• Aucun résultat trouvé

3. Les superplastifiants

3.2. Les différents superplastifiants développés et utilisés

Historiquement, l’adjuvantation est très ancienne, quoique non raisonnée et basée sur des observations empiriques. Les égyptiens et les romains, entre autre, avaient pour habitude d’ajouter des figues, de la cire d’abeille ou bien encore du sang de bœuf dans leurs liants [22]. Ils avaient notamment remarqué que, même ajouté en faible quantité, cela pouvait ralentir le durcissement au cours du temps d’un mortier. La première utilisation connue de molécule dispersante « moderne » remonte aux années 30, aux États-Unis. Les routes américaines

28

avaient une voie centrale qui était commune aux deux sens de circulation. Pour différencier cette voie des deux autres, des particules de noir de carbone étaient dispersées dans le béton afin de la noircir. Pour une meilleure dispersion les ingénieurs ont eu l’idée d’utiliser en faible quantité une molécule sulfonée, et il s’est avéré que le béton de cette voie était bien plus résistant que celui des deux autres.

Les lignosulfonates

A cette époque commencèrent donc les études sur les lignosulfonates, premières molécules « réductrices d’eau ». Il s’agit de dérivés de la lignine, qui est elle-même un sous- produit de l’industrie papetière, issu des différents procédés de fractionnement de la matière végétale. Au cours du procédé de « délignification », c’est-à-dire le procédé qui consiste à rompre les liaisons chimiques de la lignine afin de séparer ce composé des fibres de la matière végétale, il est possible de faire réagir la lignine avec l’ion bisulfite. On obtient alors des chaînes macromoléculaires, essentiellement constituées d’un enchaînement de motifs phénylpropane, mais qui présentent des fonctions acides sulfoniques. Les lignosulfonates sont capables de réduire la teneur en eau d’une pâte de ciment de 5 à 15 m%. Leur mode d’action repose principalement sur la création d’une force de répulsion électrostatique entre les particules minérales, qui s’oppose à l’attraction des particules sous le seul effet des forces de van der Waals. Moins efficaces que les superplastifiants de dernière génération, les lignosulfonates continuent à être utilisés de nos jours car ils sont biosourcés et relativement peu onéreux. Leurs faibles performances s’expliquent en partie par le fait que leur composition et leurs masses molaires sont extrêmement variables ; en effet, la lignine est certainement le biopolymère dont la composition chimique varie le plus en fonction du végétal considéré, de son âge, de son milieu de culture, du procédé de fractionnement de la matière végétale employé, etc. Enfin, il faut noter que l’ajout de lignosulfonates cause un retard qui peut être important dans la cinétique d’hydratation du ciment.

Les polynaphtalènes sulfonates et les polymélamines sulfonates

A partir des années 60 émergent deux nouvelles catégories de superplastifiants de synthèse. Les polynaphtalènes sulfonates sont obtenus après sulfonation du naphtalène et condensation en présence de formaldéhyde. On obtient alors un polymère linéaire, une succession de groupements naphtalènes fonctionnalisés par une fonction sulfonate. Leur efficacité dépend de la masse molaire du polymère, celle-ci peut réduire la teneur massique en eau d’un ciment de 10 à 25 %. Cependant, la nature du ciment influe beaucoup sur les

29

performances des polynaphtalènes sulfonates, et des études ont reporté des problèmes d’incompatibilité [23]. Les polymélamines sulfonates, apparues un peu plus tard, dans les années 70, sont synthétisées de manière analogue après sulfonation de la mélamine et condensation en présence de formaldéhyde. Là encore, l’architecture macromoléculaire est très similaire puisqu’on retrouve un enchaînement de groupements mélamines avec des fonctions sulfonates. Bien que très comparables aux polynaphtalènes sulfonates, les polymélamines sulfonates présentent l’avantage de retarder très peu la prise du ciment.

Les polycarboxylates

En 1981, au Japon, Hirata développe une nouvelle gamme de macromolécules au pouvoir dispersant bien plus fort que les précédentes générations : les polycarboxylates sont nés [24]. L’architecture macromoléculaire et le mode d’action des polycarboxylates étaient alors assez différents de ce qui avait été développé jusque-là : il s’agit de copolymères possédant une structure en peigne, c’est-à-dire un squelette carboné classique à partir duquel s’étendent des chaînes latérales. Alors que les composés sulfonés reposent essentiellement sur la répulsion électrostatique pour écranter les forces de van der Waals [17] qui contribuent à l’agglomération des particules minérales, les chaînes latérales de poly(éthylène glycol) des polycarboxylates garantissent une forte répulsion stérique entre les particules de ciment pour empêcher leur agglomération. Les polycarboxylates sont remarquables dans leur architecture macromoléculaire très modulable. Il est possible de synthétiser des polycarboxylates avec différentes masses molaires, différents ratios acides méthacryliques/chaînes latérales de PEG, différentes répartitions des unités (statistiques, à gradient ou à blocs), différentes longueurs de chaînes latérales et il est même possible de faire varier la nature chimique des fonctions d’accroche. Cette liberté dans le « design macromoléculaire » explique en grande partie l’engouement de la recherche pour ces polymères, et l’intérêt des industriels qui y voient des solutions pouvant s’adapter à de nombreuses compositions de ciments.

Bien plus efficaces que les précédentes générations de superplastifiants, les polycarboxylates permettent de réduire la teneur en eau d’un ciment typiquement de 20 à 30%, et même jusqu’à 40% dans certains cas. Ils ont permis de développer des bétons autoplaçants très performants, capables d’épouser la forme de coffrages complexes. Il a été observé que plus la proportion d’acide méthacrylique par rapport aux chaînes de PEO était importante, plus le superplastifiant entraînait un retard sur la cinétique d’hydratation du ciment [25], [26].

30

Figure 1-5. Structures générales des différents types de superplastifiants.

Documents relatifs