipule dans son article 17 l’intégration des élèves dans les classes ordinaires.
Figure 13 : Pourcentages des élèves scolarisés dans les classes spéciales dans le canton de Berne / Sources : Mussi (2007) 83.
Art.17 1 En règle générale, il convient d’offrir aux élèves qui présentent des troubles ou des handicaps de nature à perturber leur formation scolaire la possibilité de suivre l’enseignement dans des classes régulières.
2 Au besoin, des mesures particulières comme l'enseignement spécialisé, l'appui
pédagogique ou la scolarisation de l'élève dans une classe spéciale généralement intégrée à une école régulière seront adoptées si les objectifs de formation ne peuvent être atteints d'une autre manière.
3 Le Grand Conseil fixe les dispositions de détail par décret.
Contrairement à ce que ce texte propose, durant les années qui suivent, le nombre d’élèves orientés vers l’enseignement spécialisé, ses classes et ses mesures, ne cesse d’augmenter. Pour comprendre ce phénomène et les coûts qu’il engendre, le Conseiller
82 LEO ; RSB 430.210, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, soit en vigueur durant la période de recherche selon cette formulation.
83 Mussi, E. (2007). Application de l’article 17 LEO : Intégration et mesures pédagogiques particulières. PPT de présentation. Berne : DIP/ OECO. URL :
fb-‐volksschule-‐integration-‐besondere-‐massnahmen-‐praesentation-‐bmv-‐downloads-‐f.ppt.
d’Etat en charge de l’instruction publique mandate un groupe d’expert psychologues scolaires et responsables des centres de psychologie scolaire du canton pour analyser l’état de la situation liée aux mesures de pédagogie particulières dans le canton de Berne.
Le Rapport Reber paraît en allemand sous le nom d’un des auteurs-‐rédacteurs en 2000.
Ses résultats indiquent que la scolarisation est peu intégrative, que le nombre d’élèves orientés vers les classes spéciales est toujours en augmentation et que les élèves étrangers y sont surreprésentés. Il souligne que la plus grosse part du budget dans l’enseignement spécialisé est consacré aux classes spéciales, ce qu’il faudrait changer pour permettre aux mesures intégratives de se développer. Selon le rapport, les bases légales empêchent une redistribution des ressources et souligne que les ressources financières sont attribuées de façon déséquilibrée entre les communes qui, selon leur importance, en bénéficient ou non. Parmi les causes repérées de l’augmentation des élèves dans les classes spéciales, le rapport indique que les classes spéciales sont souvent utilisées pour décharger les classes ordinaires, qu’il n’existe pas de concept de scolarisation pour les élèves allophones ni de mesures pour encourager les élèves surdoués. D’autre part, l’offre et la demande de mesures de pédagogie compensatoire sont aléatoires et sans contrôle, elles dépendent du lieu et des personnes, ce qui explique les disparités en la matière entre les communes.
Suite à ce rapport, le texte de l’article 17 de la LEO est révisé le 5 septembre 200184 comme suit (les changements sont mis en évidence).
1 En règle générale, il convient d'offrir aux élèves qui présentent des troubles ou des handicaps de nature à perturber leur formation scolaire, aux élèves qui sont aux prises avec des difficultés d'intégration linguistique et culturelle ainsi qu'aux élèves qui ont des dons extraordinaires la possibilité de suivre l‘enseignement dans des classes régulières.
2Au besoin, des mesures particulières comme l'enseignement spécialisé, l'appui pédagogique ou la scolarisation de l'élève dans une classe spéciale généralement intégrée à une école régulière seront adoptées si les objectifs de formation ne peuvent être atteints d'une autre manière.
3Le Conseil-‐exécutif fixe les modalités de détail par voie d'ordonnance, en particulier
a l’organisation de l’enseignement spécialisé et des classes spéciales,
b les mesures compensatoires et les mesures destinées à favoriser le développement d'aptitudes,
c les procédures concernant la scolarisation dans une classe spéciale.
En 2009, le Directeur de l’instruction publique bernoise note en introduction d’un document destiné à expliquer les changements aux directions d’école, aux autorités communales et scolaires ainsi qu’aux enseignants :
84 Il entre en vigueur le 1er janvier 2008.
On constate cependant que de 1998 à 2008, le nombre de classes spéciales a progressé d’un tiers dans notre canton, passant de quelque 300 à plus de 400. Notre enseignement obligatoire n’évoluait donc pas vers plus d’intégration, mais vers plus de séparation.
Les causes en étaient multiples. Elles comprenaient notamment l’existence d’un système d’incitation non approprié. Une école qui créait une classe spéciale obtenait des leçons85 particulières (Art.2), les conditions dans lesquelles ces mesures peuvent être appliquées (Art.4), l’objectif des mesures compensatoires (Art.5), celui de l’enseignement spécialisé (Art.69), les types de classes qu’il comprend (Art, 8, 9) dont les classe D (Art.10), la procédure d’orientation vers les classes spéciales (Art.11), le nouveau modèle de financement (Art.14).
La nouvelle ordonnance ne change rien au fait qu’en règle générale ce sont les enseignants qui déclenchent le processus d’orientation vers les mesures spécialisées. Ils prennent contact avec la direction ou signalent l’élève au service psychologique (SPE) et dans un chapitre concernant les psychologues scolaires.
système d’attribution des mesures pédagogiques particulières coordonné fonctionne.
(Mussi, 2007, notes du dia 17)
Le processus d’orientation comprend la prise de position écrite des parents ou du représentant légal de l’enfant. Aucune rencontre obligatoire avec les parents n’est mentionnée, par contre, en cas de litige, ceux-‐ci doivent être entendus par la Commission scolaire avant sa prise de décision. La Commission scolaire qui prend la décision finale n’a plus, dans cette nouvelle orientation, aucune compétence dans ce domaine. Ce sont les directions qui « statuent, sur proposition » du SPE, et sur la base du rapport d’un service d’examen compétent désigné par la DIP. Les changements de rôles et de compétences sont ici nettement en faveur d’un renforcement de la psychologie scolaire et des directions d’école. Dans la présentation des données, on verra que les psychologues ont ainsi gagné une position probablement plus stable face à l’école tout comme la direction obtient une assise plus solide.