• Aucun résultat trouvé

Les différents modèles du développement des compétences

Chapitre 2 : Le développement des compétences dans l’entreprise

II. Le développement des compétences dans l’organisation

4. Les différents modèles du développement des compétences

4. Les différents modèles du développement des compétences

Plusieurs auteurs dont Bateson, Nonaka, Takeuchi (1997), Argyris et Schön (2002) ont

identifié six modèles d’apprentissage dont nous soulignerons les effets sur le

développement des compétences.

4.1Le modèle transmissif

Selon ce modèle, pour accumuler l’information, il faut être attentif, écouter, imiter, répéter

et appliquer ce qui est transmis par une autre personne. Dans ce modèle, l’apprentissage est

le processus qui permet d’acquérir une nouvelle information transmise de l’extérieur et

correspond véritablement au schéma « J’apprends/j’applique » (Piaget, 1967).

4.2Le modèle béhavioriste

Il montre que l’acquisition des connaissances s’effectue par niveaux successifs,

l’avancement d’un niveau à l’autre se réalisant par un « renforcement ». En réalité, on parle

de « renforcement » si le processus s’achève avec succès, autrement on parlera de

« renforcement » négatif ou de « punition ». En outre, ce modèle présente l’apprenant

comme un individu passif dont l’action est influencée par les conditions externes. Ce

courant d’apprentissage s’inscrit ainsi dans l’apprentissage par conditionnement (Skinner,

1968 et Giurgea, 1997).

4.3Le modèle constructiviste

Il présente l’individu comme l’acteur de son apprentissage dont les connaissances sont

construites par les essais et les erreurs (Ausubel, 1968). Ses stratégies de résolution de

problèmes s’expriment par 4 processus :

 Le processus d’assimilation : l’apprenant mobilise ses connaissances pour résoudre

les problèmes d’apprentissage ;

 Le processus du conflit cognitif : l’apprenant se trouve en situation de conflit

cognitif lorsqu’il échoue à résoudre ses difficultés ;

 Le processus d’accommodation : l’apprenant persévère pour combler ses lacunes

face au problème posé ;

 Le processus d’équilibration : l’apprenant réussit à surmonter ses difficultés à force

d’efforts et de temps.

4.4Le modèle socioconstructiviste

Ce modèle montre que le savoir est construit dans un cadre social par interactions, échanges

et travail de verbalisation. Il met ainsi en évidence quatre dimensions de l’apprentissage : le

conflit cognitif ; la motivation des apprenants ; l’explication des procédures ; la

communication pour surmonter le problème posé (Doise et al., 1978). Plus complet, ce

modèle met l’accent sur les divers échanges de l’apprenant avec les autres membres du

groupe (Vygotsky, 1934 ; Piaget, 1967).

4.5Le modèle cognitiviste et connexionniste

Ce modèle révèle que l’acquisition des connaissances se rattache à l’identification des

informations pertinentes qui sont relié à l'existence de problèmes (Alamargot, 2001). Ce

courant de pensée identifie un ensemble fini de processus cognitifs afin de créer un

ensemble « infini » de connaissances. Selon McCulloch et Pitts (1943), et McClelland et

Rumelhart (1986), le travail le plus important de l’intelligence consiste à créer des

représentations qui génèrent nos conduites et connectent directement notre expérience à nos

apprentissages.

4.6 Le modèle SECI (Socialisation, Extériorisation, Combinaison,

Intériorisation) de Nonaka et Takeuchi (1997)

Le modèle SECI décrit le cycle d’apprentissage et de développement des connaissances

(des compétences) chez les individus au sein de leur environnement social (milieu de

travail). Selon ce modèle, le cycle d’apprentissage s’organise autour de deux éléments : la

différence entre les aspects tacites et les aspects explicites de la connaissance ; les échanges

entre le niveau individuel (seuls les individus créent et traitent les connaissances) et le

niveax collectif (niveau organisationnel).

FIGURE 2-17 : Le cycle d’apprentissage et de développement des connaissances

Source : Nonaka et Takeuchi (1997)

Ce modèle montre que le moteur du processus de développement des compétences relève de

quatre démarches principales :

La socialisation, autrement dit le développement des aspects tacites des

connaissances qui consiste en un processus d’apprentissage par le partage

d’expérience, l’observation, l’imitation et la pratique, mais aussi par le langage et

les discussions constructives;

processus de production d’informations claires et compréhensibles (textes, schémas,

discours, fichiers, métaphores, concepts, hypothèses, modèles …);

La combinaison, c’est-à-dire la conversion et l’échange d’explicite à explicite

(transformation de données explicites en d’autres données explicites) qui se traduit

par un processus d’échanges d’informations (en temps réel ou en temps différé, en

un lieu unique ou dans des lieux différents …) en combinant les différentes sources

d’information comme les documents, les réunions, les conversations téléphoniques,

etc. En somme, l’objectif de la combinaison consiste à synthétiser et clarifier des

données pour les reproduire d’une autre manière ;

L’intériorisation ou la conversion de l’explicite vers le tacite est un processus

d’apprentissage qui part d’éléments explicites comme des informations verbalisées

ou présentés sous forme de documents ou de diagrammes, et qui sont

progressivement intégrés dans les façons de raisonner du sujet.

D’après, Nonaka et Takeuchi, les connaissances se construisent à partir d’une interaction

entre tacite (information non formalisée) et explicite (information affichée, exprimée et

expliquée). Aussi l’acquisition de connaissances dans l’entreprise déclenche-t-elle un

mouvement permanent de combinaison, d’internalisation, de socialisation et

d’externalisation. Les processus sont liés aux moments de socialisation et d’intériorisation

qui construisent chez les individus des connaissances et des compétences nouvelles. Au

niveau de l’individu, la complexité du processus cognitif découle des processus de

compréhension d’éléments nouveaux et du lien avec des savoirs préalables et de la prise de

conscience (Kerri Gati, 2009). Selon Kerri Gati, les quatre aspects de ce modèle

fonctionnent en même temps, se nourrissent en mailles serrées et se supportent les uns les

autres.

4.7L’approche d’apprentissage selon Bateson (1904 - 1980)

Les travaux de Bateson se concentrent sur les systèmes familiaux des processus

d’apprentissage (Pauzé, 1996) et proposent également une réflexion éco-systémique. Dans

un ouvrage écrit avec Margaret Mead en 1942, il fait l’hypothèse que le caractère d’un

individu se forme par sa culture et plus particulièrement par les interactions cumulatives

entre la mère et l’enfant. Pour étayer cette thèse, Bateson propose une théorie de

l’apprentissage par des niveaux hiérarchiques, en distinguant l’apprentissage primaire

(proto-learning) de l’apprentissage secondaire (deutero-learning). Dans l’apprentissage

primaire, ce que l’on apprend n’est pas seulement ce que l’on imagine d’apprendre (dans un

sens commun de compréhension), par exemple faire du vélo, apprendre une langue, réparer

une voiture.

En revanche le « deurero-learning » désigne ce que l’on apprend des interactions avec le

monde social en développant des nouvelles façons de faire. Dès lors, l’apprentissage n’est

pas seulement le fait d’apprendre à avoir la bonne réponse, mais consiste à apprendre et en

même temps à faire face à des situations similaires d’apprentissage.

4.8L’approche d’apprentissage d’Argyris et Schön

Les travaux d’Argyris et Schön sur le processus de création et de développement des

connaissances s’appuient sur les notions de « routines » et de « théories d’action ».

Selon Levitt et March (1988), les « routines » incluent des formes, des règles, des

procédures, des conventions et des stratégies qui se construisent et qui s'intègrent au

fonctionnement des organisations. Cette théorie d’action met en évidence que les

« connaissances qui ont l’avantage d’inclure les stratégies d’action, c’est-à-dire les valeurs

qui gouvernent le choix de stratégies, les paradigmes sur lesquelles reposent (…) nous

avons une situation donnée S, une conséquence précise voulue C et une stratégie d’action A,

dont le but est d’atteindre la conséquence C dans le cadre de la situation S. La forme

générale d’une théorie d’action est la suivante : si vous avez l’intention de produire la

conséquence C dans la situation S, alors faites A ».

La théorie d’action qui s’applique à l’organisation aussi bien qu’à l’individu recouvre deux

formes : la « théorie professée » montre « ce que l’on dit vouloir faire » (Argyris et Schön,

2002, p.36) et la « théorie d’usage » montre « ce que l’on fait en réalité » (Argyris et Schön,

2002, p.36).

Grâce à ces définitions, la notion d’apprentissage organisationnel se précise. En effet,

« lorsque les individus d’une organisation se trouvent confrontés à une situation

problématique et qu’ils entament une investigation au nom de l’organisation. Ils constatent

un écart surprenant entre les résultats espérés et les résultats obtenus, et répondent à ce

constat par un processus de réflexion et d’action qui les conduit à modifier leurs

représentations de l’organisation ou leur compréhension des phénomènes organisationnels,

et à restructurer leurs activités de manière à rapprocher les résultats des attentes,

changeant ainsi la théorie organisationnelle d’usage » (Argyris et Schön, 2002, p.39). À

partir de ces modifications, les auteurs distinguent plusieurs niveaux d’apprentissage :

l’apprentissage en simple boucle, l’apprentissage en double boucle et l’apprentissage en

triple boucle.

L’apprentissage en simple boucle se base sur la théorie de l'action, autrement dit

l’apprentissage doit s’adapter aux changements de l’environnement. Cette adaptation

n’influence pas les valeurs de l’organisation. Les individus corrigent leurs actions après

avoir détecté leurs erreurs et modifient donc leurs stratégies sans influencer les valeurs

directrices et les paradigmes qui sont à la base de leurs comportements.

FIGURE 2-18 : Apprentissage en simple boucle

D’après Argyris et Schön (2002)

Si l’apprentissage en simple boucle est opérationnel et spécialement adaptif, l’apprentissage

en « double boucle » concerne quant à lui sur les normes et le cadre de référence qui pousse

à l’action en priviligéant les approches innovantes grâce à une transformation des cadres

généraux de référence initiaux.

FIGURE 2-19 : Apprentissage en double boucle

Argyris et Schön ont également mis en lumière un troisième type d’apprentissage :

l’apprentissage en triple boucle (deutero learning) qui s’appuie sur les méthodes

d’apprentissage spécifiques à chacun selon l’approche « learning about learning »

(apprendre à apprendre). D’après cette méthode, les individus remettent en cause les valeurs

et les normes relevant des stratégies en usage.

FIGURE 2-20 : Apprentissage en triple boucle

D’après Argyris et Schön (2002)

Cet apprentissage en triple boucle est en réalité plus complexe car chacun essaie

d’interpréter l’information en fonction de ses propres références et expériences en

s’appuyant sur ses compétences métacognitives : l’apprenant peut ainsi créer des

compétences nouvelles (Mira-Bonnardel, 2000 ; Barbat et al., 2011).

Conclusion

La longue histoire des théories de l’organisation et de la gouvernance des entreprises a mis

en évidence les tensions entre la performance d'entreprise et l’organisation du travail : la

recherche à tout prix de la productivité a contribué en partie à réduire le niveau des

compétences et de la qualité.

Les pratiques de la gestion des RH se sont amplifiées et diversifiées en se diffusant dans

l’ensemble de l'organisation. De nouveaux objectifs et de nouvelles initiatives se font jour,

d'autant plus que nous vivons une période d'intenses mutations : ce sont ces processus que

nous aborderons dans le chapitre suivant.

Chapitre 3 : Les compétences en gestion des ressources humaines des